Vu le Film L’Eté en Hiver de François Chalais (1964) avec Michel Piccoli Mireille Darc Judith Magre Albert Dinan Christine Aurel Nicole Desailly Phuong Loan Carlo Nell
Jean, grand reporter très demandé, et Diane, actrice, sont mariés depuis trois ans, mais souvent séparés par leurs professions respectives. Ils n’ont pas vécu plus de six mois ensemble. Au cours de l’hiver, ils décident de passer des vacances ensemble à Meschers, afin de revivre les premiers moments de leur relation.
L’Été en hiver est une curiosité, presque un objet non identifié du cinéma français.
Aux commandes : François Chalais, immense critique de cinéma, voix respectée de la presse, de la radio et de la télévision.
Un homme qui a passé sa vie à commenter, analyser, juger les films des autres… et qui, un jour, passe de l’autre côté de la caméra.
Le film parle pour lui-même.
Un couple, tout simplement.
Pas de cris, pas de conflits, pas de scènes hystériques : on n’est clairement pas chez Godard.
Lui est journaliste (Michel Piccoli, d’une sobriété remarquable), elle est une grande star de cinéma (Mireille Darc, lumineuse mais retenue).
Ils se parlent.
Ils s’observent.
Ils dissèquent leur relation comme deux adultes intelligents qui savent que l’amour ne se règle pas à coups de slogans.
Il ne se passe presque rien.
Et pourtant, tout est là.
La mise en scène est sèche, parfois même austère.
Peu de jolis plans, peu de recherche plastique.
Chalais filme comme un homme de parole, pas comme un esthète.
Le cinéma ici n’est pas un spectacle, c’est un espace de conversation.
Une chambre d’écho émotionnelle.
Piccoli est impeccable : précis, fatigué, lucide.
Il incarne un homme qui analyse trop, qui sait trop, qui intellectualise même ses sentiments.
Mireille Darc, elle, joue une star sans glamour excessif, presque mise à nu, consciente de son image mais désireuse d’exister hors de celle-ci.
Le casting est minimaliste mais parfaitement choisi.
Le film ressemble à une expérience.
Presque un documentaire émotionnel déguisé en fiction.
On a parfois l’impression d’assister à une conversation réelle, captée à la volée.
D’où la question inévitable :
est-ce une expérience personnelle de Chalais ?
A-t-il aimé une actrice ?
A-t-il observé de très près ce type de relation asymétrique entre célébrité et regard critique ?
Rien ne permet de l’affirmer.
Mais tout dans le film donne le sentiment d’un vécu, ou au minimum d’une grande proximité avec ce monde-là.
Chalais ne juge pas, il constate.
Il ne romance pas, il écoute.
L’Été en hiver n’est pas un grand film au sens classique.
C’est un film fragile, parfois maladroit, mais profondément honnête.
Une tentative rare : celle d’un critique qui ose se mettre en danger, sans filet, sans effets.
Un film qui ne cherche pas à séduire.
Juste à comprendre.
NOTE : 11.50
FICHE TECHNIQUE
- Réalisateur : François Chalais
- Scénario : François Chalais assisté de Olivier Ricard et Pierre Fleury
- Musique originale : Didier Boland et Bernard Gandrey-Rety
- Décors : Gérard Dubois
- Ensembliers : Gérard Jondeau et Nelly Pichette
- Directeur de la photographie : Albert Schimel
- Montage : Marcel Mallet
- Michel Piccoli : Jean, grand reporter
- Mireille Darc : Diane, actrice
- Albert Dinan : Gaston
- Judith Magre : Sonia Bizet
- Nicole Desailly : Jeanne
- Christine Aurel : Marie
- Carlo Nell : le patron de l'hôtel
- Phuong Loan : la jeune fille
- Odile Ricard : Brigitte
- Marcel Cuminatto : le monsieur
- Gaby Briant

