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mardi 8 décembre 2015

DECES DE HOLLY WOODLAWN (La Muse de Andy Warhol)

DÉCÈS: Holly Woodlawn (1946-2015)

DÉCÈS: Holly Woodlawn (1946-2015)


L'actrice américaine Holly Woodlawn est décédée. Icône d'Andy Warhol, Holly Woodlawn est apparue pour la première fois au cinéma dans Trash de Paul Morrissey. Elle retrouve le réalisateur un an plus tard sur Women in Revolt et participe aux documentaires Underground and Emigrants et Tally Brown, New York de l'Allemand Rosa von Praunheim. Plus récemment, Woodlawn apparaît dans Les Frères Falls de Michael Polish, sorti chez nous en l'an 2000. Elle avait par ailleurs inspiré les paroles de Walk on the Wild Side de Lou Reed. Holly Woodlawn avait 69 ans.

Holly Woodlawn, crinière brune et yeux verts, était née en 1946 d'un autre genre et d'un autre monde que celui, scintillant, factice, festif, abusif et débridé de la Factory, usine à rêves underground. Né Haroldo Santiago Franceschi Rodriguez Danhakl à Juana Díaz, Puerto Rico, ce joli petit garçon fluet a grandi à Miami Beach comme un simple fils d'un soldat américain d'ascendance allemande. Changement de décor. Holly Woodlawn est connue comme la créature invraisemblable de Trash, le plus gros succès commercial des films d'Andy Warhol où cette travestie maigre et exaltée se livre sans complexe à l'objectif.
N'a-t-elle pas inspiré Lou Reed pour la première phrase de de sa chanson-culte Walk on the Wild Side (1972 )? «Holly came from Miami, F.L.A. / Hitch-hiked her way across the U.S.A. / Plucked her eyebrows on the way / Shaved her legs and then he was a she / She says, «Hey, babe, / Take a walk on the wild side.» / Said, «Hey, honey, / Take a walk on the wild side», chante la voix profonde de Lou Reed sous la houlette de David Bowie en 1972, en souvenir des années du Velvet Underground quand le groupe marginal et décadent, pionnier du punk, était produit par le défricheur Andy Warhol, le pape du Pop.

L'héritière du Woodlawn Cemetery

Ayant fait son «coming out» très jeune, confiera-t-elle, Haroldo Santiago se choisit le prénom féminin de Holly par admiration pour Audrey Hepburn, alias Holly Golightly, dansBreakfast at Tiffany's dde Blake Edwards (1961). Puis se forgea en 1969 un nouveau nom en regardant un épisode du «soap» I Love Lucy où brillaient Lucille Ball, Desi Arnaz, Vivian Vance et William Frawley. Pleine d'humour, d'alcool, de drogue et de rêves pailletés, l'héroïne de Women in Revolt (1971), débarquée à 16 ans à New York dans le monde à risques de la pop culture, se fait passer alors pour l'héritière du Woodlawn Cemetery, une des plus grands et des plus anciens (1863), cimetières de New York dans le Bronx.
Elle est morte le 6 décembre sous son nom de cinéma, des suites d'un cancer du foie et du cerveau. DansI love Holly, le documentaire de groupie que lui a consacré Karim Zeriahen en 2009, elle lui fait d'ailleurs visiter ce cimetière en grand équipage, sorte de Sunset Boulevard bis, avec ce mélange de lucidité extrême et de goût du théâtre qui faisait son charme décalé. En 52 minutes, ce «documentaire sur les influences hollywoodiennes de la légendaire Holly Woodlawn», produit par Pierre-Paul Puljiz et diffusé il y a peu sur Ciné+, faisait parler très librement la superstar de Warhol, restée un personnage haut en couleur, aux souvenirs trashs parfaitement assumés, à l'intelligence vive, à l'humour décapant, à la douceur surprenante.
«À la Factory, peut-être parce qu'il avait peur des femmes, Andy Warhol remplaça Viva [Janet Susan Mary Hoffmann rebaptisée Via par Warhol et dont le film le plus polémique fut “Blue Movie”, tant pour ses débats politiques que pour sa prestation sexuelle, NDLR] dans les médias par deux travestis: Jackie Curtis et Candy Darling», raconte Victor Bockris dans son livre Warhol, La biographie , mine de témoignages à l'américaine qui vient de paraître en français, en septembre dernier, chez Globe (29€).

La parole à Andy

Et de citer Andy lui-même: «Entre autres, parce que les travestis sont des archives ambulantes de la figure de la star de cinéma idéale. Je suis fasciné par les garçons qui passent leur vie à essayer de ressembler à de vraies filles: ils doivent travailler si dur - deux fois plus - afin de se débarrasser de leurs signes extérieurs de masculinité puis créer ceux de la femme (...) Il est très compliqué de ressembler à l'exact opposé de ce que la nature a voulu, puis de devenir une imitation de ce qui était au départ une femme fantasmée.»
Proche d'Andy Warhol, Victor Bockris raconte l'arrivée de Holly Woodlawn dans l'univers inversé de la Factory où il a travaillé pendant des années et dont il est devenu le greffier aussi pointilleux que contesté par les autorités warholiennes. «Andy estimait que Jackie incarnait la femme de manière «volontairement comique» (sourcils épais, tonnes de maquillage, barbe sous-jacente) tandis que Candy Darling était très féminine (...) Un troisième travesti superstar, Holly Woodlawn, fut présenté à Warhol en 1969.»
«Je m'attendais à rencontrer l'une de ces stars, extravagantes et extraverties. Andy Warhol était insignifiant, silencieux: je l'ai malgré tout trouvé mignon», confia Holly Woodlawn au biographe de l'underground new-yorkais dont le livre est paru en 2003 aux États-Unis sous le titre Warhol (Da Capo Press Edition, Cambridge). «Les travestis formaient un curieux trio: Holly Woodlawn incarnait la figure de l'élégance à la Hedy Lamarr, Candy Darling était la blonde hollywoodienne à la Kim Novak, et Jackie Curtis la dépravée fort en gueule.»
Trash, ovni assez ahurissante tourné en 15 jours en décembre 1969, allait devenir son grand film. Il a marqué une génération, autant par son audace sexe et rock'n roll que par son romantisme noir des villes de l'après-guerre et du baby boom.

La triste fin des superstars pop

Andy Warhol et son scénariste Paul Morissey, retrace Victor Bockris, «recrutèrent Holly Woodlawn dans le rôle de la femme de Joe Dallessandro qui passe son temps à hanter Fillmore East dans l'intention de trouver de vieux meubles dans les poubelles pour son appartement, pendant que son mari “travaille” comme cambrioleur incompétent. Avec ses dents de lapin et ses cheveux noirs en tignasse sauvage, Holly dégageait une férocité telle, et si joyeuse, que Morissey décida de lui attribuer un plus grand rôle».
La première de Trash eut lieu au prestigieux Cinema II, le 6 octobre 1970 et fut couronnée de succès. «Trash deviendra le plus grand succès populaire de tous les films de Warhol, et rapportera au total 1,5 million de dollars, marquant un tournant pour le studio cinéma de la Factory», souligne Victor Bochkris. Ils étaient tous là, sur les murs de l'exposition Warhol Underground cet été auCentre Pompidou-Metz, jusqu'au 23 novembre dernier.
Comme après la sortie de Chelsea Girls , quatre ans plus tôt, les acteurs de Warhol contestèrent le partage du succès et de ses bénéfices.
Dans un entretien à Patrick Smith en 1978, Holly Woodlawn témoigna: «J'adore Andy mais, à un moment, je l'ai haï. Après ce film dans lequel j'ai tourné, et son succès, il s'est fait tellement d'argent, tandis que moi, j'étais pauvre... Du jour au lendemain, je suis devenue une star, et je n'en ai tiré aucun profit. J'étais trop bête et je ne prenais pas cela au sérieux. Ca me faisait trop rire de traîner avec Jackie, Canduy et Andy. Quand j'avais besoin d'argent, j'allais à la Factory: “Andy, j'ai besoin de thunes! Allez! De l'argent! De l'argent!”. Et il me signait un chèque. Beaucoup de ses superstars ont mal fini. Elles pensaient qu'Andy aurait dû prendre soin d'elles. Alors qu'en fait, il ne doit rien à personne.»
Parole de muse et d'icône warholienne.
Thanx 4 Nothing, pourrait lui souffler John Giorno, le poète et désormais le vétéran (le rescapé?) de l'underground new-yorkaise. L'amant de Warhol transforme tous les souvenirs, bons et mauvais, en cadeaux de la vie dans sa belle performance en smoking noi, puis blanc, mise en scène par l'artiste suisse Ugo Rondinone au Palais de Tokyo. Ou l'on peut préférer le fou du rêve et les 102Shadows de Warhol, film hypnotique de la fin des années 1970 qui se déroule comme un fantôme dans la rotonde du Musée d'art moderne de la Ville de Paris.

Portée par le New York des années pop, Holly Woodlawn est l'actrice sans limites de «Scarecrow In A Garden Of Cucumbers» (1971) du cinéaste Robert J Kaplan. Photo © The Kobal Collection/Aurimages / The Kobal Collection/Aurimages/The Kobal Collection/Aurimages

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