Vu le film Sharknado de Anthony C.Ferrante (2013) avec Ian Ziering Tara Reid John Heard Cassie Scerbo Jaason Simons Alex Arleo Heather Jocelyn Blair Sumiko Brown
Une tornade formée au large du Mexique entraîne l'invasion de Los Angeles par des requins. Le propriétaire d'une buvette de bord de mer (Ian Ziering), accompagné de deux amis et d'une de ses serveuses (Cassie Scerbo), part dans l'intérieur des terres à la recherche de son ex-femme (Tara Reid), de sa fille et de son fils. Malgré les requins qui tombent du ciel, ils réussiront à sauver la ville et à reformer une famille unie.
Et dire que je croyais avoir touché le fond avec les OVNIs filmiques d’Ed Wood. Plan 9 from Outer Space avait au moins la naïveté de sa sincérité. Sharknado, lui, creuse plus bas. Il fore sous la nappe phréatique du bon goût, explose les canalisations de la logique, et finit par faire déborder un tsunami de bêtise sur nos écrans. Non, Sharknado n’est pas un bon mauvais film. C’est un mauvais mauvais film. Un désastre télévisuel habillé en phénomène viral, un navet XXL vendu comme un délire pop. Le souci, c’est qu’on n’y croit jamais vraiment – ni au second degré, ni au plaisir coupable. On assiste juste, désarmé, à un naufrage scénaristique et visuel d’une bêtise abyssale.
Le « scénario », s’il faut oser ce mot, imagine une tempête marine déchaînée au large de Los Angeles. Jusque-là, soit. Mais voilà que ce cyclone aspire dans sa furie les requins de l’océan Pacifique et les redistribue façon pluie sanglante au cœur de la cité des anges. Des squales volants, catapultés dans les rues de Venice Beach, projetés par des mini-tornades jusque dans les salons des habitants. Et ça, c’est la grande idée du film. Une idée que certains qualifieraient de géniale. Mais entre une idée idiote assumée et une exécution consternante, il y a un gouffre, et Sharknado y plonge tête la première.
La mise en scène de Ferrante, qu’on croirait arrachée à un téléfilm de Syfy des années 90 (et encore), est d’un amateurisme confondant. Cadrages aléatoires, rythme aux fraises, montage chaotique… On a parfois l’impression que le film a été tourné sans script, ou au moins sans storyboard. Quant au casting, il est pathétique – dans le sens triste du terme. Tara Reid erre, hagarde, comme si elle regrettait chaque plan tourné. Ian Ziering, éternel rescapé de Beverly Hills 90210, tente de donner un semblant d’héroïsme à son personnage, mais le ridicule l’écrase à chaque instant. John Heard semble s’être égaré sur le plateau, un verre à la main, avant d’être englouti sans cérémonie par un squale numérique.
Les effets spéciaux ? Un désastre. Même les jeux de la première PlayStation paraissent plus convaincants. Les requins sont copiés-collés en boucles, mal incrustés, sans ombres ni poids. La pluie tombe parfois de biais, parfois pas du tout. L’eau inonde les rues dans un plan, sèche dans le suivant. Les lois de la physique, de la gravité, du bon sens, sont allègrement ignorées. Un requin bondit à six mètres d’une flaque, une grande roue dévale Santa Monica et finit encastrée dans un immeuble. On brandit des tronçonneuses, des queues de billard, des flingues… mais rien ne coupe autant que notre envie de continuer à regarder.
Et pourtant, il y avait matière à faire un vrai nanar jouissif. Une série B volontairement décalée, un film catastrophe version cartoon, un clin d’œil aux délires des années 80. Mais rien n’est maîtrisé ici. On n’en rit pas franchement. On ne s’amuse pas. On regarde avec l’œil vide, sidéré par la paresse de l’écriture, la pauvreté du jeu, et l’indifférence générale que tout cela transpire.
Sharknado n’est pas un accident cinématographique – c’est une opération marketing. On a consciemment fabriqué un film mauvais, espérant qu’il devienne culte « parce que c’est nul ». Mais être mauvais n’a jamais suffi. Il faut de la sincérité, une vision, voire une maladresse touchante. Ici, tout est mécanique, cynique. Le nanar a été industrialisé. Ce n’est plus du mauvais goût, c’est de la mauvaise foi.
Alors oui, on se souvient de la scène de la tronçonneuse dans le ventre du requin. Mais on s’en souvient comme d’un cauchemar grotesque, pas comme d’un moment de cinéma. Et le plus consternant dans tout cela, c’est qu’on a donné des suites à cette bêtise – comme si l’absurde appelait à l’infini de nouveaux sommets de nullité.
À force de se moquer du cinéma, Sharknado finit par se moquer de ses spectateurs. Il ne cherche pas à faire rire, ni peur, ni réfléchir. Il cherche juste à buzzer. Et c’est peut-être ce qui m’attriste le plus : ce n’est plus un film, c’est un mème. Une coquille vide, vaguement drôle sur Twitter, mais tragiquement vide de toute ambition réelle. Une tornade de requins, oui, mais sans la moindre morsure.
Un désastre filmique dont même Ed Wood n’aurait pas voulu signer le générique.
Et dire qu’il y a eu des suites , c’est à pleurer
NOTE : 8.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Anthony C. Ferrante
- Scénario : Thunder Levin
- Direction artistique : Ashley Hasenyager
- Décors : Moana Hom
- Costumes : Amber Hamzeh
- Photographie : Ben Demaree
- Son : Michael Hardman
- Montage : William Boodell
- Musique : Ramin Kousha
- Production : Paul Bales, David Michael Latt (en), David Rimawi
- Société de production : The Asylum
- Budget : 2 000 000 $
- Ian Ziering (VF : Christophe Seugnet) : Fin Shepard
- Tara Reid (VF : Marie Gamory) : April Wexler
- John Heard (VF : Gérard Rouzier) : George
- Cassie Scerbo (VF : Marie Nonnenmacher) : Nova Clarke
- Jaason Simmons (VF : Eric Omet) : Baz Hogan
- Alex Arleo : Bobby
- Neil H. Berkow : Carl Hubert
- Heather Jocelyn Blair : Candice
- Sumiko Braun : Deanna
- Diane Chambers : Agnes
- Julie McCullough (en) : Joni Waves
- Marcus Choi (VF : Jean-Pierre Leblan) : Palmer
- Israel Sáez de Miguel (VF : Yann Pichon) : capitaine Carlos Santiago
- Tiffany Cole : Derek
- Trish Coren : infirmière Holden
- Chuck Hittinger : Matt Shepherd
- Aubrey Peeples (VF : Sophie Planet) : Claudia Shepherd
- Michael Teh : Weinstein
- Connor Weil : Luellyn
- Christopher Wolfe : Colin
- Steve Moulton : employé de supérette
- Robbie Rist : Robbie le chauffeur de bus
- David Bittick : Nada, le commandant en 2d
- Derek Caldwell : chauffeur
- Adrian Bustamante (en) : Kelso
- Samantha Rafanello : elle-même

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