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dimanche 27 juillet 2025

12.20 - MON AVIS SUR LE FILM LE RECIF DE CORAIL DE MAURICE GLEIZES (1939)

 


Vu le Film Le Récif de Corail de Maurice Gleizes (1939) avec Jean Gabin Michèle Morgan Pierre Renoir Raymond Bussières Julien Carette Gaston Modot Léonce Corne Gaston Modot 

Ted est traqué par la police pour un crime et s'enfuit en intégrant l'équipage d'un bateau. Il découvre au cours du voyage une île paradisiaque : le récif de corail. Contraint et forcé de retourner en Australie, il fait la rencontre de la très jolie Lilian qui vit retirée pour fuir son passé. Ensemble, ils rêvent de retrouver le récif de corail o ils pourraient commencer une nouvelle vie. 

Il serait facile, au premier regard, de confondre Le Récif de corail avec un énième avatar du Quai des brumes, tant la présence du couple Jean Gabin/Michèle Morgan semble convoquer, malgré elle, l’ombre portée de Carné et Prévert. Et pourtant, ici, « tu as de beaux yeux, tu sais » ne franchira pas les lèvres de Gabin, ni même un ersatz. Nous ne sommes pas dans les brumes du Havre, mais sous le soleil écrasant du Pacifique, quelque part entre l’Australie et les Nouvelles-Hébrides, dans un décor aussi exotique que morne, sur un chalutier perdu en mer. 

L’histoire suit Troff Lennard, un homme traqué, qui embarque sur ledit chalutier pour fuir la justice. Quel crime a-t-il commis ? On ne le saura qu’au compte-gouttes. Le récit s’articule en effet sur une structure volontairement elliptique, ménageant ses effets, jouant sur la rétention d’information. Cela participe d’une esthétique plutôt moderne, voire avant-gardiste pour 1939. Le film adopte les codes du film noir à la française, mâtinés d’un exotisme de studio un peu désuet aujourd’hui, mais sans charme pour autant. La photographie est léchée, les effets de caméra nombreux et parfois virtuoses : plongées vertigineuses, jeux d’ombres, surimpressions… Maurice Gleize, méconnu, n’en est pas moins ambitieux. 

Cependant, cette ambition peine à masquer certaines faiblesses du scénario. L’intrigue avance par à-coups, parfois confuse, parfois languissante. L’attente de l’apparition de Michèle Morgan – longue à venir – agit comme une promesse de bascule, et le film prend un nouveau ton dès son entrée en scène. Morgan apporte un mystère, une gravité et une beauté qui viennent contrebalancer la rugosité de Gabin. Le duo fonctionne, comme toujours, par un mélange de défiance et de désir rentré. Mais malgré cette alchimie, le film ne parvient pas toujours à donner chair à ses enjeux dramatiques. L’émotion reste bridée, étouffée sous les intentions. 

On retrouve pourtant dans Le Récif de corail ce souffle du réalisme poétique si caractéristique du cinéma français d’avant-guerre. La fatalité, les amours contrariées, la fuite et l’exil sont au cœur du récit. Gleize semble vouloir s’inscrire dans le sillage de Carné, sans en avoir l’acuité sociale ni la force poétique. Son film est davantage une rêverie flottante, souvent belle à regarder, mais qui manque d’ancrage émotionnel. On assiste à une errance plus qu’à une trajectoire. 

Les seconds rôles sont bien tenus – quelques marins bourrus, un capitaine énigmatique – et les dialogues, bien que parfois artificiels, recèlent de belles fulgurances. La mer, omniprésente, est filmée comme un espace à la fois de menace et d’évasion, une étendue incertaine où l’homme se perd plus qu’il ne se trouve. 

En définitive, Le Récif de corail est un film inégal, parfois ennuyeux, mais pas dénué de qualités. Il vaut pour son atmosphère, ses audaces formelles, et surtout pour son couple vedette, qui parvient, à lui seul, à insuffler un peu de tension et de poésie dans un récit qui en manque. On comprend que le film n’ait pas marqué l’histoire du cinéma comme Le Jour se lève ou Le Quai des brumes, mais il demeure une curiosité intéressante, une tentative sincère de conjuguer le romanesque à l’exotisme, le polar au cinéma d’auteur. 

Un film mineur dans la filmographie de Gabin et Morgan, mais pas sans mérite. 

NOTE : 12.20

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