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jeudi 24 juillet 2025

12.90 - LES GUICHETS DU LOUVRE DE MICHEL MITRANI (1974)


 Avis sur le film Les Guichets du Louvre de Michel Mitrani (1974) avec Christine Pascal Christian Bist Michel Auclair Miche Robin Henri Garcin Judith Magre Alice Sapritch Evelyne Estria 

Le 16 juillet 1942, à Paris, un jeune étudiant, averti de l'imminente rafle, se rend dans le quartier Saint-Paul du Marais pour tenter de sauver quelques personnes. Il rencontre une jeune fille juive et tente de la sauver en traversant la Seine pour se réfugier vers la rive gauche. 

Le titre fait référence aux guichets du Louvre qui constituaient la limite de la zone de la rafle. 

Dans ce film trop peu connu du grand public, Michel Mitrani, réalisateur discret mais sincère, s'empare d’un événement historique majeur : la rafle du Vélodrome d’Hiver des 16 et 17 juillet 1942, où plus de 13 000 Juifs furent arrêtés à Paris avant d’être déportés, sans retour, vers Auschwitz. Les Guichets du Louvre, inspiré du récit autobiographique de Roger Bousinnot, met en scène un jeune homme, Paul, interprété par Christian Bist, qui erre dans les rues de la capitale occupée et tente, à sa mesure, de sauver quelques Juifs. Cette fiction, sobre et presque sèche, raconte l'indicible à hauteur d’homme, sans appuyer le trait. 

Mais si Les Guichets du Louvre vaut comme un témoignage poignant, c’est surtout grâce à sa reconstitution historique minutieuse. À travers les rues grises de Paris, encore silencieuses après la rafle, le film montre les itinéraires imposés aux familles juives : stations de métro, files d'attente devant les commissariats, la peur dans chaque regard. Il ne s’agit pas d’un grand spectacle mais d’un film presque documentaire dans sa précision. Et c’est cette approche modeste qui rend le propos d’autant plus fort. La caméra suit Paul, mais surtout Jeanne, jeune femme juive qu’il essaie de convaincre de fuir, incarnée par une Christine Pascal bouleversante, toute en fragilité et retenue. Avant que Tavernier ne lui offre ses plus grands rôles, elle trouve ici une partition exceptionnelle, à la fois digne, émouvante, et jamais surjouée. 

On a pu reprocher au film une certaine froideur, une forme un peu scolaire, presque académique. Il est vrai que la mise en scène reste très classique, sans effets de style. Mais ce parti-pris, loin d’être un défaut, traduit une volonté de sobriété face à l’horreur. Le drame ne se crie pas : il se devine dans les silences, dans les gestes simples, dans les regards. Une scène se détache pourtant : ce long et beau baiser entre Paul et Jeanne, qui semble suspendre le temps, comme une ultime tentative de croire à la vie alors que tout s’effondre. 

À cette tension dramatique répondent de longues déambulations dans Paris, filmées avec lenteur, presque en apesanteur. Le Paris de 1942 renaît par petites touches — les affiches, les uniformes, les regards fuyants — et s’incarne aussi dans la composition discrète mais touchante de Mort Shuman. Michel Auclair, dans un second rôle, apporte sa stature et sa gravité, et participe à cette galerie de portraits où chaque personnage représente une facette du comportement français sous l’Occupation : les justes, les collaborateurs, les indifférents et les voleurs. Il y a quelque chose de manichéen, parfois, dans ces figures, mais peut-on vraiment exiger de la nuance quand la vérité historique fut si tranchée ? 

Le film rejoint à sa manière les intentions de La Rafle de Rose Bosch, mais en bien plus feutré, plus littéraire. Il n’a pas les moyens, ni l’ampleur d’un grand drame historique, mais il en a la justesse. On pense à cette très belle phrase qui pourrait en être l’épitaphe : « Le temps prend la parole : les couleurs des glaïeuls paraissent distillées. L’éclat pur de ces touches écrase presque la substance vivante de la fleur. » Tout est dit : la beauté des choses survivra-t-elle à l'effacement des êtres ? 

L’histoire sentimentale finit par prendre le dessus, sans jamais éclipser le contexte, mais en lui donnant un visage humain. Jeanne, figure à la fois fantomatique et universelle, devient une ombre que l’on tente de retenir. Et nous, spectateurs, devenons passants de l’Histoire, témoins impuissants d’un moment qu’il faut pourtant sans cesse rappeler. 

Les Guichets du Louvre est une œuvre rare, pudique, essentielle. Un film de mémoire plus qu’un film de guerre, à (re)découvrir en cette période de commémoration. 

 NOTE : 12.90

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION


VI 

FICHE TECHNIQU

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