Vu le Film Beaumarchais l’Insolent de Edouard Molinaro (1996) avec Fabrice Luchini Manuel Blanc Michel Piccoli Sandrine Kiberlain Michel Aumont Jean François Balmer Jean Claude Brialy José Garcia Patrick Bouchitey Judith Godreche Alain Chabat
1773 : le xviiie siècle peaufine son dernier acte. Louis XV s'apprête à quitter la scène, et en coulisses, déjà, Louis XVI se prépare. C'est le temps des grandes idées, et des mauvais sujets. Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, fils d'horloger, horloger lui-même, trouvait avec Voltaire que les pendules de son temps retardaient dangereusement. Il allait s'employer à les remettre à l'heure.
Il y a des associations qui interrogent, et même qui inquiètent.
Édouard Molinaro, réalisateur de La Cage aux Folles, Hibernatus ou L’Emmerdeur, s’attaquant à Beaumarchais et au Siècle des Lumières : sur le papier, le mariage paraît déjà fragile. À l’écran, le doute se confirme.
Pourtant, le matériau est en or.
Beaumarchais, fils d’horloger, horloger lui-même comme son futur roi Louis XVI, homme d’affaires, écrivain, pamphlétaire, espion, intrigant, esprit libre et langue assassine. Un personnage romanesque par excellence, virevoltant autant dans les salons que dans les coulisses du pouvoir, maniant la répartie comme une arme de destruction sociale.
Molinaro a même un texte de Sacha Guitry à adapter : autrement dit, de la dynamite dialoguée prête à exploser. Mais voilà, cette dynamite reste souvent humide. Le film est brouillon, chargé, trop plein d’événements, trop pressé de tout dire, et finit par ne rien creuser vraiment.
La mise en scène est propre, élégante, presque trop.
Tout est à sa place, rien ne dépasse. Comme ces maisons parfaitement rangées où l’on n’ose pas poser le pied de peur de déranger. Il manque l’étincelle, le grain de folie, l’insolence promise par le titre.
Le principal problème reste Fabrice Luchini.
Ou plutôt : Luchini jouant Luchini.
On ne regarde pas un film sur Beaumarchais, on assiste à un récital de verbiage luchinien. Quand il n’y a rien à dire, ça passe. Quand il faut incarner un monument historique, ça ne passe plus. Le personnage disparaît sous la logorrhée, l’acteur prend toute la place et laisse peu d’espace à l’homme.
Heureusement, Manuel Blanc apporte une vraie respiration.
Sexy, habité, précis, son Paul-Philippe Gudin de La Brenellerie — futur historien de Beaumarchais — apporte chair, regard et distance. Il observe là où Luchini déclame. Il incarne là où le film s’agite.
Le scénario saute trop vite d’un talent à l’autre, d’une intrigue à une autre, d’un événement historique au suivant, au point de perdre le spectateur. On suit sagement, mais sans jamais participer. Pire, le film commet une erreur grossière en faisant de Beaumarchais l’initiateur de la Révolution française, raccourci spectaculaire mais historiquement discutable.
Reste un beau film, indéniablement.
Costumes soignés, distribution solide, ambitions visibles. Mais un film trop sage pour un homme aussi insolent. Beaumarchais méritait plus de mordant, plus de danger, plus de désordre. Ici, tout est en ordre… et c’est bien le problème.
Un film foisonnant, élégant, parfois passionnant, souvent frustrant.
On admire, on écoute, mais on reste à la porte.
Comme si Beaumarchais lui-même n’avait jamais été invité à entrer.
NOTE : 7.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Édouard Molinaro, assisté de Vincent Trintignant et Robert Kechichian
- Scénario : Jean-Claude Brisville et Édouard Molinaro d'après la pièce inédite de Sacha Guitry, Beaumarchais (1950)[1]
- Musique : Jean-Claude Petit
- Décors : Jean-Marc Kerdelhue
- Costumes : Sylvie de Segonzac
- Photographie : Michael Epp
- Montage : Véronique Parnet
- Combats et cascades : Claude Carliez (coordination)
- Production : Charles Gassot
- Sociétés de production : France 2 Cinéma, France 3 Cinéma et Téléma Productions
- avec la participation de Studiocanal, Procirep, Sofiarp 2 et Sofica Investimage 4
- Société de distribution : Bac Films (France)
- Budget :16 millions de francs
- Fabrice Luchini : Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
- Sandrine Kiberlain : Marie-Thérèse Willer-Mawlaz
- Manuel Blanc : Paul-Philippe Gudin de La Brenellerie
- Michel Aumont : le baron de Breteuil
- Jean-François Balmer : Antoine de Sartine
- Jean-Claude Brialy : l'abbé
- Patrick Bouchitey : Monsieur Lejay
- Évelyne Bouix : Élisabeth Vigée Le Brun
- Isabelle Carré : l'actrice qui joue Rosine
- José Garcia : l'acteur qui joue Figaro
- Alain Chabat : un courtisan à Versailles
- Pierre Gérard : le comte de Provence, futur Louis XVIII
- Judith Godrèche : Marie-Antoinette
- Murray Head : William Nassau de Zuylestein
- Axelle Laffont : Mariette Lejay
- Jean Yanne : Louis Goëzman, le procureur au procès contre Beaumarchais
- Martin Lamotte : le comte de La Blache
- Guy Marchand : un homme à la sortie du procès du comte de La Blache contre Beaumarchais
- François Morel : le paysan plaignant
- Bruno Lochet : le geôlier français
- Claire Nebout : le chevalier d'Éon
- Michel Piccoli : le prince de Conti
- Michel Serrault : Louis XV
- Florence Thomassin : Marion Ménard
- Jacques Weber : le duc de Chaulnes
- Dominique Besnehard : Louis XVI
- Maka Kotto : Cézaire, le domestique noir de Beaumarchais
- Jeff Nuttall (VF : Roger Carel) : Benjamin Franklin,
- Jay Benedict : l'homme en gris
- Dominic Gould : Arthur Lee
- Niels Dubost : l'acteur qui joue le comte Almaviva
- Marc Dudicourt : l'acteur qui joue Bartholo
- Cecile Van Den Abeele : Suzanne
- Étienne Draber : Brid'oison
- David Gabison : Doublemain
- Marie Delerm : Marceline
- Séverine Ferrer : Lison-Chérubin
- Patrice Laffont : l'officier des douanes
- Jean-Marie Besset : Desfontaines
- Pascal Thomas : le critique théâtral
- Sandrine Le Berre : la jeune fille de Conti
- Roland Blanche : Charles Théveneau de Morande (non crédité)
- Roger Brierley : l'imprimeur
- Maurice Illouz : le concierge du théâtre
- Marc Habib : le chambellan
- André Oumansky : le président du parlement
- Robert Sandrey
- Léon Clémence : le commandant
- Pierre Arditi : narration (non crédité)

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