Vu le film Tintin et les Oranges Bleues de Philippe Condroyer (1964) avec Jean Pierre Talbot Jean Bouise Félix Fernandez Jenny Orléans Angel Alvarez Max Elloy Franky François André Marié et le chien Ladeuche (Milou)
Le professeur Tournesol à la télévision lance un appel à lutter contre la faim dans le monde. En réponse, il reçoit de nombreux courriers et colis, dont une mystérieuse orange bleue, envoyée par la professeure Antênor Zallaméa, qui pousse en milieu désertique et brille dans le noir. La nuit même, des voleurs s’introduisent au château de Moulinsart et volent l’orange. Tournesol, accompagné de Tintin, du capitaine Haddock et de Milou, se rend alors à Valence, en Espagne, pour rencontrer Zallaméa.
Toujours en route, Tintin ? — Il faut remonter le temps, à l’époque bénie où Tintin, héros immaculé des albums d’Hergé, passait du papier au grand écran, non pas en dessin animé mais en chair et en costume, et c’est ce qui fait le charme si particulier de Tintin et les Oranges bleues. Deuxième aventure « live » après Le Mystère de la Toison d’Or, ce film rare et précieusement maladroit a bercé l’enfance de plusieurs générations. Le plaisir coupable d’aujourd’hui, c’était l’émerveillement naïf d’hier.
L’histoire, typique de l’univers hergéen, commence sur une note utopique : le professeur Tournesol invente une orange bleue censée résoudre la faim dans le monde. Mais voilà que le fruit est volé, et qu’une nouvelle enquête mène Tintin, le capitaine Haddock et Milou jusque dans les vergers espagnols de Valence, dans une ambiance d’espionnage léger et d’aventures rurales.
Jean-Pierre Talbot, sosie vivant de Tintin repéré et adoubé par Hergé lui-même, campe un reporter certes appliqué, mais un peu lisse. Sa performance reste son unique titre de gloire au cinéma, et malgré sa fidélité au personnage, on sent parfois l'amateurisme affleurer. À l’inverse, Jean Bouise est un Haddock d’anthologie : râleur, nerveux, burlesque et habité. Sa gestuelle outrée et sa diction gouailleuse lui confèrent un comique savoureux, presque involontaire aujourd’hui, mais si touchant. Félix Fernández incarne Tournesol avec bonhomie, bien qu’assez éloigné de l’original — la surdité est là, les inventions aussi, mais l’aura poétique du savant lunaire se perd dans les bruitages rococos.
Car oui, notre regard adulte — moins indulgent — remarque ce que l’enfant n’entendait pas : des dialogues un peu raides, souvent explicatifs, des scènes au découpage pataud, une photo téléfilmée, et des effets spéciaux en carton-pâte. Le film a visiblement souffert de son faible budget, et la mise en scène de Condroyer peine à donner du souffle à l’intrigue. Certaines séquences sont étirées jusqu’à l’essoufflement, à commencer par les courses-poursuites ou les scènes de laboratoire, qui frisent parfois le pastiche.
Mais tout cela participe aussi à son charme. Tintin et les Oranges bleues est une œuvre modeste, sincère, sans cynisme. L’Espagne ensoleillée sert de décor pittoresque, et l’idée d’un fruit mutant aux vertus humanitaires est délicieusement datée, dans un esprit presque Club des Cinq mêlé à une utopie des années 60. La musique, typiquement illustrative, ponctue l’action de fanfares ou de suspense, souvent de manière un peu tonitruante. Milou est un vrai chien, dressé mais imprévisible, et ses interventions sont parfois plus spontanées que celles des humains.
Il y a quelque chose d’émouvant à revoir ce film aujourd’hui : c’est un témoin d’un temps révolu, celui où l’on croyait qu’adapter Tintin signifiait simplement lui donner un visage humain et l’envoyer dans des aventures vaguement exotiques. Cela n’a pas la rigueur des albums, ni leur humour ciselé, ni leur rythme. Pourtant, il y a une magie ineffable, un parfum d’enfance, une gentillesse désuète. Le film est resté figé dans son époque, mais il appartient à notre mémoire collective.
Alors certes, il a mal vieilli, mais peut-être est-ce nous qui avons vieilli. Entre nostalgie et indulgence, Les Oranges bleues reste une curiosité attachante, et pour certains, un petit trésor d’époque qu’on ne reniera jamais tout à fait.
NOTE : 12.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Philippe Condroyer
- Scénario et dialogues : André Barret
- Adaptation : André Barret avec la collaboration de Philippe Condroyer, Rémo Forlani, René Goscinny, et les conseils scientifiques de Jacques Bergier.
- Musique : Antoine Duhamel
- Images : Jean Badal
- Décors : Pierre-Louis Thévenet
- Montage : Madeleine Bibollet
- Costumes : Tanine Autré pour La Belle Jardinière
- Maquillages : Charly Koubesserian
- Production : Rafael Carrillo (direction) ; Jacques Brua (administration)
- Société de production : Alliance de Production cinématographique Procusa
- Jean-Pierre Talbot : Tintin
- Le chien Ladeuche : Milou
- Jean Bouise : le capitaine Archibald Haddock
- Félix Fernández (VF : Alfred Pasquali) : le professeur Tryphon Tournesol
- Jenny Orléans (voix chantée : Micheline Dax) : Bianca Castafiore
- Ángel Álvarez (VF : Serge Nadaud) : le professeur Anténor Zallaméa
- Max Elloy : Nestor
- Franky François : Dupond
- André Marié : Dupont
- Pierre Desgraupes : lui-même
- Bernabé Barta Barri (VF : Marcel Dalio) : l'émir
- Jesus Tordesillas (VF : Georges Hubert (acteur)) : Don Lope
- José Sazatornil : Fernando
- Édouard Francomme : le maire
- Jean-Pierre Zola : le président et la voix du chef de l'Orange Corporated
- Georges Douking : le photographe
- Salvador Beguería : Francesito
- Pedro Mari Sánchez (es) : Pablito
- Achille Zavatta : un invité à Moulinsart
- Jean Blancheur : un invité à Moulinsart
- Georges Loriot : un invité à Moulinsart
- Estensorro

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