Vu le film Dragons de Dean DeBlois (2025) avec Mason Thames Gérard Butler Nico Parker Julian Dennison Nick Frost Bronwyn James Gabriel Howell Ruth Codd
Sur la rude île de Berk, où les Vikings et les dragons sont des ennemis jurés depuis des générations, Harold se distingue. Fils inventif, mais négligé du chef Stoïck la brute, Harold défie des siècles de tradition en se liant d'amitié avec le dragon Krokmou, une Furie Nocturne.
Il arrive un moment où l’on se demande non pas pourquoi un film existe, mais pour qui. En adaptant en prises de vues réelles son propre chef-d’œuvre d’animation de 2010, Dean DeBlois semblait vouloir revisiter le monde de Dragons avec une touche plus “réaliste”, plus “mature”, dans cette vague des remakes live-action initiée (et surexploitée) par Disney. Mais Dragons n’est ni une relecture, ni une extension, ni même une célébration : c’est une duplication en mode ralenti, désincarnée et paresseuse, qui n’a pas d’autre ambition que de rentabiliser une franchise.
L’histoire, elle, reste la même, ou presque : Harold, jeune viking peu doué pour la baston, vit sur l’île de Beurk où tuer des dragons est une tradition. Sa rencontre avec un dragon blessé, Furie Nocturne qu’il baptisera Krokmou, va changer sa vie, et accessoirement la relation entre les humains et les créatures cracheuses de feu. Le récit du garçon qui apprivoise la bête et remet en cause l’ordre établi reste puissant, en théorie. Mais ici, tout semble appauvri, comme si le film n’avait gardé que le squelette du récit original sans en raviver la chair.
Et c’est peu dire que la première partie du film est la plus laborieuse. D’entrée, on est frappé par l’aspect visuel : là où l’animation de 2010 offrait des panoramas sublimes, des envolées lumineuses, et des ambiances colorées d’une grande finesse, Dragons 2025 nous sert une direction artistique fadasse, des éclairages grisâtres, une photographie terne, des décors sans âme. Les costumes semblent avoir été chinés dans un entrepôt de série B médiévale, et les acteurs — souvent jeunes, insipides ou mal dirigés — ne dégagent pas la moindre intensité. Ni tendresse, ni humour, ni complicité : on attend que les scènes passent.
Même Krokmou, pourtant cœur battant du récit, fait l’objet d’un copié-collé numérique du film d’animation. Même design, mêmes mimiques, mêmes grands yeux : rien n’a été repensé. L’effet de familiarité aurait pu attendrir, mais c’est le contraire qui se produit — tout cela respire la fainéantise. Aucun parti-pris esthétique, aucun écart narratif, aucun enrichissement thématique. Dean DeBlois a beau signer lui-même ce remake, il semble n’avoir rien à dire de plus.
Il faut attendre, encore et encore, que l’histoire daigne se réveiller. Et puis, dans le dernier acte, le grand dragon surgit. Ce n’est plus Krokmou, mais un titan ailé, colossal, flamboyant. La mise en scène se déchaîne enfin, les effets visuels se montrent à la hauteur (voire au-delà) et le spectacle se fait généreux. Batailles aériennes, feux croisés, rugissements monumentaux : là, le film se justifie. Trop brièvement. Trop tard.
Certains défendront ce Dragons version live en arguant que les enfants d’aujourd’hui découvriront l’histoire sans passer par l’animation. Mais cela revient à dire qu’un remake fade serait un substitut valable à une œuvre magnifique. Le film de 2010 est toujours là, et il n’a pas pris une ride. Celui-ci, dès sa sortie, semble déjà oublié.
Alors oui, si le film marche — et il marchera probablement — Hollywood s’empressera de lancer Dragons 2, puis Dragons 3, en prise de vues réelles. Le peuple, paraît-il, en redemande. Mais il serait bon, parfois, de rappeler que la magie ne se recrée pas par copier-coller. Et que quand on n’a rien de neuf à dire, il vaut mieux ne pas parler. Car ce Dragons-là, malgré quelques scènes efficaces, est un film paresseux, sans souffle, sans nécessité. Une ombre sans lumière. Un dragon sans flamme.
NOTE : 12.00
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Dean DeBlois, d'après le film d'animation Dragons lui-même inspiré des romans Harold et les Dragons de Cressida Cowell
- Musique : John Powell
- Décors : Dominic Watkins
- Costumes : Lindsay Pugh
- Photographie : Bill Pope
- Montage : Wyatt Smith
- Production : Marc Platt, Dean DeBlois et Adam Siegel
- Production déléguée : David Cain
- Sociétés de production : DreamWorks Animation et Marc Platt Productions
- Société de distribution : Universal Pictures
- Mason Thames (VF : Andrea Santamaria) : Harold Horrib' Haddock III (Hiccup Horrendous Haddock III en VO)
- Nico Parker (VF : Léana Montana) : Astrid Hofferson
- Gerard Butler (VF : Boris Rehlinger) : Stoïk la Brute (the Vast en VO)
- Nick Frost (VF : Philippe Bozo) : Gueulfor (Gobber the Belch en VO)
- Julian Dennison (en) (VF : Matt Mouredon) : Varek Ingerman (Fishlegs Ingerman en VO)
- Gabriel Howell (VF : Clément Corinthe) : Rustik Jorgenson (Snotlout Jorgenson en VO)
- Bronwyn James (VF : Emma Santini) : Kognedur Thorston (Ruffnut Thorston en VO)
- Harry Trevaldwyn (en) (VF : Baptiste Mège) : Kranedur Thorston (Tuffnut Thorston en VO)
- Ruth Codd (en) (VF : Joséphine Ropion) : Phlegma
- Naomi Wirthner : Gothik
- Peter Serafinowicz (VF : Donald Reignoux) : Mastok Jorgenson (Spitelout Jorgenson en VO)
- Murray McArthur (en) (VF : Franck Vincent) : Glock
- Andrea Ware (VF : Claude Perron) : Burnheart
- Anna Leong Brophy (VF : Cindy Tempez) : Retcha
- Marcus Onilude (VF : Sourou Ouadodji) : Snorti
- Peter Selwood (VF : Raphaël Cohen) : Drül
- Daniel-John Williams (VF : Philippe Sudjian) : Fungi
- Kate Kennedy (VF : Cindy Tempez) : Flatula
- Selina Jones (VF : Clémence Boissé) : Loogi
- Nick Cornwall (VF : Thierry Walker) : Hürl
- Samuel Johnson : Skaldor
- Ben Essex (VF : Mhamed Arezki) : un viking

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