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dimanche 6 juillet 2025

13.90 - MON AVIS SUR LE FILM LE MORS AUX DENTS DE LAURENT HEYNEMANN (1979)


 Vu le film Le Mors aux Dents de Laurent Heynemann (1979) avec Jacques Dutronc Michel Piccoli Michel Galabru Nicole Garcia Daniel Russo Roland Blanche Dominique Zardi Robert Nogaret Charles Gérard Roland Bertin 

Charles Dréant, personnage aux activités douteuses, tire son pouvoir du fichier qu'il détient sur les hommes politiques influents. Les chefs du parti au pouvoir confient à Loïc Le Guen la mission de le surveiller. Or Dréant, qui traverse une passe difficile, s'apprête à monter une escroquerie portant sur une course de tiercé. 

Le turf, ses liserés verts, ses tribunes feutrées, ses cris retenus. Le cliquetis des sabots et les murmures étouffés des paris à l’ombre des guichets. C’est dans ce monde que Laurent Heynneman pose sa caméra pour Le Mors aux dents, un film rare sur les courses hippiques, qui ose aborder le sujet tabou par excellence : les courses truquées. Un film que tout fan de PMU, tout habitué d’Auteuil — comme moi — regarde avec un mélange de fascination, de colère et de regret. 

Le personnage central, Chazerrand (immense Michel Piccoli, tout en morgue cruelle et panique rentrée), n’est pas un homme de cheval au sens noble du terme. C’est un magouilleur des hippodromes, une fin connaisseuse des circuits qui utilise des méthodes mathématiques pour jouer en masse sur des Tiercé au détriment des règles. Et il va se faire piéger à son propre jeu. 

Dans ce microcosme opaque, où la vérité ne sort jamais de la bouche des jockeys, Chazerrand pense pouvoir continuer à tirer les ficelles sans jamais se faire prendre. Mais quand une course emblématique, jouée d’avance, tourne mal, il se retrouve seul face à la police et aux instances, lâché par ceux qui profitaient de ses coups tordus. Il est le fusible parfait, le coupable utile, celui que l’institution peut sacrifier pour sauver la face. 

Heynneman filme tout cela avec une certaine élégance formelle, mais aussi une froideur documentaire, qui participe à la sensation d’enfermement. Le monde des courses y apparaît comme une caste fermée, paranoïaque, où le soupçon règne, où les alliances sont toujours provisoires. L’enquête n’est qu’un prétexte pour observer ce milieu qui pue la peur et l’argent, la loyauté monnayée, les carrières jouées sur un faux départ. 

Autour de Piccoli, quelques seconds rôles brillent : Jacques Dutronc, à la fois nonchalant et ambivalent, Michel Galabru, savoureux en vieux routier du cynisme, Daniel Russo en journaliste aux faux airs de Léon Zitrone du turf, et Nicole Garcia, vive et jeune, encore auréolée de fraîcheur. Mais le film a ses faiblesses : trop de personnages secondaires, des intrigues annexes peu développées, et surtout une fameuse course filmée de manière peu convaincante. Le commentaire audio ne correspond pas aux images : ce qu’on entend ne reflète pas ce qu’on voit. Pour qui connaît Auteuil "comme ma poche", ce décalage est une gifle. 

Le film aurait mérité un montage plus rigoureux, une dramaturgie mieux tendue. Mais il brille par sa volonté de représenter un univers très rarement montré, et par son refus du spectaculaire : ici, la tricherie est grise, banale, intégrée, et c’est bien ce qui dérange. Le Mors aux dents nous parle d’un monde qui vit sur ses propres règles, avec ses codes, ses petits arrangements, ses silences. 

Et il rappelle cette affaire tristement célèbre de "Monsieur X", personnage réel embarque dans le trucage du Tiercé Bride Abattue à Auteuil. Le film s’en inspire clairement, sans jamais le nommer, préférant la fiction teintée de vérité crue. Chazerrand n’est que le masque d’un système : celui des coulisses boueuses du turf, où tout est possible sauf la loyauté. 

NOTE : 15.00

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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