Vu le film Juré N°2 de Clint Eastwood (2024) avec Nicholas Hoult Toni Colette Zoey Deutch Gabriel Basso Kiefer Sutherland Francesca-Fisher Eastwood Leslie Bibb Chris Messina Amy Aquino J.K Simmons Cedric Yarbough
Justin Kemp, jeune homme marié à une femme qui subit une grossesse
difficile, est appelé comme juré dans une affaire d'homicide. Lors du voir-dire, Justin demande à être excusé
en raison de la situation de sa femme, mais la juge Hollub refuse la demande.
Le procès débute par
l'exposé des faits. Après une violente dispute avec son petit ami James Sythe
dans un bar, la jeune Kendall Carter s'est enfuie à pied sur la route Old
Quarry, par une nuit extrêmement pluvieuse. Le lendemain matin, un randonneur a
retrouvé son corps en contrebas d'un petit pont. Sythe est rapidement arrêté.
L'affaire est confiée à la procureure adjointe Faith Killebrew, qui se présente
au même moment à l'élection de procureur
de district et espère rallier l'électorat
avec une condamnation très médiatisée pour violence
domestique.
Le dernier opus de
Clint Eastwood, Juré Numéro 2, pourrait bien s’imposer comme son
testament cinématographique, un adieu à la hauteur de sa carrière monumentale.
Une fois de plus, le réalisateur nonogénaire prouve qu'il maîtrise l'art de la
mise en scène comme peu savent encore le faire à Hollywood. À l’image d’un
artisan, Eastwood cisèle chaque plan, épurant son langage visuel pour se
concentrer sur l’essentiel : l’intensité dramatique et la complexité morale de
son récit. Si c'est réellement son dernier film, il finit avec une œuvre aussi
fascinante que poignante.
Dans Juré Numéro 2,
Eastwood s'aventure sur les traces du mythique 12 hommes en colère, mais
avec une approche bien à lui. L’histoire démarre comme un classique du drame
judiciaire, avec un jury appelé à juger un homme accusé d’avoir tué sa petite
amie, Kendall Cartner. La tension monte dès l’ouverture avec le personnage de
Faith Killebrew, l’avocate générale incarnée avec une justesse impressionnante.
Pour elle, cette affaire est cruciale, tant sur le plan professionnel que
personnel. Sa détermination ajoute une dimension émotionnelle au procès, la
caméra d’Eastwood captant subtilement ses regards et silences, comme pour
révéler une vérité enfouie.
Mais c’est Justin
Kemp, l’un des jurés, qui devient rapidement le pivot de l’intrigue. Pris d’un
doute terrible – et si c’était lui, par accident, qui avait causé la mort de
Kendall ? – il incarne l’ambiguïté morale qui traverse tout le film. Kemp est
interprété avec une profondeur remarquable par un acteur qui, sous la direction
d’Eastwood, explore les méandres de la culpabilité et de la responsabilité. Ce
dilemme – se dénoncer et risquer de tout perdre ou se taire et condamner un
innocent – nous happe, et le spectateur se retrouve pris dans un véritable
labyrinthe éthique.
La mise en scène
d’Eastwood brille ici par sa retenue. Pas de fioritures inutiles ni de
démonstrations techniques superflues : tout est au service de l’histoire et des
personnages. Les scènes dans la salle de délibération, notamment, sont d’une
rare intensité. La lumière joue un rôle essentiel, mettant en relief les
visages marqués des jurés, comme autant de reflets de leur propre culpabilité
ou incertitude. L’atmosphère claustrophobique de ces séquences n’est pas sans
rappeler Mystic River, autre chef-d’œuvre du maître, où les non-dits et
les vérités enfouies éclataient au grand jour avec une brutalité désarmante.
Le choix du sujet
n’est pas anodin. À 93 ans, Eastwood semble vouloir interroger, une dernière
fois, les notions de justice, de rédemption et de responsabilité individuelle –
des thèmes qui traversent toute sa filmographie, de Unforgiven à Gran
Torino. Mais ici, il les aborde sous un angle encore plus intime, presque
introspectif. Kemp, à bien des égards, peut être vu comme un alter ego du
cinéaste, confronté à ses propres zones d’ombre et à la nécessité de faire face
à ses actes, quoi qu’il en coûte.
La musique, composée
avec une sobriété élégante, soutient parfaitement cette narration tendue. Elle
ne submerge jamais les scènes mais accompagne avec une discrétion émouvante les
moments de doute et de révélation. Le silence, aussi, est utilisé avec une
efficacité redoutable, laissant aux spectateurs le temps de digérer l’intensité
des dilemmes moraux posés.
Enfin, la conclusion
du film est à l’image de l’œuvre tout entière : puissante, sobre et
profondément humaine. Eastwood ne cherche pas à imposer une morale, laissant au
spectateur le soin de tirer ses propres conclusions. Ce choix, audacieux dans
un cinéma souvent friand de fins explicites, prouve encore une fois la
confiance inébranlable du réalisateur en l’intelligence de son public.
Juré Numéro 2
est bien plus qu’un drame judiciaire. C’est une réflexion sur la condition
humaine, servie par une mise en scène magistrale et une direction d’acteurs
impeccable. Si Clint Eastwood décide de refermer le rideau après ce film, il le
fait avec une élégance et une maîtrise qui resteront gravées dans l’histoire du
cinéma. Un dernier tour de piste digne du "GOAT", comme on aime à le
surnommer.
NOTE : 16.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Clint Eastwood
- Scénario : Jonathan Abrams
- Musique : Mark Mancina
- Direction artistique : Gregory G. Sandoval
- Décors : Ronald R. Reiss
- Photographie : Yves Bélanger
- Montage : Joel Cox et David S. Cox
- Production : Clint Eastwood, Adam Goodman, Jessica Meier, Tim Moore, Peter Oberth et Matt Skiena
- Sociétés de production : Dichotomy, Gotham Group (en) et Malpaso Productions
- Société de distribution : Warner Bros.
- Budget : 35 millions de dollars (estimation)
- Nicholas Hoult (VF : Emmanuel Garijo) : Justin Kemp
- Toni Collette (VF : Marjorie Frantz) : Faith Killebrew
- Chris Messina (VF : Alexis Victor) : Eric Resnick
- Amy Aquino (VF : Annie Sinigalia) : la juge Thelma Stewart
- Zoey Deutch (VF : Ingrid Donnadieu) : Allison « Ally » Crewson, l'épouse de Justin
- Kiefer Sutherland (VF : Emmanuel Jacomy) : Larry Lasker
- Gabriel Basso (VF : Maximilien Seweryn) : James Michael Sythe, l'accusé
- Francesca Eastwood : Kendall Carter, la victime
- J. K. Simmons (VF : Jean Barney) : Harold Tchaikovsky
- Leslie Bibb (VF : Valérie Siclay) : Denice Aldworth
- Cedric Yarbrough (VF : Thierry Desroses) : Marcus King
- Adrienne C. Moore (VF : Corinne Wellong) : Yolanda
- Chikako Fukuyama (VF : Anne Tilloy) : Keiko, la jurée étudiante en médecine
- Jason Coviello (VF : Boris Rehlinger) : Luke, le juré divorcé
- Rebecca Koon (VF : Frédérique Cantrel) : Nellie, la jurée âgée
- Zele Avradopoulos : Irene, la jurée suppléante
- Drew Scheid : Brody
- Onix Serrano : Eli
- Hedy Nasser : Courtney
- Phil Biedron : Vince
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