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lundi 21 juillet 2025

16.00 - MON AVIS SUR LE. FILM TOUT LE. MONDE IL EST BEAU TOUT LE MONDE IL EST GENTIL DE JEAN YANNE (1972)

 


Vu le film Tout le Monde il est Beau Tout le monde il est Gentil de Jean Yanne (1972) avec Jean Yanne Bernard Blier Jacques François Ginette Garcin Marina Vlady Gérard Sire Daniel Prevost Michel Serrault Maurice Risch Marco Perrin Jean Roger Caussimon Jean Marie Proslier 

Selon `Radio plus près de Dieu', rien n'est conçu sans Dieu, surtout pas les shampoings, les produits de beauté, la vente des disques. Un animateur dénonce cette escroquerie à l'antenne, ce qui lui vaut d'être licencié. Il réapparaîtra sur de nouvelles ondes avec `Radio plus près de la Vérité'. 

Il y a des films qui nous accompagnent toute une vie, pas forcément parce qu’ils sont « parfaits », mais parce qu’ils nous ont éveillés, secoués, réveillés là où l’on n’attendait pas. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, de Jean Yanne, est de ceux-là. Pour moi, ado athée de quinze ans en 1972, ce fut une claque. Mieux : une libération joyeusement blasphématoire. Et encore aujourd’hui, cette charge explosive contre les hypocrisies sociales, religieuses, économiques et médiatiques agit comme un baume réconfortant. Un film-doudou, oui, mais un doudou armé de grenades. 

L’histoire ? Elle est à la fois limpide et follement subversive. Christian Gerber (Jean Yanne lui-même), journaliste à Radio Plus, station politiquement correcte et gentiment collabo, est renvoyé pour avoir diffusé un reportage critique sur un dictateur sud-américain. Mais au licenciement du patron de la radio, Gerber est miraculeusement propulsé à sa tête. S’ensuit alors une immersion dans les coulisses d’un média où tout est faux, où les discours sur la famille, la foi, les valeurs et la publicité ne sont que vernis, cynisme et veulerie. Il va tenter d’y insuffler un peu de vérité, mais à quel prix ? 

La satire est totale. Personne n’est épargné : ni les curés bon teint ni les patrons mielleux, ni les animateurs paternalistes ni les ménagères en quête de moralité. Le monde de la radio, prétendue voix du peuple, est dévoilé comme une cour de récréation d’hommes blancs sexistes, racistes, réactionnaires, où tout le monde joue sa partition sur un air d’hypocrisie bien huilée. Le titre même du film est une pique acide : Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, autrement dit, personne n’ose dire que tout est pourri, parce que ça dérangerait les affaires, les convenances, la paix sociale. Alors que Jean Yanne, lui, balance. Sans filtre. Et c’est jouissif. 

L'écriture, en tandem avec Gérard Sire, est d'une précision chirurgicale. Les dialogues sont à citer dans un manuel de subversion douce. On passe de la satire anticléricale (les sermons vendus en lot de 10) à l’attaque frontale contre la pub, le patriarcat, le consumérisme, avec une aisance rare. Yanne ne craint pas de choquer, mais il choque avec le sourire en coin, comme un sale gosse trop intelligent pour qu’on le punisse. 

La scène avec le « leader cubain » est un sommet : un moment d’absurde, de mauvais goût et de génie comique où la critique politique fusionne avec la caricature. Ce n’est pas du sketch : c’est de la dynamite idéologique emballée dans un éclat de rire. Le film regorge de ces scènes où le grotesque révèle l’essence des pouvoirs en place : la peur, la dissimulation, la bêtise satisfaite. 

Devant la caméra, Yanne s’est entouré de ses fidèles : Michel Serrault, Paul Préboist, Jacques François, Bernard Blier, Ginette Garcin, Daniel Prévost, Jean-Roger Caussimon… Un casting haut de gamme, où chacun semble s’amuser autant qu’il cogne. Le duo Blier / Jacques François est d’anthologie : leurs rituels absurdes, notamment le fameux tic-tac, résument à merveille l’absurdité managériale de ce monde qui fonctionne en boucle sur sa propre vacuité. 

On peut ne pas aimer Jean Yanne, le juger misanthrope ou provocateur systématique. Mais il faut lui reconnaître un flair exceptionnel pour débusquer l’hypocrisie, la bêtise satisfaite et les discours en carton-pâte. Il sait où frapper. Et il frappe juste. En 1972, il osait déjà dénoncer des sujets toujours actuels : la récupération politique, la manipulation médiatique, la soumission des femmes, le rôle de la religion dans la fabrication des opinions. 

Ce qui rend le film encore plus précieux, c’est que sous son apparente comédie acide, il y a une forme de tristesse désabusée. Le monde est ainsi, semble dire Yanne, mais regardez comme il est ridicule. Et si vous en riez, peut-être êtes-vous déjà un peu plus libres. Il ne prêche pas, il n’enseigne pas : il allume des mèches. 

En conclusion, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil n’est pas seulement une comédie irrévérencieuse de plus. C’est un pavé dans la mare des discours bien-pensants, un miroir brisé tendu à une société satisfaite d’elle-même. Pour beaucoup, il est resté dans les mémoires comme une œuvre culte, témoin d’une époque, mais pour certains — comme moi — il reste une consolation, un refuge. Un rappel qu’on peut rire de tout, surtout de ce qui prétend être sacré. 

NOTE : 16.00

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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