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samedi 19 juillet 2025

13.20 - MON AVIS SUR LE FILM LA FABRIQUE DU MENSONGE DE JOAQUIM LANG (2025)

 


Vu le film La Fabrique du Mensonge de Joaquim Lang (2025) avec Robert Stadlober Fritz Karl Franziska Weisz Dominik Maringer Moritz Furhman Till Firit Christoph Franken Katia Fellin 

Le film se concentre, de 1938 à 1945, sur la relation entre Adolf Hitler et Joseph Goebbels, dont ce dernier s'est chargé de la propagande nazie. Après l’annexion de l’Autriche et la destruction de la Tchécoslovaquie, le ministre de la propagande se voit confier par le Führer la tâche de préparer psychologiquement les Allemands à la guerre imminente. 

Ce film n’est pas un documentaire au sens classique, mais bien un objet cinématographique hybride, glaçant et puissamment immersif, qui reconstitue avec une rare minutie l’itinéraire de Joseph Goebbels, maître de la propagande nazie, entre 1938 et 1945. Joachim Lang réussit le pari ambitieux de faire coexister reconstitution fictionnelle et images d’archives, en entrelaçant les deux avec une fluidité remarquable. Ce procédé – loin d’être gadget – donne au film une puissance évocatrice presque insoutenable : il ancre la fiction dans le réel et rend le mensonge palpable, charnel, obsédant. 

Lang s’appuie sur le journal personnel de Goebbels, tenu au quotidien durant les années de guerre. Ce matériau hallucinant donne à entendre les pensées intimes de celui qui fut à la fois idéologue, séducteur médiatique, manipulateur et bourreau. C’est un film sur le pouvoir des mots, des images, de la répétition, sur cette capacité effroyable à retourner la réalité pour fabriquer une vérité utile au régime. 

Le film s’ouvre sur l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche, et s’achève dans les décombres du bunker berlinois. Entre les deux, une trajectoire d’autant plus terrifiante qu’elle épouse une logique rationnelle et stratégique. L’épisode de la Nuit de cristal, par exemple, montre à quel point Goebbels savait instrumentaliser chaque fait divers (ici, l’assassinat du diplomate vom Rath à Paris) pour attiser la haine, créer l’ennemi juif comme menace permanente, et légitimer l’horreur. 

Le film atteint une tension maximale avec le discours du 18 février 1943 au Palais des Sports de Berlin : ce moment de délire nationaliste, filmé à l’époque par les caméras du régime, est reconstitué ici en miroir, avec une précision troublante. C’est le sommet de la carrière de Goebbels, sa consécration personnelle – et le basculement du Reich vers une guerre d’anéantissement absolue. 

Lang explore toutes les sphères d’action de son personnage : le contrôle de la presse, l’encadrement de la radio, l’usage du cinéma comme outil d’endoctrinement, avec des évocations glaçantes de films comme Le Juif Süss, Le Juif éternel ou Kolberg (tourné en 1945 dans une ville déjà assiégée). Mais il évoque aussi l’homme privé, ses frustrations, sa jalousie envers Hitler, sa fascination pour le théâtre, ses amours pathologiques. 

Ce qui rend ce film indispensable, c’est son ancrage historique et sa résonance contemporaine. À l’heure où les discours de haine, les manipulations médiatiques et les populismes prospèrent sur les réseaux sociaux, La Fabrique du mensonge agit comme un électrochoc. Il montre comment un homme intelligent, cultivé, charismatique a su façonner une nation entière à coups de slogans, d’images et de peurs savamment orchestrées. 

Il ne s’agit pas de brosser un portrait psychologique « humain » de Goebbels, mais bien de montrer comment le mal s’organise méthodiquement, avec des outils culturels et technologiques qui sont, aujourd’hui encore, à portée de main. En ce sens, le film dialogue avec La Chute de Hirschbiegel ou La Conférence de Matti Geschonneck, mais va peut-être plus loin dans la réflexion sur la mise en scène du pouvoir et l’esthétisation du politique. 

Un film terriblement actuel, qui nous force à réfléchir sur notre rapport à l’image, à l’émotion, au récit officiel. Et qui rappelle une chose fondamentale : l’Histoire ne se répète jamais à l’identique, mais elle bégaie souvent dans le vacarme des discours simplistes. À voir, absolument. 

NOTE : 13.20

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation et scénario : Joachim Lang (de)
  • Musique : Michael Klaukien (de)
  • Décors : Benedikt Herforth et Pierre Pfundt
  • Costumes : Katarína Štrbová-Bieliková
  • Photographie : Klaus Fuxjäger
  • Son : Matteo Bohé
  • Montage : Rainer Nigrelli (de)
  • Production : Till Derenbach et Michael Souvignier (de)
    • Production associée : Andreas Fröhlich et Jan Novotný
    • Coproduction : Sandra Maria Dujmovic
  • Sociétés de production : Zeitsprung Pictures GmbH, en coproduction avec SWR
  • Sociétés de distribution : Wild Bunch Germany (Allemagne) ; Condor Distribution (France)
  • Pays de production : Drapeau de l'Allemagne Allemagne et Drapeau de la Slovaquie Slovaquie

DISTRIBUTION

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