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mardi 1 juillet 2025

17.80 - MON AVIS SUR LE FILM LA REINE MARGOT DE PATRICE CHEREAU (1994)

 


Vu le film La Reine Margot de Patrice Chereau (1994) avec Isabelle Adjani Virna Lisi Pascal Gréggory Jean Hughes Anglade Daniel Auteuil Vincent Perez Dominique Blanc Claudio Amendola Miguel Bosé Asia Argento Julien Rassam Thomas Kretschmann Jean Claude Brialy 

La vie à la Cour et à Paris, entre-les « Noces vermeilles » et le massacre de la Saint-Barthélemy. 

Août 1572. Paris est en ébullition. Le protestant Henri de Navarre, futur Henri IV (Daniel Auteuil), s'apprête à épouser Marguerite de Valois (Isabelle Adjani), dite Margot. Catholique, fille de France, elle est surtout la fille de Catherine de Médicis (Virna Lisi) et la sœur de l'instable roi Charles IX (Jean-Hugues Anglade) et des ambitieux princes Henri (Pascal Greggory) et François (Julien Rassam). Les deux époux ne s'aiment pas. Il s'agit d'un mariage politique, orchestré par Catherine de Médicis 

Quand le sublime rencontre le tragique 

Il est des films qui, bien des années après leur sortie, continuent de brûler dans les mémoires comme une torche vive. La Reine Margot, adaptation magistrale du roman d’Alexandre Dumas père par Patrice Chéreau, en fait indiscutablement partie. Véritable opéra de sang et de chair, le film transcende l’Histoire pour en tirer une fresque baroque, hallucinée et tragique, comme un long cri étouffé dans les couloirs humides d’un pouvoir corrompu. Ce n’est pas un film historique au sens académique du terme, mais une plongée organique dans une époque où les corps, les passions et la foi s’entre-déchiraient dans un tourbillon de haine, d’amour et de mort. 

Nous sommes en 1572. Pour apaiser les tensions entre catholiques et protestants, un mariage politique est organisé entre Marguerite de Valois, dite Margot (Isabelle Adjani), sœur du roi Charles IX, et Henri de Navarre (Daniel Auteuil), protestant et futur Henri IV. Mais ce simulacre d’union, célébré dans la douleur et l’incompréhension, précède l’un des plus grands bains de sang de l’histoire de France : la Saint-Barthélemy. Derrière cette alliance forcée, se cache un complot sanglant, fomenté par une figure déjà infernale : Catherine de Médicis, mère de Margot et du roi Charles IX. 

Patrice Chéreau, immense metteur en scène de théâtre, transpose ici toute sa science du geste, de l’espace et du silence sur l’écran. Il filme les palais comme des pièges, les escaliers comme des labyrinthes, les corps comme des champs de bataille. Le film est oppressant, baroque, charnel. Il ne cherche pas à raconter l’Histoire avec exactitude, mais à la faire ressentir — dans sa violence, son absurdité, sa cruauté. Le résultat est un chef-d’œuvre fiévreux, où chaque scène est traversée par une tension quasi opératique, où le sublime côtoie la fange. 

Le casting, flamboyant et totalement investi, est l’un des piliers de cette réussite. Isabelle Adjani est impériale dans le rôle de Margot. Sublime, ambiguë, passionnée, elle traverse le film telle une femme prisonnière de son destin, ballotée entre loyauté familiale et désirs inavoués. Rarement elle aura été aussi puissante à l’écran, à la fois vulnérable et animale, reine et proie. 

Daniel Auteuil, dans un rôle contenu et en apparence effacé, donne à Henri de Navarre une épaisseur remarquable. Tacticien sous-estimé, observateur prudent, il est la seule figure de raison dans cette mer de fous. Sa retenue contraste avec la folie furieuse du roi Charles IX, incarné de manière vertigineuse par Jean-Hugues Anglade. Ce dernier offre une composition d’une intensité hallucinée, entre enfant malade, pantin tragique et souverain possédé. Chaque plan où il apparaît semble vaciller avec lui, dans une agonie de plus en plus palpable. 

Virna Lisi, en Catherine de Médicis, est peut-être le cœur noir du film. Son visage figé dans le marbre, son regard impassible, son phrasé glacial : elle incarne la terreur froide du pouvoir absolu. Lionne sans scrupule, mère manipulatrice, stratège glaçante, elle domine l’écran avec une autorité surnaturelle. Son prix d’interprétation à Cannes n’était que justice. 

Pascal Grégory, en duc d’Anjou, apporte une touche trouble et vénéneuse au tableau. Entouré de ses mignons, il attend son heure, se maquille, se dérobe, mais n’est jamais loin des décisions fatales. Dominique Blanc, elle, incarne Henriette de Nevers, amie et confidente de Margot, avec une intensité douce et bouleversante, présence presque spectrale dans ce monde de fer et de sang. Sans oublier le ténébreux Vincent Perez en La Môle, amant sacrifié, et Claudio Amendola en Coconnas, qui injecte une touche de bravoure et d’humanité dans cette tragédie. 

Chéreau orchestre tout cela avec une virtuosité rare. Les scènes de banquet dégoulinent de vin, de sueur et de tension. Les orgies sont filmées comme des exorcismes, les assassinats comme des ballets. La musique de Goran Bregović ajoute au trouble général : ses thèmes incantatoires, entre chants religieux et cris tribaux, accompagnent la montée inexorable vers le chaos. Les décors sont somptueux, les costumes superbes, mais rien n’est jamais muséal. Tout sent la vie, la chair, la boue, le sang. 

Et au cœur de cette fresque, la tragédie intime d’une femme libre dans un monde où les femmes n’ont pas le droit d’exister autrement qu’en épouses ou en pions. Margot, baignée de rouge, échevelée, aimante, trahie, traverse cette nuit noire avec une grâce furieuse. 

 
La Reine Margot est un film total, incandescent, qui marie le souffle de l’Histoire à la brûlure de la tragédie. Chéreau filme comme on sculpte, dans la douleur et la beauté. Et grâce à un casting au sommet, il réussit à faire d’une époque sombre un opéra envoûtant. Dumas peut reposer en paix : là, c’est de la grande adaptation. 

NOTE : 17.80

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