Vu le film Un Faux Mouvement de Carl Franklin (1992) avec Bill Paxton Billy Bob Thortnon Cynda Williams Michael Beach Jim Mezler Natalie Canerday Earl Billings Kevin Hunter
Réfugié dans une petite ville de l'Arkansas après une embrouille qui a tourné au carnage, un gros dealer de Los Angeles est traqué par le shérif local qui y voit l'affaire de sa vie. Plus qu'un polar, ce film restitue l'atmosphère magique des films noirs grâce à son scénario bien ficelé, sa réalisation impeccable, sa densité psychologique et les impressionnantes prestations de Bill Paxton et Billy Bob Thornton, respectivement en flic plouc et en truand cocaïné.
Un faux mouvement n’est pas un film qui s’impose d’emblée. Ce petit polar américain sorti en 1992, réalisé par Carl Franklin, semble d’abord modeste dans ses ambitions : un trio de criminels en cavale, une traque menée par deux flics chevronnés venus de Los Angeles, un shérif local du Sud profond qui veut en découdre… Le canevas paraît classique. Trop classique, peut-être. Et pourtant, quelque chose résiste à l'évidence dans ce film, qui peine à convaincre totalement, tout en s'inscrivant dans une certaine tradition du polar noir américain.
Dès l'ouverture, le ton est donné : brutalité sèche, absence de style flamboyant, violence filmée sans complaisance ni fioritures. Le film débute à Los Angeles avec une scène de meurtre glaçante perpétrée par trois personnages, dont un couple (Billy Bob Thornton, Cynda Williams) et leur acolyte masqué, plus inquiétant encore. À partir de là, le film se déploie sur deux axes parallèles : le périple des meurtriers qui prennent la route du Texas, et l’enquête conduite par les forces de l’ordre, dont un shérif local candide, interprété par Bill Paxton, qui rêve de gloire policière.
Le scénario, coécrit par Billy Bob Thornton lui-même, se veut dépouiller, sans gras ni éclats. À la place des habituels rebondissements, Franklin choisit la lenteur. C’est là l’un des reproches qu’on peut faire au film : un rythme qui s’étiole par moments, qui ne parvient pas à maintenir la tension que la structure de thriller promettait. L’action progresse sans véritable crescendo dramatique. Certaines scènes semblent manquer de liant, de respiration, comme si les articulations du récit restaient trop mécaniques.
Mais ce que le film perd en efficacité narrative, il le regagne parfois en ambiance réaliste et en ambiguïté morale. Ici, pas de héros infaillibles, ni de méchants caricaturaux. La violence est sèche, sans mise en scène flamboyante. Franklin filme au plus près des corps et des visages, dans un style quasi documentaire, qui refuse l’esthétisation du crime. Cette neutralité du regard, qui peut frustrer, fait aussi la valeur du film : on est face à des trajectoires humaines, non à des archétypes de cinéma.
C’est d’ailleurs cette absence de lyrisme, de grands discours, de morale imposée, qui finit par poser problème pour le spectateur habitué à un minimum d’identification ou d’émotion. On suit l’enquête et la fuite des criminels de manière presque clinique. Même lorsque le récit bifurque vers une révélation plus intime, liant le shérif à l’un des personnages en fuite (on découvre qu’il a eu un passé avec la femme du trio), l’émotion reste bridée, comme contenue sous la surface. Une option de mise en scène assumée, mais qui finit par rendre le film un peu aride.
Côté interprétation, le film est tenu par Bill Paxton, impeccable dans un rôle de shérif naïf, tout en retenue et en désillusion. On est loin ici de ses rôles plus extravertis chez Cameron ou Raimi. Le personnage, au lieu d’évoluer vers le héros providentiel, prend un virage plus intime, plus fragile, ce qui surprend et séduit. À ses côtés, Billy Bob Thornton, également scénariste, campe un tueur impulsif, intéressant mais finalement peu marquant. Il semble moins hanté que dans ses compositions futures (Sling Blade, A Simple Plan). Mention spéciale à Cynda Williams, rare actrice à donner un peu de chair émotionnelle à l’ensemble, bien que son personnage reste sous-écrit.
La dernière partie, pourtant bien mise en scène, n’offre pas le choc attendu. La tension n’explose jamais vraiment, et même la violence finale reste sèche, presque abstraite. On comprend ce que Franklin cherche : un polar sans surenchère, une Amérique désenchantée, où tout se passe dans les marges, loin des regards, dans une atmosphère poisseuse et ordinaire. Mais cette approche anti-spectaculaire fonctionne mieux sur le papier que dans l'expérience de spectateur.
NOTE : 11.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Carl Franklin
- Scénario : Billy Bob Thornton & Tom Epperson
- Musique : Pete Haycock et Derek Holt
- Photographie : James L. Carter (en)
- Montage : Carole Kravetz Aykanian
- Production : Jesse Beaton & Ben Myron
- Société de production et de distribution : IRS Media
- Bill Paxton (VF : Lionel Henry) : le shérif Dale 'Ouragan' Dixon
- Cynda Williams (en) (VF : Françoise Vallon) : Lila 'Fantasia' Walker
- Billy Bob Thornton (VF : Bernard Métraux) : Ray Malcolm
- Michael Beach (VF : Emmanuel Jacomy) : Lenny 'Pluto' Franklin
- Jim Metzler (VF : Edgar Givry) : Dud Cole
- Earl Billings (VF : Med Hondo) : John McFeely
- Natalie Canerday : Cheryl Ann
- Robert Ginnaven (VF : Jean-Pierre Moulin) : Charlie
- Robert Anthony Bell (VF : Hervé Grull) : Byron Walker
- Kevin Hunter (VF : Cédric Dumond) : Ronnie Walker
- Phyllis Kirklin (VF : Maïk Darah) : Mme Walker
- Jimmy Bridges (VF : Renaud Marx) : Bobby
- Phyllis Sutton (VF : Dany Tayarda) : Jackie
- John Mahon (en) (VF : Georges Berthomieu) : le shérif Jenkins
- J. Robert Bailey (VF : Georges Poujouly) : le lieutenant
- Duncan Rouleau (VF : Philippe Vincent) : l'analyste vidéo
- Layne Beamer (VF : Pierre Laurent) : le patrouilleur du Texas
- Jesse Dabson : Beaver
- Rocky Giordani (VF : Michel Vigné) : Billy
- Lilli Rouleau (VF : Josiane Pinson) : Mme Childress
- Walter Norman (VF : Philippe Vincent) : Larry Gibson, le trooper de l'Arkansas
- Rebecca Ortese (VF : Brigitte Aubry) : Fern
- Mea Combs : la caissière
- Jackie Stewart : le camionneur
- Leslie Mauldin (VF : Véronique Augereau) : la femme du camionneur

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