Vu le film Le Diable Boiteux de Sacha Guitry (1948) avec Sacha Guitry Pauline Carton Lana Marconi Jeanne Fusier-Gir Renée Devillers Maurice Schultz Emile Drain (Napoléon) Maurice Teynac Philippe Richard Howard Vernon Jean Piat Bernard Dhéran Daniel Ceccaldi Robert Hossein
Il s'agit de la biographie filmée
du prince de Talleyrand, évêque
d'Autun, qui servit la France de l'Ancien Régime jusqu'à
la Monarchie
de Juillet en passant par le Directoire, le Consulat, le Premier Empire et
la Restauration.
Sacha Guitry, maître des bons mots et
de la mise en scène théâtrale, s’empare dans Le Diable boiteux de la
figure de Talleyrand avec une habileté fascinante. Ce film de 1948 est une
fresque grandiose, à la hauteur de l’ambition du cinéaste, qui excelle ici dans
l’art de mêler histoire, satire et éclat visuel. Dès les premières minutes, on
sent que Guitry ne se contente pas de raconter la vie de ce personnage
emblématique de la diplomatie française : il s’identifie à lui, et c’est dans
cette fusion que réside tout l’intérêt du film.
Talleyrand, surnommé le "diable
boiteux" pour son habileté politique et sa moralité douteuse, traverse les
régimes avec un opportunisme savamment dosé. Guitry, en le mettant en scène, ne
se contente pas de retracer sa vie ; il en fait un miroir de ses propres
qualités et défauts. Comme Talleyrand, Guitry est un homme de mots, un homme de
scène, sachant se mettre en valeur tout en restant dans l’ombre. Le film
devient alors une sorte de mise en abyme où l’homme qui manipule les puissants
dans l’histoire rejoint l’artiste qui manipule ses spectateurs.
Sur le plan visuel, Le Diable
boiteux témoigne de cette démesure si chère à Guitry : chaque scène est
pensée comme un tableau vivant, où les décors somptueux, les costumes raffinés
et la lumière travaillée contribuent à recréer les différentes époques
traversées par Talleyrand. Guitry, en fin connaisseur de l’Histoire de France,
s’amuse à jongler avec les grandes figures de son temps – de Louis XVI à
Napoléon, en passant par Louis XVIII – qu’il croque avec un humour parfois
acide, mais toujours brillant. La théâtralité qui caractérise le style du
cinéaste renforce ici l’idée d’une pièce historique où chaque personnage
devient un acteur sur une grande scène, celle du pouvoir.
Le talent de dialoguiste de Guitry
éclate à chaque réplique. On y retrouve cette verve inimitable, ces bons mots
qui fusent, ce goût du trait d’esprit qui fait mouche et qui rapproche
irrémédiablement le cinéaste de son personnage principal. De Talleyrand, il ne
fait pas un héros, mais un homme complexe, cynique et rusé, pour qui la fin
justifie les moyens. Pourtant, au-delà de la caricature et du cynisme, il y a
chez Guitry une certaine admiration pour ce diplomate hors norme. Le film ne
juge pas, il observe, parfois avec malice, toujours avec intelligence.
Si l’on peut reprocher à Le Diable
boiteux une certaine lenteur et un goût prononcé pour les digressions, il
n’en reste pas moins une œuvre magistrale, portée par un Sacha Guitry au sommet
de son art. La mise en scène, à la fois ample et rigoureuse, sert admirablement
le propos : montrer comment un homme peut devenir le fil rouge d’une époque, en
jouant un rôle déterminant à chaque grande bifurcation de l’Histoire.
Le Diable boiteux
est plus qu’un simple biopic : c’est une réflexion sur le pouvoir, la
manipulation et le rôle de l’intelligence dans la grande comédie humaine. Sacha
Guitry, en jouant Talleyrand, joue aussi Sacha Guitry, l’éternel metteur en
scène de sa propre vie. Un film à la fois érudit et savoureux, à découvrir pour
le plaisir des dialogues ciselés et des intrigues finement déroulées.
NOTE : 13.50
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Sacha Guitry
- Scénario, adaptation et dialogues : Sacha Guitry, d'après sa pièce Talleyrand
- Photographie : Nicolas Toporkoff
- Cadreur : Marcel Franchi
- Décors : René Renoux
- Son : Jean Rieul
- Musique : Louis Beydts
- Montage : Jeannette Berton
- Assistant-réalisateur : François Gir, Jeanne Etiévant
- Directeur de production : Jean Mugeli
- Société de production : Union cinématographique lyonnaise (UCIL)
- Sacha Guitry : Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord
- Lana Marconi : Catherine Grand, princesse de Talleyrand-Périgord
- Jeanne Fusier-Gir : Marie-Thérèse Champignon, la conspiratrice
- Pauline Carton : la chiromancienne
- Renée Devillers : la duchesse de Dino
- Catherine Fonteney : la princesse de Chalais
- Maurice Schutz : Voltaire
- Émile Drain : Napoléon Ier et un laquais
- Henry-Laverne : Louis XVIII et un laquais
- Maurice Teynac : Charles X et un laquais
- Philippe Richard : Louis-Philippe Ier et un laquais
- Georges Grey : le général Caulaincourt
- José Noguero : le duc de San Carlos
- Howard Vernon : Lord Palmerston
- Bernard Dhéran : Almaviva (du Barbier de Séville)
- Jean Piat : Figaro (du Barbier de Séville)
- André Brunot : Bartholo (du Barbier de Séville)
- Denis d'Inès : Don Basile (du Barbier de Séville)
- José Torres : Don Juan d'Azcona
- Georges Spanelly : le comte de Montrond
- Robert Dartois : le comte de Rémusat
- Maurice Escande : le prince de Metternich
- Pierre Bertin : le baron de Nesselrode
- Jean Debucourt : le baron de Humboldt
- Roger Gaillard : Lord Castelreagh
- André Randall : Lord Grey
- Jacques Varennes : le général de La Fayette
- Pierre Lecoq : le comte de Roederer
- Robert Seller : le prince de Polignac
- Robert Favart : l'abbé Dupanloup
- Yvonne Hébert : la dame de compagnie
- Sophie Mallet : la servante
- Jane Daury : une Espagnole
- Françoise Engel : Rosine
- Anne Campion : Pauline de Dino
- Léon Walther : le docteur Cruveilhier
- Georges Rivière : le marquis de La Tour de Bournac
- Michel Lemoine : le prince des Asturies (futur Ferdinand VII)
- Michel Nastorg : un laquais
- Jean-Claude Briet : un laquais
- Max Dejean : un policier
- Robert Hossein : un invité en blanc
- Renée Bouzy
- Georges Bréhat
- Daniel Ceccaldi
- Dominique Davray
- Philippe Derevel
- Simone Logeart
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