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jeudi 9 janvier 2025

13.10 - MON AVIS SUR LE FILM L'AFFAIRE FAREWELL DE CHRISTIAN CARION (2009)


 Vu le film L’Affaire Farewell de Christian Carion (2009) avec Guillaume Canet Emir Kusturica Christian Carion Niels Arestrup Willem Dafoe Fred Ward (Reegan) Diane Kruger Alexandra Maria Laura David Soul Dina Korzun Philippe Magnan (Mitterrand) Vsevolod Shilovsky

Moscou, au début des années 1980. Sergueï Grigoriev, colonel du KGB, déçu par le régime de son pays, décide de le faire tomber ! Il prend contact avec un ingénieur français en poste à Moscou, Pierre Froment. Les données qu'il lui remet ne tardent pas à intéresser les services secrets occidentaux.

Avec L'Affaire Farewell (2009), Christian Carion nous plonge dans les méandres glaçants de la guerre froide, au cœur d’une affaire d’espionnage aussi fascinante qu’historique. Inspiré de faits réels, le film raconte comment, au début des années 1980, un colonel soviétique désabusé, Sergueï Grigoriev (interprété par Emir Kusturica), décide de trahir son pays en transmettant des informations cruciales au bloc occidental. L’un des points forts du film réside justement dans cette volonté de mêler rigueur historique et drame humain.

Carion délaisse les clichés des thrillers d’espionnage spectaculaires pour privilégier une atmosphère plus intime, presque oppressante, où chaque personnage semble écrasé par les enjeux géopolitiques. Guillaume Canet incarne Pierre Froment, un ingénieur devenu diplomate par accident, un homme ordinaire plongé malgré lui dans une intrigue qui le dépasse. Ce choix d’un héros relativement « banal » contribue à rendre l’histoire plus crédible et immersive : le spectateur s’identifie facilement à ce personnage, contraint de jouer à un jeu dangereux auquel il n’était pas préparé.

Face à lui, Kusturica est impressionnant dans le rôle de Grigoriev, un dissident au caractère abrupt, cynique, mais étonnamment touchant. On perçoit chez lui la lassitude d’un homme qui ne croit plus aux idéaux qu’il a longtemps défendus, mais qui, par un étrange sursaut de conscience, décide de précipiter la chute de l’empire soviétique en révélant ses secrets les mieux gardés. La relation entre ces deux hommes, si différents et pourtant liés par un destin commun, constitue le cœur émotionnel du film.

L’intrigue s’articule autour d’une fameuse liste d’espions russes infiltrés dans les hautes sphères américaines, une découverte capitale qui va changer le cours de l’histoire. Le film parvient habilement à restituer la paranoïa ambiante de l’époque, où chaque geste pouvait coûter la vie. La tension ne cesse de monter à mesure que les enjeux deviennent plus clairs, et que les cadavres commencent à joncher la route des protagonistes. Carion n’hésite pas à montrer les conséquences brutales du monde de l’espionnage, où les trahisons se paient toujours dans le sang.

Un des clins d’œil les plus marquants du film survient lorsqu’on voit le président Ronald Reagan, interprété par Fred Ward, regarder à la télévision L’Homme qui tua Liberty Valance. Ce détail, loin d’être anodin, illustre subtilement la thématique centrale du film : dans le monde de l’espionnage comme dans le Far West mythifié par le cinéma, la frontière entre héros et traîtres, entre réalité et légende, est toujours floue. Reagan, lui-même acteur avant d’être président, incarne ici ce mélange de fiction et de politique, où l’image compte parfois plus que les faits.

La mise en scène de Carion, sobre et efficace, évite les excès et privilégie une tension feutrée. La photographie froide, presque clinique, renforce l’atmosphère pesante d’un monde où le moindre faux pas peut être fatal. La bande-son minimaliste accompagne discrètement cette montée en tension, sans jamais en faire trop.

L'Affaire Farewell n’est pas un film d’espionnage à grand spectacle, mais une œuvre qui privilégie l’intelligence du propos et la subtilité de la narration. En s’appuyant sur des personnages complexes, portés par des acteurs de talent — notamment un Kusturica impressionnant de naturel et un Canet tout en retenue —, Carion offre un thriller historique captivant. Le film, tout en retraçant un épisode méconnu mais crucial de la guerre froide, parvient à poser des questions universelles sur la loyauté, le courage et le poids des décisions individuelles face à la grande Histoire.

On peut regretter un rythme parfois lent, c’est précisément ce parti pris qui donne au film son atmosphère réaliste et pesante. En choisissant de raconter cette histoire d’espionnage à hauteur d’homme, Carion nous offre une œuvre poignante et rigoureuse, qui rappelle que les grands bouleversements de l’histoire naissent souvent de décisions prises dans l’ombre, par des hommes ordinaires confrontés à des dilemmes extraordinaires.

NOTE : 13.10

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