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mardi 28 janvier 2025

13.20 - MON AVIS SUR LE FILM LE COLONEL CHABERT (1994)

 


Vu le film Le Colonel Chabert de Yves Angelo (1994) avec Gérard Depardieu Fabrice Luchini Fanny Ardant André Dussolier Daniel Prevost Olivier Saladin Maxime Leroux Eric Elmosino

Paris, février 1817, trois ans après la chute de l'Empire, l'avoué Derville reçoit la visite d'un vieillard misérablement vêtu. Il assure être le colonel Chabert, laissé pour mort à la bataille d'Eylau en 1807. Il avait alors contribué à la victoire en conduisant une charge de cavalerie devenue célèbre. Le vieil homme raconte comment, se réveillant dans un fossé entre des cadavres, il a survécu à ses blessures. Il revient dix ans après et souhaite réclamer son titre, faire valoir ses droits et revivre avec sa femme. Celle-ci, durant son absence, s'est mariée avec le comte Ferraud. Le comte cherche à acquérir le titre de pair de France, ce qui lui permettrait de lancer sa carrière politique à la Chambre des pairs. Mais son mariage avec une veuve d'Empire crée des difficultés apparemment insurmontables ; il lui vaudrait bien mieux se remarier avec la fille d'une noblesse émigrée.

L’adaptation du roman d’Honoré de Balzac par Yves Angelo, Le Colonel Chabert, est un film qui divise dans l’analyse. Si l’on reconnaît immédiatement la virtuosité de son réalisateur en tant que directeur de la photographie, le travail de mise en image semble parfois prendre le pas sur l’essence dramatique et narrative de l’œuvre.

Visuellement, le film est une réussite incontestable. Angelo capte les paysages hivernaux et les intérieurs feutrés des salons de la Restauration avec une lumière qui évoque les peintures classiques. Chaque plan est soigneusement composé, baigné dans une lumière naturelle et des ombres travaillées qui rappellent Rembrandt ou Vermeer. Ces images, accompagnées par une bande-son enchanteresse de morceaux classiques, confèrent au film une élégance indéniable. Cependant, ce raffinement esthétique peut paraître écrasant, voire envahissant, pour un récit qui, lui, exige une austérité plus brute. Le contraste entre la somptuosité visuelle et la tragédie poignante de Chabert finit par desservir l’intensité émotionnelle du propos.

Là où le bât blesse vraiment, c’est dans la structure narrative. Le film, tiré d’une courte nouvelle, s’étire sur plus de deux heures, et cette longueur dilue l’impact de l’histoire. Balzac avait donné à Le Colonel Chabert une sobriété efficace, concentrée autour du drame psychologique et social du retour d’un homme que l’on croyait mort. Angelo, en revanche, cherche à étoffer cette intrigue minimaliste par des scènes et des dialogues additionnels, souvent verbeux, qui alourdissent le rythme. Passée la première heure, le spectateur peut ressentir une lassitude, tant le récit semble stagner.

Du côté des interprètes, Gérard Depardieu incarne un Chabert imposant et bouleversant. Son jeu, tout en retenue et en intensité, traduit à merveille l’humiliation et la détermination d’un homme en quête de justice. Il porte sur ses épaules l’essentiel du drame, insufflant à son personnage une humanité poignante. À l’opposé, Fabrice Luchini dans le rôle de l’avocat Derville offre une performance plus problématique. Luchini, fidèle à son style, adopte une diction et une gestuelle qui frôlent parfois la caricature. Sa prestation, trop théâtrale, détonne avec le naturalisme recherché par Angelo. André Dussollier, en comte Ferraud, tombe également dans ce travers. Son jeu, bien que techniquement impeccable, manque de subtilité et nuit à la crédibilité de son personnage.

Quant à Fanny Ardant, qui incarne la comtesse Ferraud, elle apporte une certaine froideur calculée à son rôle, mais son personnage reste étrangement distant. Sa dynamique avec Chabert aurait pu être un point fort du film, mais elle demeure sous-exploitée, réduite à des confrontations glaciales sans réelle profondeur.

Le Colonel Chabert est une œuvre paradoxale. Si Yves Angelo prouve ici son immense talent pour magnifier l’image et la musique, il échoue à capturer pleinement la force dramatique et sociale du texte de Balzac. Ce film, aussi beau soit-il à regarder, pèche par sa longueur et son manque d’unité dans l’interprétation. C’est une adaptation ambitieuse mais inégale, qui laisse un sentiment mitigé : une esthétique sublime, mais une émotion qui ne parvient pas toujours à toucher le spectateur.

NOTE : 13.20

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