Vu Compartiment-Tueurs de Costa Gavras (1965) avec Yves Montand Simone Signoret Catherine Allegret Jacques Perrin Jean Louis Trintignant Charles Denner Bernadette Lafont Georges Gérer Marcel Bozuffi Pierre Mondy Claude Mann Michel Piccoli Pascale Roberts André Valmy Daniel Gélin
Une passagère d'une voiture-couchettes d’un train Marseille-Paris est retrouvée étranglée. Par la suite, plusieurs des autres occupants du compartiment où elle se trouvait sont assassinés, alors que la police tente de recueillir le témoignage de chacun. À la police judiciaire, l'inspecteur Grazziani (Yves Montand) et son assistant Jean-Lou Gabert sont sommés de mettre fin rapidement à cette vague de crimes. Détail étrange : le tueur est plus rapide que la police pour retrouver ses potentielles victimes, les cinq occupants survivants du compartiment
Compartiment tueurs (1965) n’est pas seulement un grand polar français des années 60 : c’est déjà un manifeste miniature du cinéma de Costa-Gavras, avant l’explosion politique de Z ou L’Aveu. Ici, le poison est plus feutré, mais il agit avec la même efficacité : lente diffusion, effets durables.
Tout commence dans un compartiment de train, lieu banal par excellence, transformé en chambre mortuaire. Une femme est retrouvée assassinée. Pas de ruelles sombres ni de truands pittoresques : le crime surgit au cœur de la normalité. Costa-Gavras plante son décor comme un entomologiste : un espace clos, des individus ordinaires, et l’observation patiente de leurs tics, silences et faux-semblants.
L’enquête est confiée à Yves Montand et Pierre Mondy. Montand, génialement enrhumé — détail trivial mais fondamental — avance à contre-rythme du film policier classique. Il tousse, il doute, il observe. Ce n’est pas un flic flamboyant, mais un homme qui regarde trop longtemps les gens pour être dupe. Mondy, plus administratif, apporte le contrepoint rationnel, presque bureaucratique, à cette plongée dans l’irrationnel.
Le scénario s’amuse avec une idée brillante : des noms ambigus, prénoms et patronymes interchangeables, qui brouillent l’identité même des suspects. Comme si le langage devenait complice du crime. L’enquête se transforme alors en labyrinthe mental, où chaque piste semble logique… jusqu’à ce qu’elle s’effondre.
Et quel casting ! Simone Signoret impose une présence dense, presque inquiétante par sa retenue. Michel Piccoli, déjà expert en ambiguïté morale, distille un malaise feutré. Jean-Louis Trintignant, Charles Denner : deux manières opposées de faire surgir la nervosité, l’une intériorisée, l’autre à fleur de peau. Jacques Perrin apporte une jeunesse trompeusement lisse, tandis que Catherine Allégret introduit une fragilité moderne, presque documentaire.
Costa-Gavras filme les corps comme des indices. Un regard trop insistant, une curiosité malsaine, une perversité à peine voilée : chaque passager porte un masque, et le film s’acharne à le fissurer. Le train devient un microcosme social, un condensé de pulsions, de frustrations et de violences rentrées. Pas besoin de discours : la société se trahit d’elle-même.
La mise en scène est d’une précision chirurgicale. Pas d’esbroufe, pas d’effets gratuits : le suspense naît du montage, du rythme, de la circulation de l’information. Costa-Gavras sait déjà que la tension n’est pas dans l’action, mais dans ce que l’on tait.
Et puis cette fin, admirablement ironique. Quand toutes les solutions ont été écartées, c’est la plus improbable qui s’impose. Pourquoi chercher loin ce qui est proche ? La vérité était là, sous les yeux, enfermée avec les personnages. Le crime n’était pas extérieur au groupe : il en était le produit logique.
Compartiment tueurs est un polar haletant, mais aussi une radiographie sociale. Un film où le mystère sert à révéler l’humain, pas à le masquer. Costa-Gavras signe un coup d’essai d’une maîtrise insolente : 90 minutes tendues, intelligentes, portées par des acteurs au sommet, et traversées par cette idée simple et redoutable : le danger n’est jamais ailleurs. Il voyage avec nous, en première classe, dans le compartiment d’à côté.
NOTE 15.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Costa-Gavras
- Scénario et adaptation : Costa-Gavras, d'après le roman éponyme de Sébastien Japrisot
- Dialogues : Sébastien Japrisot
- Production : Julien Derode
- Assistant réalisateur : Bernard Paul, Jean-Pierre Périer
- Superviseur : Annie Maurel
- Photographie : Jean Tournier
- Son : Jean Nény, Joseph de Bretagne et Jacques Carrère
- Musique : Michel Magne, publiée aux éditions Hortensia et P.E.C.F
- Montage : Christian Gaudin
- Décors : Rino Mondellini
- Format : 35 mm - noir et blanc - Mono (Westrex Recording System) - 2.35 : 1 - Franscope
- Date de production : 1965
- Directeurs de production : Jean-Paul Delamotte et Serge Lebeau
- Société de production : PECF
- Société de distribution : 20th Century Fox (France)
- Tirage dans les laboratoires Franay de Saint-Cloud
- Auditorium : S.I.M.O - Système Westrex
- Effets optiques : LAX
- Yves Montand : l'inspecteur Graziani, dit « Grazzi »
- Pierre Mondy : le commissaire Tarquin
- Jacques Perrin : Daniel, le jeune voyageur
- Catherine Allégret : Benjamine Bombat, dite « Bambi »
- Pascale Roberts : Georgette Thomas, la première victime
- Michel Piccoli : René Cabourg, représentant
- Paul Pavel : Rivolani, un passager du compartiment
- Simone Signoret : Éliane Darrès, comédienne
- Jean-Louis Trintignant : Éric Grandin, un amant d’Éliane
- Claude Mann : l’inspecteur Jean-Lou Gabert
- Jacques Dynam : l’inspecteur Malec
- André Valmy : un inspecteur
- Philippe Rouleau : l’inspecteur Antoine
- Maurice Chevit : l’inspecteur Moutard
- Charles Denner : Bob Vaski, l’amant de Georgette
- Bernadette Lafont : la sœur de Georgette
- Christian Marin : le beau-frère de Georgette
- Jenny Orléans : la sœur de René Cabourg
- Serge Rousseau : le contrôleur du train
- Nadine Alari : Mme Graziani
- Monique Chaumette : Mme Rivolani
- Tanya Lopert : Mme Garaudy
- Claude Dauphin : le frère d’Éliane
- Daniel Gélin : le vétérinaire
- Charles Millot : le médecin légiste
- Albert Michel : le patron du café
- José Artur : le journaliste
- William Sabatier : le commissaire Tuffi
- Josée Steiner : l’employée de l'hôtel Arizona
- André Weber : l’ivrogne à la PJ
- Jacqueline Staup : la cheffe de Bambi
- Dominique Zardi : un inspecteur au café
- Maurice Auzel : un inspecteur au café
- Marcel Bozzuffi : un agent de police
- Georges Geret : un agent de police
- Dominique Bernard : un employé de la SNCF
- Lionel Vitrant : un inspecteur
- Nicole Desailly : la concierge d’Éliane
- Jean Droze : un homme à la PJ
- Claude Berri : un porteur à la gare
- Françoise Arnoul : une infirmière à l'école vétérinaire
- Serge Marquand : un amant de Georgette
- Denise Péron : une pocharde
- Lucien Desagneaux : l’homme qui embrasse une femme à la brasserie
- Clément Harari : un travesti qui attend à la cabine téléphonique
- Charles Gérard : un travesti près du kiosque à journaux
- Bernard Paul : le conducteur qui chante fort
- Edmond Ardisson : le policier marseillais (voix)
- Jean Lefebvre
- Francis Terzian

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