Vu le film Mountainhead de Jesse Armstrong (2025) (Sur HBO) avec Steve Carell Corey Michael Ramy Youssef Jason Schwartzman Hadley Robinson Daniel Oreskes Ali Kinkade Andy Daly
Quatre amis fortunés se réunissent pour une retraite dans un contexte de bouleversements mondiaux croissants causés par la désinformation générée par l'IA, produite et diffusée via la plateforme de médias sociaux fictive Traam. Parmi eux se trouvent Venis « Ven » Parish, propriétaire de Traam et personne la plus riche du monde ; Jeff Abredazi, propriétaire de Bilter, une entreprise spécialisée dans l'IA ; Randall Garrett, membre plus âgé et mentor du groupe, récemment atteint d'un cancer incurable ; et Hugo « Souper » Van Yalk, qui, malgré sa fortune de 521 millions de dollars, reste nettement moins riche que ses amis multimilliardaires.
Avec Mountainhead, Jesse Armstrong signe un film visiblement nourri de son expérience sur Succession, mais qui semble cette fois coincé dans une bulle scénaristique dont il ne parvient jamais à s’échapper. L’histoire se déroule dans un luxueux chalet alpin où un petit groupe de puissants amis — banquiers, lobbyistes, conseillers stratégiques et figures influentes des médias — se retrouve pour un week-end "de déconnexion" qui tourne vite à l’étalage de privilèges. Une sorte de Davos sous anxiolytiques, où les dialogues claquent mais sonnent souvent creux, et où l’humour attendu vire plus souvent à l’autosatisfaction cynique qu’à la satire mordante.
Steve Carell incarne Robert Lemay, un ancien conseiller présidentiel désormais à la tête d’un think tank ultra-libéral, venu ici se détendre mais aussi sonder ses "amis" pour un projet de réforme fiscale ultra agressive. Parmi les autres invités, on trouve une galeriste cynique (Nina Hoss), un magnat de la tech illuminé (Josh O'Connor, mal à l’aise), et un influenceur politique en disgrâce joué par Tobias Menzies. Tous semblent incarner un pan du pouvoir contemporain : influence algorithmique, contrôle narratif, spéculation verte, lobbying pharmaceutique… mais aucun n’échappe au stéréotype.
Le huis clos dans ce décor enneigé, loin du tumulte du monde, aurait pu renforcer la tension. Mais cette mise à distance produit au contraire une torpeur. Armstrong semble vouloir pointer l’ironie d’une élite prétendument connectée aux grandes causes sociales, tout en se repliant dans un monde sans friction. Le film tente de créer du suspense à travers des tensions personnelles, des révélations progressives sur un pacte financier secret, et même un micro-scandale sexuel qui menace de faire éclater l’unité du groupe. Mais tout cela manque de chair, de risque, de rythme. À force de vouloir capter la froideur clinique du pouvoir, Armstrong finit par l’imiter.
L’ambition thématique est pourtant là : comment une poignée d’individus peut-elle manipuler des marchés, façonner des politiques, diviser des nations tout en croyant sincèrement agir pour le bien commun ? Ce sont des questions d’une actualité brûlante. Mais le traitement, ici, tourne à vide. Les personnages, bien que superbement habillés et parfaitement coiffés, sont réduits à des fonctions. Leurs dialogues, truffés de jargons économiques et de fausse lucidité morale, finissent par fatiguer. On sourit parfois, on soupire souvent.
Carell, malgré tout son talent, ne parvient pas à sauver un personnage conçu comme une figure de compromis : ni franchement haïssable, ni assez complexe pour être fascinant. Le film veut rendre ses personnages détestables et fascinants, mais ne réussit qu’à les rendre lointains et ennuyeux. Même l’irruption finale d’un événement extérieur (une avalanche, métaphorique et littérale), censée provoquer une prise de conscience ou une rupture dramatique, tombe à plat tant elle est attendue et mal exploitée.
Finalement, Mountainhead ressemble à ces réunions de McKinsey où l’on parle beaucoup pour que rien ne change. Armstrong, qui excelle d’ordinaire à injecter du venin dans le vernis des puissants, rate ici sa cible. La critique sociale devient posture, la satire se fige en concept, et le spectateur, lui, décroche. C’est un film qui prétend sonder les arcanes du pouvoir contemporain mais qui finit surtout par tourner en rond dans les codes du cinéma de prestige.
On sort de Mountainhead comme on sort d’une conférence TED trop longue : vaguement agacé, un peu étourdi, et avec l’envie urgente de revenir à des récits plus vivants, plus incarnés. Malgré son casting et son pedigree, ce film s’oublie presque aussi vite qu’il se regarde.
NOTE : 7.90
DISTRIBUTION
- Steve Carell as Randall Garrett
- Jason Schwartzman as Hugo "Souper" Van Yalk
- Cory Michael Smith as Venis "Ven" Parish
- Ramy Youssef as Jeffrey "Jeff" Abredazi
- Hadley Robinson as Hester
- Andy Daly as Casper
- Ali Kinkade as Berry
- Daniel Oreskes as Dr. Phipps
- David W. Thompson as Leo
- Amie MacKenzie as Janine
- Ava Kostia as Paula

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