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mercredi 16 juillet 2025

12.00 - MON AVIS SUR LE FILM LIBERTE EGALITE CHOUCROUTE DE JEAN YANNE (1985)


 Vu le film Liberté Egalité Choucroute de Jean Yanne (1985) avec Jean Yanne Jean Poiret Michel Serrault Daniel Prevost Philippe Castelli Olivier de Kersauzon Jacques François Ursula Andress Mimi Coutelier Catherine Alric Georges Beller Paul Mercey Gérard Darmon Darry Cowl Gérard Hernandez Paul Preboist Venantino Venantini 

En 1791, Shazaman al Rashid, souverain tyrannique et cruel dont l'occupation principale est de faire exécuter ses sujets, organise une caravane afin de se rendre en France pour se procurer une nouvelle machine à tuer : la "guillotine". Il arrive à Paris en pleine révolution, pendant la fuite à Varennes. De confusions en équivoques et de salamalecs en quiproquos, les deux cortèges se mélangeront tandis que l'intrigue deviendra de plus en plus compliquée. 

Jean Yanne est un franc-tireur du cinéma français, un empêcheur de tourner en rond, qui a toujours préféré l’irrévérence à la révérence. Liberté, Égalité, Choucroute (son dernier film en tant que réalisateur) s’inscrit dans cette tradition iconoclaste, absurde et désinvolte, qui mêle potacherie revendiquée et satire rageuse d’une société qu’il juge engoncée dans son sérieux et ses postures moralisantes. C’est un film anarchiste dans l’âme, mais pas au sens politique : un film où tout ce qui se veut noble, officiel ou sérieux est immédiatement tourné en dérision. Et tant pis si tout ne tombe pas juste : chez Yanne, la vanne est une rafale, pas un tir de sniper. 

L’action, si on peut appeler ça ainsi, démarre sous la Révolution française, mais le film se balade ensuite à travers les époques et les anachronismes avec une désinvolture totale. Robespierre (joué par Jean Yanne himself), Saint-Just, Marat, et même Danton, tous sont là, croqués comme des pantins grotesques aux discours absurdes et contradictoires. Le peuple ? Stupide, manipulé ou hilare. Les nobles ? Dégénérés. Les révolutionnaires ? Totalement largués. Le clergé ? Malsain. Bref, tout le monde en prend pour son grade. Surtout la gauche bien-pensante, cible favorite de Yanne, qu’il fustige pour sa posture autant que pour ses contradictions. 

Mais voilà que les personnages traversent les siècles, sans explication, pour se retrouver en plein XXe siècle – on croisera même des scènes de télé, des talk-shows, des publicités absurdes. Le film devient alors un tourbillon burlesque, où se mêlent commentaires  , faux journaux, sketches, , et détournements de slogans politiques. C’est un zapping avant l’heure, en version gallo-rabelaisienne. 

Le casting est absolument démentiel. C’est toute la France comique des années 70-80 qui défile comme dans une grande revue de fin d’année. Michel Serrault (fabuleux en évêque hystérique et lubrique), Darry Cowl (toujours lunaire), Paul Préboist (hurlant et ahuri), B Daniel Prévost, Jean Poiret,  Jacques François, … Il y en a pour tous les goûts. Certains apparaissent quelques minutes seulement, parfois pour une vanne, parfois pour un gag visuel. C’est un feu d’artifice de trognes et de voix bien connues, où chacun vient livrer sa partition déjantée comme dans un sketch géant. 

Yanne dirige tout ce beau monde avec un apparent laisser-aller, mais en réalité, il orchestre un chaos savamment voulu. Il y a dans ce désordre une vraie jubilation : celle de voir des comédiens s’amuser, cabotiner, tout en parodiant les conventions sociales, les institutions, et la langue elle-même. 

Ce n’est pas un grand film. Il n’y a pas vraiment de rythme, pas de structure dramatique cohérente, et certaines blagues sont à peine des idées esquissées. Mais c’est volontaire : le film se pense comme une série de sketchs à la Monty Python, version franchouillarde et bien plus bordélique. On passe d’un salon XVIIIe à une pub pour des nouilles en passant par un débat politique où Robespierre parle comme un député centriste de 1985. L'humour est tantôt raffiné, tantôt pipi-caca, souvent daté, mais toujours imprégné de la mauvaise foi jouissive de Yanne. 

Il y a des trouvailles formidables (un passage en noir et blanc digne d’un JT ORTF totalement absurde, les slogans de la Terreur adaptés à la pub télévisée...), mais aussi des moments qui aujourd’hui feraient lever plus d’un sourcil, tant sur le fond que sur la forme. Et c’est peut-être là que le film dit quelque chose d’assez fort : dans les années 80, tout était (encore) permis. On pouvait se moquer de tout, du clergé à la gauche caviar, en passant par le peuple, les juges, les profs, les militaires, les féministes, les curés, les révolutionnaires, les chanteurs à texte, les animateurs télé. Le film est un gigantesque bras d’honneur au sérieux, aux institutions, au dogme. C’est la liberté de ton dans ce qu’elle a de plus primaire… mais aussi de plus libératrice. 

En 2025, Liberté, Égalité, Choucroute est sans doute devenu un OVNI. Inclassable, inmontrable sur une chaîne publique, difficile à défendre dans un contexte où chaque phrase est scrutée à la loupe. C’est un film qui assume son mauvais goût, qui s’en fiche d’être élégant, intelligent ou utile. Il veut juste moquer, bousculer, déconstruire… tout en s’amusant comme un gosse avec une boîte de déguisements historiques et un micro. 

 
Pas le meilleur Jean Yanne (Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ou Moi y’en a vouloir des sous sont plus aboutis), mais probablement le plus barré, le plus anarchique, le plus délirant. C’est un chaos comique et politique, un fourre-tout satirique d’où émergent des perles, des ratés, des blagues gênantes, et une vraie liberté d’expression à la française – celle qu’on regarde aujourd’hui avec une nostalgie un peu inquiète. Parce qu’au fond, voir un film où tout peut être moqué sans filtre, sans backlash, c’est aussi se souvenir qu’autrefois, l’irrévérence n’était pas un crime. 

Un film qui ne rase pas gratis, mais qui tond large. 

NOTE : 12.00

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