Vu le film Pierrot le Fou de Jean Luc Godard (1965) avec Jean Paul Belmondo Anna Karina Graziella Galvani Dirk Sanders Jimmy Karoubi Roger Dutoit Hans Meyer Samuel Fuller Raymond Devos Princesse Aicha Abadie Georges Staquet Jean Pierre Leaud Dominique Zardi
Ferdinand Griffon, marié à une femme riche, s'ennuie dans le milieu mondain dans lequel elle l'entraîne. Au cours d'une soirée, il rencontre Marianne, une étudiante qu'il a connue cinq ans auparavant. Délaissant sa femme, il passe la nuit chez elle et prend la décision de ne plus en bouger. Son épouse demande le divorce. Marianne, mêlée à des affaires louches, trouve un cadavre dans son appartement. Les amants fuient avec la voiture du défunt et prennent la direction de la Côte d'Azur.
Dire que je ne suis pas fan de Godard serait encore trop doux. Je le soupçonne surtout d’avoir été ce cancre génial du fond de la classe, trop brillant pour être ignoré, trop cynique pour faire ses devoirs, et qui un jour a dit : “Et si je faisais des films pour me moquer du cinéma ?” Voilà Pierrot le fou. Un film qui commence comme une fugue romantique, et qui termine en sabotage général : de la narration, de la logique, de l’émotion, du plaisir même.
Dès les premières minutes, tout y est : une voix off monocorde, un ton distant, des lectures de bouquin à la va-comme-je-te-lis (Valéry, Aragon, Céline, youpi), des chansons mièvrement ironiques, des personnages qui récitent plus qu’ils ne parlent. La scène du cocktail chez les bourgeois, qui ouvre le film, donne le ton : un monde d’images publicitaires, de bavardages creux, et Belmondo en poisson hors de l’eau qui nous prévient déjà — ça va être long.
Alors évidemment, certains diront que c’est subversif, iconoclaste, libérateur. Moi je vois surtout un réalisateur qui confond geste révolutionnaire et désinvolture crâneuse. Et vas-y que je te coupe la musique en plein thème, que je te balance un écran rouge parce que pourquoi pas, que je te fous une explosion sonore pendant un plan de tendresse, que je t’enchaîne une réflexion politique avec une chanson de marin. C’est du montage au marteau, de la mise en scène à la truelle. On appelle ça « la liberté godardienne », moi j’y vois surtout un joyeux foutoir.
Et que dire des dialogues ? Poncifs, aphorismes à deux sous, poésie adolescente sous acide. Le film est censé être tragique, mais on ne ressent rien : ni empathie, ni tension, ni même curiosité. Belmondo semble paumé, il passe du mutisme existentiel à la lecture de BD en voix off comme un enfant s’ennuyant à la plage. Quant à Anna Karina, c’est peut-être la seule lueur du film : elle a cette vitalité, ce regard presque clownesque qui nous rappelle que la vie existe en dehors du théorème de Godard.
Et puis il y a cette fameuse scène où Marianne répète, comme une litanie vide de sens : “Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire !” – Une phrase qui pourrait résumer à elle seule le programme esthétique du film. Godard ne sait pas quoi faire du cinéma ? Alors il le détruit. Certains crient au génie. Moi j’y vois l’acte d’un adolescent poseur qui brûle la maison familiale pour prouver qu’il existe.
On est sauvé quand même de l’ennui avec l’apparition qui rien n’avoir avec le film de Raymond Devos pas grave on appréciera le numéro de voltige des mots
Le plus troublant, c’est que Pierrot le fou est beau. Oui, formellement, visuellement, c’est souvent superbe. Raoul Coutard filme les couleurs comme un peintre moderne : le bleu, le rouge, le jaune éclatent, les paysages de la Côte d’Azur sont d’une beauté éclatante. Mais que vaut cette beauté si elle est désincarnée ? Que reste-t-il quand le cœur est absent ?
Godard aurait voulu filmer une tragédie amoureuse moderne. Il ne reste qu’un caprice cinématographique, où les références s’empilent comme des slogans publicitaires (Mozart, Vietnam, Rimbaud, Picasso, le marxisme-léninisme), où les gestes des personnages ne riment à rien, où la mort elle-même n’a plus d’impact. Quand Pierrot se fait sauter le crâne à la dynamite, on ne ressent rien. Même pas un soupir.
Pierrot le fou est peut-être un film culte, peut-être même un film-manifeste. Mais c’est surtout, à mes yeux, un film creux. Creux de sentiments, creux de narration, creux d’intelligence réelle. Godard y joue les dadaïstes de service, mais son cinéma manque cruellement d’humanité. On l’a applaudi pour avoir déconstruit le langage cinématographique. Moi je le regarde, accablé, me répétant : Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire !
NOTE : 7.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Jean-Luc Godard, assistants : Jean-Pierre Léaud, Philippe Fourastié et Philippe Pouzenc
- Scénario : Jean-Luc Godard, et Remo Forlani d'après Le Démon d'onze heures (Obsession)[], de Lionel White
- Producteur : Georges de Beauregard
- Sociétés de production : SNC, Rome-Paris Films et Dino De Laurentiis Cinematografica
- Budget : ~ 300 000 USD
- Box-office France : 1 310 579 entrées
- Musique : Antoine Duhamel et Cyrus Bassiak (alias Serge Rezvani)
- Directeur de la photographie : Raoul Coutard (Techniscope Eastmancolor)
- Cadreurs : Georges Liron, Jean Garcenot
- Montage : Françoise Collin - Laboratoires LTC
- Décors : Pierre Guffroy
- Ingénieur du son : René Levert
- Jean-Paul Belmondo : Ferdinand Griffon, dit « Pierrot »
- Anna Karina : Marianne Renoir
- Graziella Galvani : Maria, la femme de Ferdinand
- Dirk Sanders : Fred, le frère de Marianne
- Jimmy Karoubi : le nain, chef des gangsters
- Roger Dutoit et Hans Meyer : les gangsters
- Samuel Fuller : lui-même
- Princesse Aïcha Abadie : elle-même
- Alexis Poliakoff : le marin
- Raymond Devos : l'homme du port
- László Szabó : Lazlo Kovacs
- Jean-Pierre Léaud : un spectateur
- Georges Staquet : Franck
- Henri Attal : le pompiste no 1
- Dominique Zardi : le pompiste no 2
- Maurice Auzel : le pompiste no 3 (non crédité)
- Pascal Aubier : le deuxième frère (non crédité)
- Pierre Hanin : le troisième frère (non crédité)
- Krista Nell : Mme Staquet (non créditée)
- Viviane Blassel : l'employée du magasin de parfumerie

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