Vu le film Maria de Jessica Palud (2024) avec Anamaria Vartolomei Matt Dillon Céleste Brunnquell Giuseppe Maggio Yvan Attal Charlotte Jiminez Schaff Léo Jiminez Schaff Jonathan Couzinié Marie Gillain Judith Henry Stanislas Merhar Hugo Becker
En une dizaine de séquences, Maria passe
en revue quelques-unes des étapes principales de la vie de Maria Schneider de la fin des années 1960 au
début des années 1980.
À quinze ans, elle est chassée de son domicile par sa
mère, Marie-Christine Schneider, après qu'elle a pris contact avec son père
biologique, Daniel Gélin,
qui lui fait découvrir le monde du cinéma. À dix-neuf ans, elle est approchée,
en 1969, par Bernardo
Bertolucci, qui lui propose le rôle de Jeanne dans son prochain
film, Le Dernier Tango à Paris. La jeune femme
rencontre alors Marlon Brando,
plus âgé qu'elle, et qui est déjà une star.
Le tournage est dur et intense. Au départ, les scènes de nu ne semblent pas
gêner Maria, jusqu'au moment où Bertolucci et Brando la piègent dans la « scène du beurre »
qui va durablement l'affecter. Le film est un succès, notamment par le scandale
qu'il déclenche dès sa sortie en 1972. Maria est confrontée à la célébrité et
au scandale suscités par le film ainsi qu'à l'opprobre de personnes anonymes.
Elle commence à n'être sollicitée que pour des films où elle devrait tourner
nue, ce qu'elle refuse. Dans cette fin des années 1970,
elle tombe dans l'addiction à
la drogue (héroïne)
et à l'alcool. Elle échoue à tourner avec Buñuel et
fait des séjours à l'hôpital. Noor, une jeune étudiante qui la sollicite pour
un mémoire universitaire, devient sa compagne mais leur relation est de plus en
plus altérée par les addictions de Maria, même si elle suit des traitements
de désintoxication.
Maria retrouvera une certaine sérénité en même temps qu'une reconnaissance
critique lors de sa collaboration avec Rivette en
1981-1982.
Le film Maria de Jessica Palud s’inscrit dans
une lignée de films qui abordent la relation complexe entre le cinéma et ses
acteurs, mettant en lumière la vulnérabilité des interprètes, en particulier
des femmes, dans un milieu encore très marqué par les dynamiques de pouvoir. Ma
réticence initiale est compréhensible, surtout face à un sujet aussi délicat,
mais Palud parvient effectivement à éviter l'écueil du voyeurisme. Son approche
sensible et nuancée permet de montrer cette « situation trash » sous un autre
angle, plus intime et moins sensationnaliste.
Le regard féminin de la réalisatrice semble apporter
une couche de réflexion bienvenue à l'heure du mouvement #MeToo, où la critique
des abus de pouvoir dans le milieu du cinéma est plus que jamais d’actualité.
En ce sens, Maria s’impose comme une œuvre qui, tout en évoquant les
dérives et les tragédies personnelles, met l’accent sur la résilience et la
quête de réappropriation de soi des actrices. Anamaria Vartolomei incarne
magnifiquement cette actrice piégée dans son propre rôle, cherchant à se
détacher d'une image publique imposée par des hommes comme Bernardo Bertolucci
(joué ici par Giuseppe Maggio) et Marlon Brando (campé par l’excellent Matt
Dillon). La comparaison entre les personnages masculins et des prédateurs en
quête de succès à tout prix est frappante, soulignant une triste réalité du
milieu artistique : le corps de l'actrice est souvent instrumentalisé.
Cependant, le choix de casting pour Yvan Attal dans
le rôle de Daniel Gélin peut, en effet, susciter des interrogations. Il semble
ne pas réussir à apporter la subtilité nécessaire à ce rôle de père, rendant
certaines interactions peu crédibles, et cela nuit à l'équilibre du film. Ce
bémol est néanmoins compensé par la prestation remarquable de Vartolomei, qui
parvient à véhiculer tout le poids émotionnel de son personnage, pris dans un
engrenage médiatique et professionnel destructeur.
Maria est un film intense, parfois
dérangeant, mais surtout profondément humain. Il interroge avec justesse la
manière dont le cinéma peut, d'un outil d’expression, se transformer en lieu de
domination et de manipulation, tout en soulignant la difficulté pour les
acteurs et actrices de reprendre le contrôle de leur propre histoire.
J’ai assisté à la préparation d’une scène sous le
Pont de Grenelle
NOTE : 13.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Jessica Palud
- Scénario : Jessica Palud et Laurette Polmanss, d'après le récit Tu t'appelais Maria Schneider de Vanessa Schneider
- Musique : Benjamin Biolay
- Décors : Valérie Valéro
- Costumes : Alexia Crisp-Jones
- Photographie : Sébastien Buchmann
- Son : Jean-Marie Blondel
- Montage : Thomas Marchand
- Production : Marielle Duigou
- Coproduction : Alex Lo, Christie Molia et Kristina Zimmermann
- Sociétés de production : Les Films de Mina, en coproduction avec Cinema Inutile, Moteur S'il Vous Plaît et Studiocanal
- Sociétés de distribution : Haut et Court (France) ; Distri7 (Belgique), Frenetic Films (Suisse romande), Immina Films (Québec)
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