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mercredi 30 juillet 2025

14.20 - MON AVIS SUR LE FILM A NOUS LES PETITES ANGLAISES DE MICHEL LANG (1976)


 Vu le film A Nous Les Petites Anglaises de Michel Lang (1976) avec Rémi Laurent Stéphane Hillel Sophie Barjac Michel Melki Martine Sarcey Véronique Delbourg Julie Neubert Rynagh O'Grady Ayna Vallée Brigitte Bellac Frédéric Pieretti Pierre Pradinas Marc Choupard 

Été 1959. Après avoir raté leur baccalauréat, deux lycéens français, Jean-Pierre et Alain, voient leurs vacances à Saint-Tropez annulées par leurs parents, au profit d'un séjour linguistique mois dans le sud de l'Angleterre pour, officiellement, améliorer leur anglais. 

Alain est d'une nature romantique et est déçu de laisser sa petite amie à Paris, mais Jean-Pierre lui remonte le moral : ces vacances forcées seront l'occasion de faire de nouvelles conquêtes car selon lui, c'est bien connu, les Anglaises sont beaucoup plus libérées et adorent les « Frenchies », l'innocence et les virginités se perdent. 

À nous les petites Anglaises (Michel Lang, 1976) est plus qu’une simple comédie estivale : pour qui, comme vous, l’a vécue en miroir de sa propre jeunesse, elle devient une capsule sensorielle, un parfum de vacances, une silhouette en maillot sur une plage de sable fin, une voix d’adolescent sur fond de tubes pop. Filmé avec tendresse, sans volonté critique mais avec une vraie chaleur humaine, il capte un moment suspendu où l’insouciance se mêle à l’éveil du désir, dans une France de fin de Trente Glorieuses qui s’apprête à basculer, doucement, dans d’autres tumultes. 

L’histoire, légère comme un roman de plage, suit deux lycéens, Alain (Rémi Laurent) et Jean-Pierre (Stéphane Hillel), envoyés en pension linguistique dans le Kent pour améliorer leur anglais. À peine arrivés, leur vrai objectif transparaît : séduire, flirter, se faire aimer. En somme, grandir. Ces jeunes gens bien nés, au début agaçants par leur suffisance adolescente, deviennent peu à peu des figures attachantes. Michel Lang, qui maîtrise le ton juste entre satire et chronique attendrie, les filme non pas comme des caricatures mais comme des garçons en apprentissage – de l’amour, de l’échec, de la perte, aussi. 

Le film aurait pu glisser vers la vulgarité ou le systématisme, mais la grâce de sa direction d’acteurs l’en préserve. Il y a dans le regard de Lang cette « complaisance attendrie » ce plaisir presque complice de les regarder faire les imbéciles, se heurter à des filles qui les dépassent – notamment la Suédoise, archétype de la libération sexuelle fantasmée, et surtout Véronique (Sophie Barjac, très juste), rêve incarné d’un amour romantique. On sent bien que c’est elle, en creux, qui donne au film sa touche mélancolique, sa part de sérieux. Elle existe, elle résiste, elle exige autre chose qu’un corps sur une plage. 

Il faut saluer la partition musicale de Mort Shuman, dont la bande originale reste un des grands attraits du film. Oscillant entre rock sucré, morceaux originaux et chansons d’époque, elle agit comme un fil sensible, un canal direct vers la mémoire. Elle n’illustre pas seulement, elle accompagne, elle colle aux personnages. Elle est, à elle seule, une nostalgie. À sa sortie, À nous les petites Anglaises rencontre un succès prolongé, notamment dans les cinémas de quartier comme le Saint-Lazare Pasquier dont j’étais assidus plus d’une fois pour ce film, qui en fit son affiche pendant une grande partie de l’année 1976. Ce succès populaire, bien que méprisé par une certaine critique, témoigne de l’impact du film sur toute une génération. 

Les scènes se succèdent comme une suite de vignettes estivales : bains de mer, discothèques locales, quiproquos, rendez-vous manqués, baisers volés. On y retrouve cette légèreté apparente des comédies érotiques de l’époque — mais sans la vulgarité. Lang filme avec une bienveillance teintée de mélancolie, et son humour, souvent basé sur le décalage culturel, n’est jamais cynique. 

C’est un film générationnel, oui, mais qui touche aussi ceux qui ne l’ont pas vécu en temps réel. Car derrière ses apparences frivoles, il capte avec précision le passage à l’âge adulte, quand la conquête n’est pas encore un jeu cynique, mais un apprentissage parfois douloureux. Les garçons sont obsédés par le sexe, c’est vrai, mais ils sont aussi maladroits, dépassés par les filles, qui souvent les surclassent en lucidité. 

On y découvre un Rémi Laurent au charme malicieux, disparu trop tôt (à 32 ans, du sida), dont le sourire et l’élan de vie éclaboussent l’écran. Stéphane Hillel, plus posé, compose un personnage à la fois lunaire et affectueux, promesse d’un avenir que l’on connaît aujourd’hui sur les planches et à la Tête du Théâtre de Paris. Quant à Sophie Barjac, elle porte en elle l’éclat un peu timide des héroïnes de cette époque, où le charme ne s’imposait pas, mais s’offrait, pudiquement. 

Michel Lang signera d’autres variations légères sur cette veine (L’Hôtel de la Plage, Le Cadeau, On est venu là pour s’éclater…), mais ce premier succès conserve une place à part. Parce qu’il est porté par la fraîcheur de la découverte, par une génération d’acteurs en devenir, par une époque en bascule, et par un regard de cinéaste encore curieux et sincère. Il capte, sans jamais forcer le trait, cet âge fragile où l’on passe de l’ignorance à l’expérience, du fantasme à la réalité, du rire au pincement de cœur. 

À nous les petites Anglaises ne prétend pas faire œuvre, mais il reste comme une bulle. Une bulle douce et légère, qui n’a pas éclaté. 

NOTE ; 14.20

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Michel Lang
  • Scénario : Michel Lang
  • Production : Irène Silberman, Production Les Films Galaxie, Paris
  • Distribution : Compagnie Commerciale Française Cinématographique, Paris
  • Photographie :
  • Musique originale : Mort Shuman
  • Durée : 104 minutes
  • Affiche du film : René Ferracci

DISTRIBUTION

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