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jeudi 12 novembre 2015

CRITIQUE DE DOPE DE RICK FARMUYIWA par Critique Chonchon

Dope
Malcolm (Shameik Moore, aux charmes multiples), jeune geek fan de hip-hop des années 1990 vit à Inglewood, un "quartier chaud" de Los Angeles. Avec ses deux amis Diggy (Kiersey Clemons, ravissante) et Jibs (Tony Revolori, désopilant), ils jonglent entre musique, lycée et entretiens pour entrer à l'université.
Une invitation de Dom (Rakim Mayer, très beau) à une soirée underground va entrainer Malcolm dans une fâcheuse aventure, un trafic de drogue, qui pourrait bien le faire passer du statut de « geek » à celui de mec cool, un « dope ».
Il aura du mal à se dépêtrer de cette délicate situation, sinon en faisant appel à Will (Blake Anderson, hilarant), une sorte de super-geek toujours défoncé, en tentant par ailleurs de ravir le coeur de celle qu'il aime, Nakia (Zoe Kravitz), déjà convoitée par Dom.
Je vais d'abord rappeler ce que vous savez probablement déjà : ce film à petit budget (700.000 US$) n'a été réalisable que grâce aux interventions de Forest Whitaker (qui fait aussi office de producteur) et de Pharrel Williams (producteur délégué.
Le réalisateur Rick Farmuyiwa, d'origine nigériane, comme Malcom, n'est pas un novice. À 42 ans, on lui doit déjà "The Wood" (2001), "Brown Sugar" (2003) et "La Guerre des Pères" (2010), précisément avec... Forest Whitaker.
J'ai toujours prêté une attention particulière aux films sur l'adolescence et la jeunesse, comédies comme drames, parce qu'il décrivent mieux la société que ne le font les films, nombreux, sur les affres de la bourgeoisie, ou sur les séniors, qui commencent à inonder littéralement les écrans, en ce moment au rythme d'un par semaine ou presque. Je ne vais pas vous refaire l'historique de ces films, vous les connaissez j'espère, ils sont majeurs, "La fureur de vivre", "American Graffiti", "The Breakfast Club", "La folle journée de Ferris Bueller", "My own private Idaho", "Eléphant", "Les Seigneurs de Dogtown", etc... Même mineurs, les films sur la jeunesse portent parfois un regard acéré sur nos sociétés.
Rick Farmuyima a la bonne idée de démonter quelques clichés, et il le fait avec esprit. Malcom, si geek qu'il soit, n'a rien du boutonneux habituel ; Diggy est une ravissante lesbienne, et Jib (qui en 2 films seulement, "The Grand Budapest Hotel" de Wes Anderson puis "Umrika" de Prashant Nair, a démontré son incroyable présence face à la caméra) alterne entre drôlerie, malice, fraternité et tendresse. Casting aux petits oignons. Zoe Kravitz a largement dépassé l'âge de son rôle, et ça se voit, mais ce n'est pas bien grave, le film n'en pâtit pas.
La bande originale, dirigé par Pharrel Williams, elle aussi, et que l'on apprécie ou pas le rap des années 1990, est remarquable. Il faut noter que Shameik Moore, qui incarne Malcolm, puisqu'il a pu chanter quelques titres, s'en sort aussi bien comme acteur que comme chanteur.
"Dope" a cheminé de Sundance à Cannes (la "Quinzaine des Réalisateurs" présente toujours des films venus de Sundance), puis évidemment de Cannes à Deauville, ce qui n'est guère étonnant, puisqu'il se permet, à partir du parcours personnel du réalisateur, de bousculer les clichés du genre et de la représentation des noirs à l'écran, ce qui, dans une comédie teen-movie (même si "Dope" est bien plus que cela) est très rare.
Les hommages à John Hugues et à Spike Lee sont judicieux et bienvenus. Faire passer les Afro-Étasuniens de caïds à geeks est très astucieux.
D'évidence, les intentions du films sont supérieures au résultat cinématographique. Mais je pense sincèrement qu'il ne faut pas être bégueule, apprécier à leur juste valeur les audaces de Rick Farmuyiwa, reconnaître la qualité de l'interprétation, et savourer ces dialogues truffés de répliques qui font mouche.
Bien sûr, ce n'est pas l'admirable "Fruitvale station" de Ryan Coogler (2013), mais "Dope" prouve qu'une comédie, même autobiographique, peut tout à fait, avec pertinence, porter un regard analytique sur les "bas-fonds" de Los Angeles.
Ne boudez pas votre plaisir.

Critique de Dope de Rick Farmuyiwa par Critique Chonchon

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