Pages

dimanche 21 décembre 2025

16.50 - MON AVIS SUR LE FILM MAX ET LES FERAILLEURS DE CLAUDE SAUTET (1971)


 Vu le Film Max et les Ferailleurs de Claude Sautet (1971) avec Michel Piccoli Romy Schneider Bernard Fresson François Périer Philippe Léotard Georges Wilson Michel Creton  

Avec Max et les Ferrailleurs, Claude Sautet signe un polar français d’une noirceur exemplaire, adapté du roman de Claude Néron, mais surtout un drame humain sur l’obsession, l’orgueil et la solitude. Max (Michel Piccoli), ancien juge d’instruction devenu inspecteur, n’a plus qu’une idée en tête : arrêter des malfaiteurs. Rien d’anormal, me direz-vous, c’est son métier. Sauf que chez lui, cette mission tourne à l’obsession maladive. 

Depuis quelque temps, une bande de rigolos le nargue en multipliant les braquages de banque. L’honneur de Max est atteint, et chez cet homme taiseux, l’honneur est une affaire personnelle. Avec l’aide de l’inspecteur Rozinsky (François Périer, parfait d’ambiguïté), il cherche à laver ce qu’il considère comme un affront. 

Le hasard — le plus complet — le remet sur la route d’Abel Marasco (Bernard Fresson), une ancienne connaissance, ferrailleur de basse zone qui, avec sa bande, pille les chantiers de la région parisienne. Max a alors une idée aussi brillante que glaçante : pousser ces branques, peu habitués aux gros coups, à commettre LE braquage qui lui permettra un flagrant délit. Peu importe les hommes, seul compte son honneur. 

Dans cette affaire glauque, Max rencontre Lili (Romy Schneider), la compagne d’Abel. Elle se prostitue, et Max devient son client — sans jamais la toucher. Superbe idée de mise en scène et d’écriture : tout passe par les silences, les regards, l’attente. C’est à travers Lili que Max va manipuler le groupe, les amener lentement mais sûrement vers le casse. Mais Rozinsky veut enfermer Lili, et Max, qui s’est finalement épris d’elle, voit son ego humilié. À partir de là, il disjoncte. 

Le film s’ouvre sur un générique qui installe immédiatement l’atmosphère, suivi d’un braquage raté : tout est dit. On entre ensuite dans le quotidien du commissariat autour de Piccoli, avec son adjoint (formidable Philippe Léotard) et son chef (le génial Georges Wilson). La musique de Philippe Sarde est utilisée avec une intelligence rare : présente quand il faut, absente quand il faut. Les silences — surtout entre Max et Lili — prennent alors une puissance dramatique immense. Max est un taiseux, et le film respecte cela jusqu’au bout. 

J’adore aussi le groupe des ferrailleurs, véritables gueules de cinéma : Bernard Fresson, Michel Creton, mais aussi Henri-Jacques Huet, Boby Lapointe, Jacques Canselier, Robert Favard, et même une apparition furtive de Daniel Cauchy. Tous sont comme des poissons dans l’eau. Du cinéma français à l’état pur. 

La photographie en noir et blanc de René Mathelin accentue encore la dimension sombre et désespérée du récit. Ce n’est pas la descente aux enfers des ferrailleurs que filme Sautet, mais celle de Max : un homme seul, mal aimé — ou pas aimé du tout — croyant trouver une échappatoire dans le cœur de Lili, avant d’être broyé par sa propre obsession. 

Polar de près de deux heures sans aucun temps mort, Max et les Ferrailleurs est d’une logique implacable. Tout s’enchaîne avec une précision chirurgicale. Sautet, pourtant peu habitué au polar, y injecte son génie habituel pour les relations humaines et les couples dysfonctionnels. Il manque juste le traditionnel grand repas sautesien : ici, on se contente de saucisson, de sandwichs et de mauvais pinard sur un chantier. 

Paris et sa banlieue sont filmés comme un territoire moral autant que géographique. Peu de décors, peu de lieux, mais une efficacité redoutable. Le braquage final, tourné à Lille, est un modèle de montée dramatique. 

Romy Schneider est une princesse de la nuit, Belle de jour tombée dans la misère, magnifiée par les costumes d’Yves Saint Laurent, notamment ce ciré noir et cette robe rouge, contrastant violemment avec la dureté de sa vie. 

Michel Piccoli livre ici l’un de ses plus grands rôles. Pour moi, il arrive juste en deuxième position de toute sa filmographie. Un personnage froid, sans violence apparente, mais rongé par une obsession mortelle. 

Max et les Ferrailleurs est un chef-d’œuvre du film noir français. Une machine parfaitement huilée où aucun grain de riz ne vient enrayer le plaisir. Les dernières minutes, à partir du braquage, atteignent une perfection dramaturgique rare, un crescendo implacable menant à l’inéluctable.

NOTE : 16.50

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire