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lundi 14 juillet 2025

14.10 - MON AVIS SUR LE FILM ON IRA DE ENYA BAROUX (2025)


 
Vu le film On Ira de Enya Baroux (2025) avec Hélène Vincent Pierre Lottin Juliette Gasquet DavId Ayala Nicolas Lumbreras Gabin Visona Ariane Mourier Jeanna Arènes 

Marie, 80 ans, en a ras-le-bol de sa maladie. Elle a un plan : partir en Suisse pour mettre fin à ses jours. Mais au moment de l'annoncer à Bruno, son fils irresponsable, et Anna, sa petite-fille en crise d'ado, elle panique et invente un énorme mensonge. Prétextant un mystérieux héritage à aller chercher dans une banque suisse, elle leur propose de faire un voyage tous ensemble. 

Avec Ça ira, son premier long-métrage en tant que réalisatrice, Enya Baroux livre une œuvre lumineuse sur un sujet qui aurait pu sombrer dans le pathos : la fin de vie choisie, ou plus précisément, le suicide assisté. Loin de tout misérabilisme, le film épouse le ton fragile mais maîtrisé d’une comédie dramatique douce-amère, pleine d’humanité, de dérision, et paradoxalement… de vie. 

L’histoire suit Suzanne, une femme âgée, lucide, interprétée avec une justesse bouleversante par Hélène Vincent, qui décide d’organiser son départ volontaire vers la Suisse, là où la procédure est légale. Elle refuse d’attendre que le corps ou l’esprit la trahisse. Ce choix, qu’elle assume pleinement, va bousculer ses proches : un fils déboussolé (Pierre Lottin, formidable dans la confusion tendre), une infirmière (Juliette Gasquet) qui vacille entre attachement et devoir de neutralité, et un vieil ami (David Ayala), fantasque et fidèle, qui devient un allié inattendu. 

Dès les premières scènes, Enya Baroux installe un ton singulier, où l’humour n’annule jamais la gravité, mais permet de respirer. On rit parfois à travers les larmes, et c’est sans doute ce qui rend le film si juste. Le choix musical — Voyage Voyage de Desireless — n’est pas gratuit ni opportuniste : il évoque, comme vous l’avez ressenti, le franchissement d’un cap, une forme de spiritualité laïque dans l’acceptation du passage. 

La force du film réside dans les non-dits, les silences, les regards. La difficulté d’annoncer à ses proches qu’on veut partir volontairement est au cœur du récit. On comprend les hésitations, les maladresses, les réactions parfois égoïstes — car c’est humain, ce refus de laisser partir. Et c’est là que Ça ira évite le piège du jugement : chacun des personnages est traité avec compassion. Même ceux qui veulent retenir Suzanne ne sont pas montrés comme des obstacles, mais comme des êtres blessés par la peur de perdre. 

Enya Baroux se permet même une ironie tendre, comme ce moment où une vieille cassette des 2Be3 surgit, avec Partir un jour en fond sonore. Clin d’œil kitsch mais émouvant, qui illustre bien cette volonté de désacraliser la mort sans l’abîmer. La fin de vie ici n’est ni une tragédie pure, ni une comédie noire : c’est un moment de vérité, parfois drôle, souvent touchant, jamais cynique. 

Le film pose une question essentielle : à qui appartient notre vie ? À nous seuls ? À ceux qui nous aiment ? Et que signifie aimer quelqu’un : le garder à tout prix, ou l’accompagner dans ses choix ? Ces interrogations résonnent longtemps après la projection, car elles sont universelles. 

Et il faut le souligner : Hélène Vincent est magistrale. Elle ne joue pas la vieillesse, elle l’incarne avec une délicatesse infinie. Sa performance mérite très clairement un César — non pas pour récompenser une carrière (même si elle le mériterait aussi), mais pour saluer une interprétation présente, fine, vivante, où la comédienne ne fait jamais appel à l’émotion facile. 

Ça ira est donc un film sur la mort, oui, mais qui donne envie de vivre. Il nous pousse à appeler un proche, à dire ce qu’on tait, à rire de l’absurde, à regarder les autres avec plus de douceur. C’est une œuvre profondément française dans son traitement à la fois intime et social, mais qui pourrait toucher un public bien au-delà de nos frontières. Parce que le sujet nous concerne tous. 

Un très beau départ pour Enya Baroux en tant que réalisatrice, et un film à garder en tête quand viendra l’heure des bilans de fin d’année. 

NOTE : 14.10

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Enya Baroux
  • Scénario : Enya Baroux, Martin Darondeau et Philippe Barrière
  • Musique : Dom La Nena
  • Décors : Astrid Tonnelier
  • Costumes : Michelle Piana
  • Photographie : Hugo Paturel
  • Son : Franck Duval
  • Montage : Baptiste Ribrault
  • Production : Nathalie Algazi, Martin Darondeau, Yves Darondeau et Emmanuel Priou
    • Coproduction : Cloé Garbay, Jérôme Hilal, Laurent Jacobs et Bastien Sirodot
  • Sociétés de production : Bonne Pioche et Carnaval Productions, en coproduction avec UMedia et Zinc
  • Sociétés de distribution : Zinc (France), Belga Films (Belgique), JMH Distributions (Suisse)

DISTRIBUTION

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