Vu le film Pigalle de Karim Dridi (1992) avec Francis Renaud Véra Briole Bianca Li Bobby Pacha Raymond Gil Younesse Boudache Patrick Chauvet Philippe Ambrosini Jean Claude Grenier Jack Bapps Jean Michel Fête Philippe Nahon Jean Jacques Jauffret
A Pigalle, on peut y voir Véra, montrant son corps
dans un peep show et partageant la vie d'un trafiquant, Jésus. Fifi est quant à
lui un pickpocket torturé aux désirs confus. Ce dernier est amoureux de Divine,
un travesti au grand cœur qui est victime des rivalité propre à ce milieu
particulier et qui se fait tuer en pleine rue. Pigalle se transforme alors en
théâtre de la vengeance et de toutes sortes de passions exacerbées.
Pigalle
de Karim Dridi, sorti en 1994, est un film rare et brut qui capture avec
authenticité et intensité l'essence d'un quartier mythique de Paris à une
époque révolue. Il s'inscrit, comme Neige de Juliet Berto et Jean-Henri
Roger, dans cette veine du cinéma français qui documente la vie des marginaux
avec une poésie sombre et une vérité troublante.
Dridi parvient à plonger le spectateur dans l’univers
interlope de Pigalle des années 80-90, où se croisent prostituées, petits
truands, dealers, travestis, et autres âmes perdues. Il dépeint un microcosme
vivant, vibrant, mais aussi profondément désespéré. L’atmosphère de Pigalle y
est retranscrite avec une rare justesse : sex-shops à néons clignotants,
cabarets usés où les femmes se dénudent devant des voyeurs apathiques, et
ruelles où rôdent les petites frappes et les désillusions.
Vera (interprété par Véra Briole), figure fragile et
lumineuse, et Fifi (Francis Renaud), un homme tourmenté, incarnent cette
humanité à la dérive. Leur quête d’amour et de survie dans cet univers hostile
donne une dimension tragique à leurs trajectoires. La relation ambivalente
entre Fifi et Vera, teintée de passion et de violence, reflète la complexité
des liens humains dans un contexte où la dureté de la rue se mêle à une quête
presque naïve de tendresse.
Mais aussi ce gamin (Boudache) qui abandonné à son sort
est comme un poisson dans l'eau dans ce Pigalle extraverti
Dridi montre aussi sans fard les réalités plus
sombres : la drogue, les abus, et le regard oppressant des "vieux
pervers" qui lorgnent sur la jeunesse, notamment le personnage de Fifi. Le
contraste entre la vie nocturne tapageuse et les moments diurnes, où les mêmes
personnages se dévoilent vulnérables et marqués par leur quotidien, est
frappant et poignant.
Le film ne juge pas ses personnages, mais les montre
avec une empathie rare, rendant leur humanité palpable malgré leurs failles et
leurs choix. Les dialogues sont crus, mais jamais gratuits, et servent à ancrer
l’histoire dans un réalisme puissant.
Visuellement, Pigalle frappe par ses jeux
d’ombres et de lumières : les néons colorés, les recoins sombres, et les
ruelles poisseuses deviennent le théâtre d’une fresque humaine où la beauté se
niche parfois dans l'ordure. Dridi capture ce Pigalle-là avec une caméra
quasi-documentaire, rendant hommage à un monde en voie de disparition à
l’époque du tournage.
Moi qui ai connu pendant 15 ans ce Pigalle dans sa période d’effervescence
nocturne et interlope, le film résonne comme un miroir fidèle et douloureux.
Dridi a su capturer un fragment de vie et une époque où les âmes perdues
trouvaient refuge dans le chaos. Entre brutalité et poésie, Pigalle
reste une œuvre marquante, symbole d’un cinéma qui sait regarder les marges
avec respect et talent.
Bien sûr Pigalle et cette vie de nuit et tantôt de
jour n’est pas la meilleure du monde , mais les personnages éclairent les
sombres turpitudes de Pigalle
Francis Renaud est parfait dans ce rôle de petite
frappe qui se cherche et est prêt à tout pour uniquement survivre et pas rêver
NOTE : 16.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Karim Dridi
- Scénario : Karim Dridi
- Photographie : John Mathieson
- Musique : Alain Bashung et Antidote
- Montage : Lise Beaulieu
- Véra Briole : Véra
- Francis Renaud : Fifi
- Blanca Li : Divine
- Philippe Ambrosini : Malfait
- Jean-Michel Fête : P'tit Fred
- Patrick Chauvel : Jésus le Gitan
- Jean-Claude Grenier : l'Empereur
- Jean-Jacques Jauffret : Marc-Antoine
- Philippe Nahon : Lezzi
Distinctions
- Prix Michel-Simon pour Véra Briole
- Prix spécial du jury au festival Kinotavr de Sotchi
- Nomination au César du meilleur premier film
- En compétition à la Mostra de Venise 1994
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