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dimanche 5 janvier 2025

12.20 - MON AVIS SUR LE FILM PORC ROYAL DE MALCIM MOWBRAY (1984)


 Vu le film Porc Royal de  Malcolm Mowbray (1984)  avec Maggie Smith Michael Palin Alison Steadam Liz Smith Bill Paterson Richard Griffiths Denholm Elliott Pete Postlethwaite

Un petit village du Yorkshire en 1947. L'Angleterre a gagné la guerre mais les temps sont durs pour ses habitants. Les tickets de rationnement restent en vigueur et le précieux `bacon' se fait rare. Aussi, la nouvelle du mariage de la princesse Élisabeth avec le prince Philip, duc d'Édimbourg fait-elle l'effet d'une bouffée d'oxygène. Un grand banquet est organisé pour fêter l'événement. Cependant, le porc engraissé clandestinement pour ces agapes disparaît.

Le Titre me fait marrer parce que je suis né à l’Hôpital de Port Royal dans le 14ème à Paris

"Porc Royal" s’inscrit dans la grande tradition de l’humour britannique grinçant, oscillant entre la satire sociale, l’absurde et une critique subtile des dogmes culturels. Le film, situé dans un petit bourg anglais imaginaire, nous plonge dans une époque où la consommation de porc est interdite. Cette interdiction, présentée de manière exagérée, devient la source principale de tension et de comédie.

L’intrigue débute lorsqu’un villageois décide, contre toute logique et prudence, d’accueillir un cochon chez lui. Cet acte de rébellion discrète déclenche une série d’événements cocasses, mélangeant quiproquos, délations absurdes et situations de plus en plus grotesques. Au fur et à mesure que l’animal, tour à tour mascotte secrète et scandale ambulant, gagne en notoriété, le village tout entier sombre dans une spirale d’hypocrisie et de démesure.

L’humour, ici, est acéré et référentiel. La présence de Michael Palin, ancien membre des Monty Python, apporte un cachet tout particulier. Son interprétation du maire du village, personnage à la fois autoritaire et pathétique, est un régal. Palin, avec son flegme légendaire, excelle dans les scènes où il tente de maintenir l’ordre tout en cachant ses propres travers.

Le ton du film rappelle également certains épisodes de la célèbre série « Black Mirror ». Si cette comparaison peut surprendre au premier abord, elle se justifie par le traitement satirique et dystopique d’une société qui perd ses repères face à des règles arbitraires. On retrouve ce mélange d’absurde et de tragique, cette tension entre conformisme et liberté individuelle, qui fait tout le sel de l’humour noir britannique.

Visuellement, "Porc Royal" joue sur les contrastes entre l’apparente quiétude du village, avec ses cottages pittoresques et ses prairies verdoyantes, et le chaos grandissant provoqué par la présence du cochon. Ce dernier, personnage presque muet mais omniprésent, devient rapidement le symbole de la subversion. Adorable et encombrant, il incarne à merveille cette idée d’innocence perturbatrice.

La bande originale, discrète mais efficace, contribue à créer une ambiance décalée. Les quelques thèmes récurrents, joués au piano ou à la flûte, ajoutent une touche de légèreté, contrastant avec la gravitation croissante des situations.

En somme, "Porc Royal" est une comédie savoureuse et intelligente, qui s’adresse autant aux amateurs d’humour absurde qu’à ceux qui apprécient les réflexions subtiles sur la nature humaine et les travers de la société. En alliant le talent d’un acteur mythique comme Michael Palin à une mise en scène soignée et à un scénario mordant, le film réussit un tour de force : nous faire rire tout en nous invitant à réfléchir.

"Porc Royal" est adorable, impertinent et pertinent. Un must pour les amateurs d’humour britannique et de satires bien menées.

NOTE : 12.20

FICHE TECHNIQUE


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16.80 - MON AVIS SUR LE FILM MELODIE EN SOUS-SOL DE HENRI VERNEUIL (1963)


Vu le film Mélodie en Sous-Sol de Henri Verneuil (1963) avec Jean Gabin Alain Delon Maurice Biraud Viviane Romance Carla Marlier Dora Doll Henri Virlojeux José Luis de Villalonga Rita Cadillac Jean Carmet Henri Attal

Un vieux malfrat, Charles, tout juste sorti de prison où il a tiré cinq ans, décide d'un dernier coup magistral sur la côte d'Azur : braquer le Palm Beach, casino de Cannes. Un jeune voyou, Francis, qui fut son compagnon de cellule, et Louis, le beau-frère de ce dernier, honnête garagiste, vont être ses partenaires. La préparation du casse est minutieuse et l'opération se déroule on ne peut mieux. Mais une photo malvenue de Francis à la une d'un journal, vient enrayer cette belle organisation.

"Mélodie en sous-sol" est sans conteste l’un des grands classiques du polar français, un chef-d’œuvre qui a marqué son époque et continue d’éblouir les cinéphiles par sa maîtrise narrative et sa mise en scène stylée. Réalisé par Henri Verneuil en 1963, ce film repose sur une intrigue de cambriolage d’une précision redoutable et offre une rencontre au sommet entre deux légendes du cinéma français : Jean Gabin et Alain Delon.

Jean Gabin, dans le rôle de Charles, incarne un vieux truand récidiviste tout juste sorti de prison. Fidèle à son image de patriarche du crime, il impose sa présence par un charisme et une autorité naturelle qui captivent dès les premières minutes. Gabin, à la fois fatigué par les années mais toujours impérial, joue un personnage mû par un dernier grand coup avant de se retirer. Face à lui, Alain Delon est Francis, un jeune loup audacieux et fougueux, presque insolent de beauté et de confiance. Leur duo repose sur une opposition subtile entre expérience et jeunesse, sagesse et impétueux désir de grandeur.

Le scénario, coécrit avec Albert Simonin et Michel Audiard, est un modèle du genre. Audiard, fidèle à sa réputation, délivre des dialogues percutants et inoubliables. Chaque réplique fait mouche, qu’elle soit ironique, cinglante ou empreinte d’une sagesse amère sur la vie et le crime. Les joutes verbales entre Gabin et Delon deviennent des moments de pur plaisir, où l’on savoure la beauté de la langue française, sublimée par la plume acérée d’Audiard.

Henri Verneuil fait preuve d’une grande maîtrise dans la réalisation. La scène du cambriolage, au cœur de l’hôtel luxueux de Palm Beach à Cannes, est un modèle d’intensité et de tension dramatique. L’absence presque totale de dialogues pendant cette longue séquence renforce le suspense, chaque geste devenant essentiel et chaque seconde comptant double. Cette mise en scène minimaliste mais redoutablement efficace souligne l’art de Verneuil, capable de captiver le spectateur avec une économie de moyens et une rigueur exemplaire.

La scène finale, quant à elle, est un véritable coup de théâtre. Sans dévoiler le dénouement, on peut affirmer qu’elle reste gravée dans la mémoire comme l’une des conclusions les plus marquantes du cinéma français. Ce final abrupt et ironique, teinté d’une forme de fatalité, illustre parfaitement le ton cynique et réaliste du film.

Il serait injuste de ne pas mentionner le remarquable second rôle joué par Maurice Biraud. Dans le rôle de Louis, complice soumis et nerveux, il apporte une touche de vulnérabilité qui contraste avec la stature imposante de "Monsieur Charles" (Jean Gabin). Biraud, par sa présence discrète mais efficace, renforce l’authenticité de cette bande de truands et contribue à l’équilibre du casting.

Enfin, la bande originale signée Michel Magne est une véritable perle. Alliant des thèmes jazzy à des orchestrations plus classiques, elle accompagne parfaitement l’action et confère au film une atmosphère unique. La musique, tour à tour enjouée et angoissante, participe pleinement à la création du suspense et de l’émotion.

  "Mélodie en sous-sol" est un joyau du cinéma français, une véritable leçon de mise en scène et de direction d’acteurs. Porté par un duo inoubliable Gabin-Delon, enrichi par les dialogues ciselés d’Audiard et sublimé par la musique de Michel Magne, le film de Verneuil est une œuvre intemporelle qui mérite amplement son statut de polar de référence. Un monument du septième art, à voir et à revoir sans modération.

NOTE : 16.80

FICHE TECHNIQUE


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samedi 4 janvier 2025

16.20 - MON AVIS SUR LE FILM BIRD DE ANDREA ARNOLD (2025)


Vu le film Bird de André Arnold (2025) avec Barry Keoghan Franz Rogowski Nykyia Adams Jason Buda Jasmine Jobson Joanna Matthews Rhys Yates James Nelson Joyce Frankie Box

Dans le Kent, Bailey, 12 ans, qui vit dans un logement social, avec une situation complexe, rencontre Bird, un garçon qui lui change sa vision du monde…

 

Andrea Arnold, réalisatrice acclamée pour ses portraits humains empreints de sensibilité (Fish Tank, American Honey), nous revient avec Bird, une chronique sociale poignante teintée d’un soupçon de magie. Plongée dans les marges de la société britannique, le film explore les blessures et les espoirs de ceux que la vie a laissé en arrière, tout en trouvant des éclats de poésie dans l’ordinaire.

Au centre du récit, Bailey, 14 ans, brillamment interprétée par Nikya Adams, incarne une jeunesse piégée dans un quotidien rude et sans issue. Son père, joué par un Barry Keoghan impérial et inquiétant, est une figure presque spectrale, tatoué jusqu’au cou mais émotionnellement absent. Le squat délabré où ils vivent devenus à la fois une prison et un terrain de débrouillardise où Bailey et son frère tentent de survivre. Andrea Arnold capte cette atmosphère avec une authenticité brute, sa caméra à l’épaule frôlant les murs décrépits et les visages fatigués.

Mais là où Bird se démarque de la chronique sociale classique à la Ken Loach, c’est dans sa bifurcation vers le merveilleux. L’arrivée de Bird (Frank Rogowski, une révélation), un garçon étrange, éthéré et à la beauté magnétique, bouleverse l’existence de Bailey. Leur relation, faite de silences, de regards volés et de moments suspendus, transcende le réalisme du film pour toucher à une forme de conte moderne. Bird, à la fois mystérieux et profondément humain, incarne cet éclat d’espoir qui illumine les ténèbres. Son regard, empli de douceur et de tristesse, foudroie autant qu’il console.

La conclusion du film, marquée par le mariage du père, surprend par son tonalité presque festive. Si ce choix pourrait paraître discordant, il s’inscrit dans la logique d’Andrea Arnold, qui aime jouer avec les contrastes entre la dureté de la vie et les éclats de lumière. La bande originale, éclectique et puissante (avec The Verve, Blur, Coldplay et même les improbables Rednex), participe à cette dualité, offrant des moments d’évasion autant que de mélancolie.

Bird est une œuvre hybride, entre chronique sociale et conte fantastique, qui trouve une beauté dans la douleur et l’imperfection. Andrea Arnold, fidèle à son style, nous rappelle que même dans les existences les plus abîmées, il reste des moments de grâce. C’est un film qui parle de marginalité, de survie, mais aussi d’amour et de renaissance. Magnifique, bouleversant et lumineux comme un rayon de soleil après la pluie.

NOTE ; 16.20

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation et scénario : Andrea Arnold
  • Direction artistique : Lili Lea Abraham et Kate Stamp
  • Décors : Maxine Carlier
  • Costumes : Alex Bovaird et Gabriela Sena
  • Photographie : Robbie Ryan
  • Montage : Joe Bini
  • Production : Lee Groombridge, Juliette Howell et Tessa Ross
  • Production déléguée : Claude Amadeo, Mollye Asher, Len Blavatnik, Jessamine Burgum, Danny Cohen, Michael D'Alto, Kara Durrett, Randal Sandler, Chris Triana et Eva Yates
  • Sociétés de production : BBC FilmBritish Film InstituteAccess EntertainmentHouse ProductionsAd VitamArte France CinémaFirstGen ContentPinky Promise

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5.90 - MON AVIS SUR LE FILM WICKED DE JON CHU (2024)


Vu le film  Wicked de Jon Chu (2024) avec Ariana Grande Cynthia Erivo Jonathan Bailey Ethan Slater Michelle Yeoh Jeff Goldblum Peter Dinklage Marissa Bode Bowen Yang

Elphaba, une jeune femme incomprise à cause de la couleur inhabituelle de sa peau verte ne soupçonne même pas l'étendue de ses pouvoirs. À ses côtés, Glinda qui, aussi populaire que privilégiée, ne connaît pas encore la vraie nature de son cœur.

Wicked, préquelle ambitieuse au classique Le Magicien d’Oz, avait pour objectif de revisiter l'univers enchanteur d'Oz, en dévoilant les origines de la fameuse Méchante Sorcière de l’Ouest. Malheureusement, ce voyage dans le passé du pays d’Oz se transforme rapidement en une épopée interminable de 2h40, dont on ne retient que l'impression d'avoir été piégé dans un cauchemar kitsch et bruyant.

Si l’idée d’explorer les motivations et la complexité des personnages avant l’arrivée de Dorothy pouvait sembler séduisante sur le papier, le résultat à l’écran manque cruellement de subtilité. La mise en scène, saturée de couleurs criardes et de décors surchargés, donne l’impression d’une parade permanente, à mi-chemin entre un spectacle de Disneyland et une émission de télé-réalité déguisée en comédie musicale. Loin de la magie intemporelle du film de Michael Curtiz, cette adaptation souffre d’une direction artistique qui, plutôt que de célébrer l’héritage d’Oz, le dilue dans un tourbillon visuel indigeste.

Les chansons, censées être le cœur vibrant de l’œuvre, sont tout simplement insupportables. Les mélodies peinent à marquer, les paroles s'enlisent dans des banalités, et les numéros musicaux, souvent inutiles, prolongent un film déjà beaucoup trop long. Là où les classiques du genre savent utiliser la musique pour porter l’émotion, Wicked ne fait que marteler ses intentions, sans finesse ni nuance. Résultat : au bout d’une heure, chaque nouvelle chanson donne envie de fuir.

Les performances des acteurs n’aident pas non plus à sauver cette odyssée décevante. Malgré des efforts pour insuffler de l’énergie à leurs personnages, leurs performances semblent coincées entre un script trop lourd et une direction caricaturale. Les expressions figées et les sourires forcés donnent parfois l'impression qu’ils jouent davantage pour les caméras que pour raconter une histoire. La comparaison avec Le Magicien d’Oz, où chaque acteur incarnait une magie propre, est cruelle.

Enfin, au-delà de l’aspect technique, le film échoue dans sa tentative de réécrire les mythes d’Oz. Sous prétexte de modernité et d’un sous-texte « wokiste » maladroitement intégré, il s’éparpille dans des discours artificiels qui sonnent faux. La richesse de l’histoire originale est sacrifiée sur l’autel de la réinterprétation forcée et du sensationnalisme.

  Wicked est un exemple flagrant de ces œuvres qui, sous couvert de rendre hommage, finissent par dénaturer ce qu’elles revisitent. Long, bruyant et esthétiquement douteux, le film laisse une impression d’artificialité et d’épuisement. Si commencer l’année par un voyage à Oz pouvait sembler une bonne idée, cette version aurait mérté un vrai scénariste 

NOTE ; 5.90

FICHE TECHNIQUE


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15.90 - MON AVIS SUR LE FILM LE PLUS SAUVAGE D'ENTRE TOUS DE MARTIN RITT (1963)


 Vu le film Le Plus Sauvage d’entre Tous de Martin Ritt (1963) avec Paul Newman Patricia Neal Melvyn Douglas Brandon de Wilde Crahon Deton Will Bissell Josh Ashley Curt Conway Yvette Vickers Val Avery

Hud mène une vie amorale, loin des valeurs traditionnelles en vigueur dans sa famille d'éleveurs, au Texas. Il a toujours préféré boire, se battre et séduire les femmes plutôt que de suivre les traces de son père. C'est d'ailleurs son existence dissolue qui le fait entrer directement en conflit avec les siens. Lorsque le cheptel est décimé par une maladie, l'exploitation court à sa perte financièrement.

 

On commence avec le cycle Paul Newman avec un chef d’œuvre (et il y en aura beaucoup) et ses 3 Oscars

Martin Ritt, connu pour sa finesse dans l'exploration des relations humaines (Hombre, Norma Rae), signe avec Le Plus Sauvage d’entre Tous (Hud) un western moderne sombre et brutal. Le film plonge au cœur de l’Amérique rurale des années 1960, dans le monde des cowboys contemporains : ces hommes de fermes, rudes et solitaires, qui élèvent le bétail pour survivre. Mais ici, la poussière et le sang s'entremêlent pour révéler un drame familial d'une intensité rare.

Hud Bannon, magistralement incarné par Paul Newman, est un personnage aussi charismatique que détestable. Dragueur invétéré, alcoolique notoire, violent et amoral, il est l’incarnation même de l’anti-héros. Newman, en pleine gloire, canalise toute l’énergie rebelle et magnétique qui rappelle James Dean, son rival d’époque. Hud n’est pas seulement un homme perdu, c’est une métaphore d’une Amérique en pleine mutation, où les valeurs anciennes de droiture et d’effort acharné (symbolisées par son père, Homer) se heurtent à l’égoïsme et au cynisme modernes.

La dynamique familiale est au cœur du film. Le jeune Brandon de Wilde, tragiquement disparu trop tôt, apporte une naïveté touchante et une lumière fragile dans ce monde brutal. Face à Hud, son personnage incarne un espoir qui vacille face à la corruption morale. Les conflits entre Hud et son père, Homer, sont déchirants. Homer, interprété avec dignité par Melvyn Douglas, incarne un homme attaché à un sens rigide de l’honneur, prêt à sacrifier tout ce qu’il possède pour maintenir son intégrité.

Le film atteint son paroxysme dans la scène de l'abattage du troupeau contaminé, une séquence d'une intensité presque insoutenable. Le noir et blanc de James Wong Howe magnifie cette tragédie, capturant la poussière, la sueur et le désespoir avec une précision quasi tactile. Le sang semble imprégner l’écran, et le noir et blanc renforce le sentiment d’un monde moralement binaire où Hud s’épanouit dans le gris.

Sous la direction implacable de Ritt, Le Plus Sauvage d’entre Tous transcende le simple drame rural pour devenir une réflexion amère sur la désintégration des valeurs et la montée de l’individualisme. Newman, dans un rôle provocateur et viscéral, prouve qu’il est bien plus qu’un beau visage, et confirme son statut d’acteur majeur. Ce film est un chef-d’œuvre intemporel, où le tragique et la beauté se côtoient avec une puissance brute et inoubliable.

 NOTE : 15.90

FICHE TECHNIQUE


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13.10 - MON AVIS SUR LE FILM 93 RUE LAURISON DE PIERRE GRANIER DEFERRE (2004)

 


Vu le film 93, rue Lauriston de Pierre Granier Deferre (2004) avec Michel Blanc Daniel Russo Christian Charmentant Samuel Le Bihan Manuel Le Lièvre Gérard Laroche Eric Prat Olga Grumberg Hervé Briaux Julien Cafaro

Sous l'Occupation, les autorités allemandes se sont appuyées sur des truands français pour les assister. Munis d'une carte allemande, ces voyous étaient intouchables. Racket, marché noir, prostitution, la bande de Bony et Lafont rendait des services au Tout-Paris, traquait les juifs et les résistants. Le QG de ce qu'on a appelé la Gestapo française se trouvait au 93 de la rue Lauriston.

Denys Granier-Deferre plonge dans l'une des périodes les plus sombres de l'Histoire française avec 93, rue Lauriston, un film glaçant qui explore les horreurs perpétrées par la Gestapo française sous la direction des sinistres Bonny et Lafont. L'adresse elle-même, aujourd'hui anodine pour certains, conserve un poids historique qui, pour d'autres, résonne comme une cicatrice collective.

Daniel Russo livre une performance troublante et marquante en Lafont, incarnant l'opportunisme sordide et la cruauté froide d'un homme prêt à tout pour satisfaire ses intérêts. Sa capacité à glacer le sang rend son personnage aussi terrifiant que mémorable. On comprend vite pourquoi ce rôle nous donnerait envie de changer de trottoir si un tel individu venait à croiser notre chemin. À ses côtés, Michel Blanc, tout en sobriété, joue un personnage plus en retrait, presque effacé dans cette tragédie humaine, mais dont l'absence d'engagement fort reflète aussi une réalité : celle de ceux qui ferment les yeux ou se contentent de suivre.

Cependant, la mise en scène pèche par son manque de tension dramatique. Les enjeux, bien que graves, auraient mérité un rythme plus soutenu pour maintenir un état de malaise constant, à l’image de ce qu'évoque l’adresse même du titre. La scène au ralenti avec Samuel Le Bihan, bien qu'intense, frôle le pastiche et casse l'immersion dans ce drame historique. On regrette que cette séquence, qui cherche sans doute à intensifier l'émotion, dérive vers une représentation plus cinématographique qu'authentique.

En dépit de ses failles, le film reste un témoignage nécessaire et un rappel brutal de ce dont l'être humain est capable dans sa compromission avec le mal. 93, rue Lauriston n’est peut-être pas un chef-d’œuvre, mais il provoque une réflexion amère et, à juste titre, une nausée devant les actes de ces Français vendus à l’ennemi. Une œuvre à voir, ne serait-ce que pour se souvenir et ne jamais oublier.

 NOTE : 13.10

FICHE TECHNIQUE


FILMOGRAPHIE