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dimanche 21 décembre 2025

12.10 - MON AVIS SUR LE FILM UNE ETRANGE AFFAIRE DE PIERRE GRANIER DEFERRE (1981)


 Vu le Film Une Etrange Affaire de Pierre Granier Deferre (1981) avec Michel Piccoli Nathalie Baye Gérard Lanvin Jean Pierre Kalfon Jean François Balmer Pierre Michael Madeline Cheminat Victor Garrivier 

Louis Coline (Gérard Lanvin), marié avec Nina (Nathalie Baye), est employé dans le service publicité d'un grand magasin parisien. Un matin, on annonce un plan social et le rachat du groupe par Bertrand Malair (Michel Piccoli), un homme d'affaires important et respecté. Ce dernier arrive de façon très discrète et se montre relativement mystérieux et laconique. Il entre en contact avec Louis, qu'il décide de garder et même de gratifier d'une promotion de chef de la publicité du magasin. De plus en plus invasif, Bertrand s'impose dans la vie privée de Louis. Nina, sa femme, qui sent à quel point Bertrand a pris une place importante dans la vie de son mari, a l'impression de devenir un personnage secondaire aux yeux de celui-ci et finit par le quitter. Louis, qui n'a pas connu son père, est complètement fasciné par l'image paternelle que représente Bertrand à ses yeux. Aussi, le jour où Bertrand repart à l'étranger s'occuper d'autres affaires, Louis se sent littéralement abandonné et ne peut pas s'empêcher d'attendre son retour. 

Il était une fois le harcèlement moral… avant que le mot n’existe. Avant les cellules RH, les chartes bienveillantes et les affiches “parlons-en”. Dans les années 70-80, on ne parlait pas de harcèlement : on se laissait manipuler, user, presser jusqu’à l’épuisement. Et quand on partait, ce n’était jamais le patron. 

C’est exactement ce qui arrive à Louis Colline (Gérard Lanvin), employé modèle dans un grand magasin, marié à la belle et lucide Nina (Nathalie Baye). Un homme sans éclat particulier, mais travailleur, sérieux, et donc parfait pour devenir une proie. L’arrivée du nouveau directeur, Bertrand Malair (Michel Piccoli), va bouleverser sa vie. Fasciné, flatté, aspiré, Louis tombe dans les filets. 

Malair est un prédateur social. Un chasseur en costume-cravate. Il repère les failles, stimule l’ego, promet une ascension, puis presse. Jusqu’à la dernière goutte. Louis devient son jouet, son pion, son citron. Plus il donne, plus on lui demande. Plus il s’épuise, plus Malair jubile. Quant à Nina, elle voit son mari s’éloigner, se transformer, disparaître lentement derrière le masque de la réussite professionnelle. 

Et quand la proie n’est plus rentable ? Malair la lâche. En plein vol. Cynisme absolu. Aucun remords. Le système fonctionne ainsi : on ne vire pas, on épuise. On ne détruit pas frontalement, on laisse s’autodétruire. Film social glaçant, d’une justesse terrible, que j’ai d’autant plus ressenti pour avoir connu cet univers — un peu, quatre ans — mais il existe partout. Aujourd’hui encore plus qu’hier. On n’est même plus des numéros : on est triés. Poubelle jaune ou poubelle verte. 

Granier-Deferre filme cela sans cris, sans discours. Tout est dans les regards, les silences, les réunions feutrées, les bureaux impersonnels. La mise en scène est clinique. Le scénario avance comme un mécanisme implacable. L’obsession de la réussite professionnelle écrase toute possibilité d’épanouissement personnel. Louis croit monter, il descend. Il croit exister, il disparaît. 

Gérard Lanvin est remarquable, fragile, crédible, jamais héroïque. Nathalie Baye, magnifique, incarne la femme qui comprend avant tout le monde, mais impuissante face à la machine. Et Michel Piccoli… magistral. Exceptionnel. Terrifiant de calme. Il trouve ici l’un de ses plus grands rôles, peut-être le plus grand : un monstre sans colère, sans violence apparente, mais d’un cynisme ahurissant. Le mal en costume bien coupé. 

Une étrange affaire n’est pas seulement un film social, c’est une autopsie. Celle d’un système, d’une époque… et d’une mécanique toujours en place. Un film dur, lucide, sans consolation, qui laisse un goût amer : celui du citron pressé jusqu’à l’écorce. 

Du grand cinéma. Cruel. Juste. Inconfortable.

NOTE : 12.10

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