Vu le film L’Affaire Farewell de Christian Carion (2009) avec Guillaume Canet Emir Kusturica Christian Carion Niels Arestrup Willem Dafoe Fred Ward (Reegan) Diane Kruger Alexandra Maria Laura David Soul Dina Korzun Philippe Magnan (Mitterrand) Vsevolod Shilovsky
Moscou,
au début des années 1980. Sergueï Grigoriev, colonel du KGB, déçu par le régime
de son pays, décide de le faire tomber ! Il prend contact avec un ingénieur
français en poste à Moscou, Pierre Froment. Les données qu'il lui remet ne
tardent pas à intéresser les services secrets occidentaux.
Avec L'Affaire
Farewell (2009), Christian Carion nous plonge dans les méandres glaçants de
la guerre froide, au cœur d’une affaire d’espionnage aussi fascinante
qu’historique. Inspiré de faits réels, le film raconte comment, au début des
années 1980, un colonel soviétique désabusé, Sergueï Grigoriev (interprété par
Emir Kusturica), décide de trahir son pays en transmettant des informations
cruciales au bloc occidental. L’un des points forts du film réside justement
dans cette volonté de mêler rigueur historique et drame humain.
Carion
délaisse les clichés des thrillers d’espionnage spectaculaires pour privilégier
une atmosphère plus intime, presque oppressante, où chaque personnage semble
écrasé par les enjeux géopolitiques. Guillaume Canet incarne Pierre Froment, un
ingénieur devenu diplomate par accident, un homme ordinaire plongé malgré lui
dans une intrigue qui le dépasse. Ce choix d’un héros relativement « banal »
contribue à rendre l’histoire plus crédible et immersive : le spectateur
s’identifie facilement à ce personnage, contraint de jouer à un jeu dangereux
auquel il n’était pas préparé.
Face à
lui, Kusturica est impressionnant dans le rôle de Grigoriev, un dissident au
caractère abrupt, cynique, mais étonnamment touchant. On perçoit chez lui la
lassitude d’un homme qui ne croit plus aux idéaux qu’il a longtemps défendus,
mais qui, par un étrange sursaut de conscience, décide de précipiter la chute
de l’empire soviétique en révélant ses secrets les mieux gardés. La relation
entre ces deux hommes, si différents et pourtant liés par un destin commun,
constitue le cœur émotionnel du film.
L’intrigue
s’articule autour d’une fameuse liste d’espions russes infiltrés dans les
hautes sphères américaines, une découverte capitale qui va changer le cours de
l’histoire. Le film parvient habilement à restituer la paranoïa ambiante de
l’époque, où chaque geste pouvait coûter la vie. La tension ne cesse de monter
à mesure que les enjeux deviennent plus clairs, et que les cadavres commencent
à joncher la route des protagonistes. Carion n’hésite pas à montrer les
conséquences brutales du monde de l’espionnage, où les trahisons se paient
toujours dans le sang.
Un des
clins d’œil les plus marquants du film survient lorsqu’on voit le président
Ronald Reagan, interprété par Fred Ward, regarder à la télévision L’Homme
qui tua Liberty Valance. Ce détail, loin d’être anodin, illustre
subtilement la thématique centrale du film : dans le monde de l’espionnage
comme dans le Far West mythifié par le cinéma, la frontière entre héros et
traîtres, entre réalité et légende, est toujours floue. Reagan, lui-même acteur
avant d’être président, incarne ici ce mélange de fiction et de politique, où
l’image compte parfois plus que les faits.
La mise
en scène de Carion, sobre et efficace, évite les excès et privilégie une
tension feutrée. La photographie froide, presque clinique, renforce
l’atmosphère pesante d’un monde où le moindre faux pas peut être fatal. La
bande-son minimaliste accompagne discrètement cette montée en tension, sans
jamais en faire trop.
L'Affaire
Farewell n’est
pas un film d’espionnage à grand spectacle, mais une œuvre qui privilégie
l’intelligence du propos et la subtilité de la narration. En s’appuyant sur des
personnages complexes, portés par des acteurs de talent — notamment un
Kusturica impressionnant de naturel et un Canet tout en retenue —, Carion offre
un thriller historique captivant. Le film, tout en retraçant un épisode méconnu
mais crucial de la guerre froide, parvient à poser des questions universelles
sur la loyauté, le courage et le poids des décisions individuelles face à la
grande Histoire.
On peut
regretter un rythme parfois lent, c’est précisément ce parti pris qui donne au
film son atmosphère réaliste et pesante. En choisissant de raconter cette
histoire d’espionnage à hauteur d’homme, Carion nous offre une œuvre poignante
et rigoureuse, qui rappelle que les grands bouleversements de l’histoire
naissent souvent de décisions prises dans l’ombre, par des hommes ordinaires
confrontés à des dilemmes extraordinaires.
NOTE : 13.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Christian Carion
- Scénario : Christian Carion et Éric Raynaud, d'après l'ouvrage Bonjour Farewell: La vérité sur la taupe française du KGB de Serguei Kostine
- Musique originale : Clint Mansell
- Décors : Jean-Michel Simonet
- Photographie : Walther Van Den Ende
- Producteur : Christophe Rossignon
- Sociétés de production : Nord-Ouest Productions , Le Bureau, Pathé, Canal+, France 2 Cinéma, CinéCinéma, Une Hirondelle Productions, Blackfeet Pictures, Cofinova 5
- Emir Kusturica : Sergueï Grigoriev, « Farewell » (inspiré de Vladimir Vetrov)
- Guillaume Canet : Pierre Froment, ingénieur à Thomson-CSF (inspiré de Xavier Ameil)
- Alexandra Maria Lara : Jessica, l'épouse est-allemande de Pierre
- Aleksey Gorbounov : Choukhov
- Ingeborga Dapkūnaitė : Natasha, épouse de Sergueï
- Dina Korzun : Alina, maîtresse de Sergueï, traductrice
- Willem Dafoe : Feeney
- Philippe Magnan : François Mitterrand
- Marc Berman : Jacques, supérieur hiérarchique de Pierre
- Niels Arestrup : Vallier
- David Soul : Hutton, collaborateur de Reagan
- Fred Ward : Ronald Reagan
- Christian Carion : Favier, un conseiller de Mitterrand
- Lauriane Riquet : Ophélie, fille de Pierre et de Jessica
- Diane Kruger : espionne interpellée à Washington faisant son jogging
- Gary Lewis : chimiste espion à Glasgow
- Benno Fürmann : Agent fédéral allemand
- Miglen Mirtchev : tortionnaire de la prison de Lefortovo
- Anton Yakovlev : l'agent de sécurité du KGB
- Vsevolod Shilovskiy (ru) : Mikhaïl Gorbatchev
- Thomas Schmauser (de) : ingénieur espion allemand interpellé à Munich
- Alex Ferns (en) : policier écossais chargé de l'arrestation de l'espion chimiste
- Christian Sandström (fi) : un agent du FBI
- Riko Eklundh (fi) : un agent du FBI
- Mats Långbacka (fi) : un agent du FBI
- Valentin Varetsky (ru) : Miaskowski
- Michael Bilalov (bg) : employé de la prison de Lefortovo
- Yevgeni Kharlanov : Igor, fils de Sergueï et de Natasha
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