Pages

vendredi 10 janvier 2025

13.50 - MON AVIS SUR LE FILM LE DIABLE BOITEUX DE SACHA GUITRY (1963)

 


Vu le film Le Diable Boiteux de Sacha Guitry (1948) avec Sacha Guitry Pauline Carton Lana Marconi Jeanne Fusier-Gir Renée Devillers Maurice Schultz Emile Drain (Napoléon) Maurice Teynac Philippe Richard Howard Vernon Jean Piat Bernard Dhéran Daniel Ceccaldi Robert Hossein

Il s'agit de la biographie filmée du prince de Talleyrand, évêque d'Autun, qui servit la France de l'Ancien Régime jusqu'à la Monarchie de Juillet en passant par le Directoire, le Consulat, le Premier Empire et la Restauration.

Sacha Guitry, maître des bons mots et de la mise en scène théâtrale, s’empare dans Le Diable boiteux de la figure de Talleyrand avec une habileté fascinante. Ce film de 1948 est une fresque grandiose, à la hauteur de l’ambition du cinéaste, qui excelle ici dans l’art de mêler histoire, satire et éclat visuel. Dès les premières minutes, on sent que Guitry ne se contente pas de raconter la vie de ce personnage emblématique de la diplomatie française : il s’identifie à lui, et c’est dans cette fusion que réside tout l’intérêt du film.

Talleyrand, surnommé le "diable boiteux" pour son habileté politique et sa moralité douteuse, traverse les régimes avec un opportunisme savamment dosé. Guitry, en le mettant en scène, ne se contente pas de retracer sa vie ; il en fait un miroir de ses propres qualités et défauts. Comme Talleyrand, Guitry est un homme de mots, un homme de scène, sachant se mettre en valeur tout en restant dans l’ombre. Le film devient alors une sorte de mise en abyme où l’homme qui manipule les puissants dans l’histoire rejoint l’artiste qui manipule ses spectateurs.

Sur le plan visuel, Le Diable boiteux témoigne de cette démesure si chère à Guitry : chaque scène est pensée comme un tableau vivant, où les décors somptueux, les costumes raffinés et la lumière travaillée contribuent à recréer les différentes époques traversées par Talleyrand. Guitry, en fin connaisseur de l’Histoire de France, s’amuse à jongler avec les grandes figures de son temps – de Louis XVI à Napoléon, en passant par Louis XVIII – qu’il croque avec un humour parfois acide, mais toujours brillant. La théâtralité qui caractérise le style du cinéaste renforce ici l’idée d’une pièce historique où chaque personnage devient un acteur sur une grande scène, celle du pouvoir.

Le talent de dialoguiste de Guitry éclate à chaque réplique. On y retrouve cette verve inimitable, ces bons mots qui fusent, ce goût du trait d’esprit qui fait mouche et qui rapproche irrémédiablement le cinéaste de son personnage principal. De Talleyrand, il ne fait pas un héros, mais un homme complexe, cynique et rusé, pour qui la fin justifie les moyens. Pourtant, au-delà de la caricature et du cynisme, il y a chez Guitry une certaine admiration pour ce diplomate hors norme. Le film ne juge pas, il observe, parfois avec malice, toujours avec intelligence.

Si l’on peut reprocher à Le Diable boiteux une certaine lenteur et un goût prononcé pour les digressions, il n’en reste pas moins une œuvre magistrale, portée par un Sacha Guitry au sommet de son art. La mise en scène, à la fois ample et rigoureuse, sert admirablement le propos : montrer comment un homme peut devenir le fil rouge d’une époque, en jouant un rôle déterminant à chaque grande bifurcation de l’Histoire.

Le Diable boiteux est plus qu’un simple biopic : c’est une réflexion sur le pouvoir, la manipulation et le rôle de l’intelligence dans la grande comédie humaine. Sacha Guitry, en jouant Talleyrand, joue aussi Sacha Guitry, l’éternel metteur en scène de sa propre vie. Un film à la fois érudit et savoureux, à découvrir pour le plaisir des dialogues ciselés et des intrigues finement déroulées.

NOTE : 13.50

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire