Vu le Film Prosper de Yohann Gloaguen (2025) avec Jean Pascal Zadi Cindy Bruna Mamadou Minté Ralph Amoussou Makita Samba Salimata Kamaté Jean Claude Muaka
Un homme d'affaires, également sapeur, est tué par balles au moment où il monte dans le véhicule d'un chauffeur VTC. Celui-ci, qui a des difficultés financières comme sentimentales, se débarrasse du corps mais conserve 30 000 euros que le sapeur avait dans sa poche et enfile ses souliers en peau de crocodile. L'esprit du mort s'empare alors de son corps.
Pour son premier long-métrage, Yohan Gloaguen plonge avec Prosper dans un univers méconnu du grand public : celui de la sape – cette culture vestimentaire flamboyante et codifiée née au Congo et très présente dans les diasporas africaines – ainsi que dans le versant plus sombre des nuits parisiennes où gravitent petits arnaqueurs, rêveurs en déroute et figures fantomatiques. Le film avait de quoi séduire sur le papier : une ambiance originale, un personnage principal haut en couleur, un soupçon de fantastique et une incursion dans des milieux rarement représentés à l’écran français. Hélas, malgré cette promesse, Prosper peine à tenir la distance.
L’histoire suit Prosper (Jean-Pascal Zadi), modeste vigile de centre commercial à la vie morne, fasciné par les sapeurs et la grandeur perdue de son père. Un soir, après une altercation dans le métro, il se réveille dans un monde légèrement altéré – ou peut-être est-ce le même, mais vu sous un autre prisme. Car Prosper se met à croiser des figures louches, revêt les habits d’un gangster qu’il n’a jamais été, et semble vivre une existence parallèle. Est-il possédé, manipulé ou simplement victime d’un délire ? Le film ne tranche jamais vraiment, laissant flotter le spectateur dans une indécision qui, au lieu de nourrir le mystère, finit par créer de la confusion.
Il faut reconnaître cependant le talent comique et dramatique de Jean-Pascal Zadi. Avec ce double rôle entre le benêt attachant et le voyou stylisé, il démontre une véritable aisance dans l’ambiguïté. Il cabotine, certes, mais avec un charme certain, injectant des pointes d’humour dans un récit qui, sans cela, serait sans doute resté trop plat. Ses échanges avec sa mère (jouée par Salimata Kamate, toujours juste), apportent une chaleur bienvenue au film et quelques scènes mémorables, notamment lorsqu’elle le sermonne en wolof ou lui reproche ses ambitions farfelues.
Mais le cœur du problème reste le scénario : peu structuré, hésitant entre la chronique sociale, le film de genre et le conte urbain. Le fantastique, annoncé comme une composante du récit, se réduit à quelques scènes au symbolisme flou, et ne parvient jamais à imposer une vraie tension ni une vraie étrangeté. Le film flotte entre les genres sans jamais s’y ancrer.
La reconstitution du monde de la sape, en revanche, est soignée : les costumes chatoyants, les défilés improvisés, les rivalités d’élégance, tout cela est filmé avec une sincérité manifeste. Gloaguen, s’il manque encore de rigueur narrative, a un vrai regard, une tendresse pour ses personnages, et une envie d’offrir un autre visage des diasporas africaines. Mais il ne parvient pas à dépasser un certain entre-soi. On sent que le film cible une communauté précise, celle des jeunes issus de l'immigration africaine, mais il ne fait pas assez pour embarquer les autres spectateurs, manquant d’universalité ou de densité émotionnelle.
Prosper est une tentative sincère, un peu maladroite, parfois séduisante, mais globalement inaboutie. Le potentiel de Gloaguen est palpable, son univers mérite d’être approfondi, mais il lui faudra pour l’avenir un scénario plus solide, moins linéaire dans son errance, pour espérer toucher au cœur. À regarder sans trop d’attentes, pour les performances de Zadi et Kamate, pour quelques dialogues savoureux et pour une plongée inédite dans un pan vibrant de la culture afro-parisienne.
NOTE : 7.10
FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Yohann Gloaguen Scénario : Dominique Baumard, Thierry Lounas, Yoann Gloaguen et Léo Noël Musique : John Kaced Décors : Sophie Guichard Costumes : David Rossini Photographie : Thomas Bremond Son : Maxime Berland, Fabien Beillevaire, Geoffrey Perrier et Jules Jasko Montage : Ann-Sophie Wieder Production : Thierry Lounas, Vincent Maraval et Jean-Pascal Zadi Société de production : Capricci Production, Wild West et Douze Doigts Productions Société de distribution : Le Pacte Budget : 2,6 millions d'euros
DISTRIBUTION
- Jean-Pascal Zadi : Prosper
- Cindy Bruna : Anissa
- Mamadou Minté : Alpha
- Ralph Amoussou : Aristote
- Makita Samba : King
- Salimata Kamaté : la mère de Prosper
- Jean-Claude Muaka : Trésor
- Jessy Salomée Ugolin : Malia
- Guillaume Duhesme : Boris
- Denis Mpunga : Mbilla
- Jocelyn Armel : le Bachelor
- Robby-Ange Kimvula : Monsieur Robby « Robby The Lord »

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