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vendredi 27 décembre 2024

16.80 - MON AVIS SUR LE FILM JURE N°2 DE CLINT EASTWOOD (2024)


 Vu le film Juré N°2 de Clint Eastwood (2024) avec Nicholas Hoult Toni Colette Zoey Deutch Gabriel Basso Kiefer Sutherland Francesca-Fisher Eastwood Leslie Bibb Chris Messina Amy Aquino J.K Simmons Cedric Yarbough

 Justin Kemp, jeune homme marié à une femme qui subit une grossesse difficile, est appelé comme juré dans une affaire d'homicide. Lors du voir-dire, Justin demande à être excusé en raison de la situation de sa femme, mais la juge Hollub refuse la demande.

Le procès débute par l'exposé des faits. Après une violente dispute avec son petit ami James Sythe dans un bar, la jeune Kendall Carter s'est enfuie à pied sur la route Old Quarry, par une nuit extrêmement pluvieuse. Le lendemain matin, un randonneur a retrouvé son corps en contrebas d'un petit pont. Sythe est rapidement arrêté. L'affaire est confiée à la procureure adjointe Faith Killebrew, qui se présente au même moment à l'élection de procureur de district et espère rallier l'électorat avec une condamnation très médiatisée pour violence domestique.

Le dernier opus de Clint Eastwood, Juré Numéro 2, pourrait bien s’imposer comme son testament cinématographique, un adieu à la hauteur de sa carrière monumentale. Une fois de plus, le réalisateur nonogénaire prouve qu'il maîtrise l'art de la mise en scène comme peu savent encore le faire à Hollywood. À l’image d’un artisan, Eastwood cisèle chaque plan, épurant son langage visuel pour se concentrer sur l’essentiel : l’intensité dramatique et la complexité morale de son récit. Si c'est réellement son dernier film, il finit avec une œuvre aussi fascinante que poignante.

Dans Juré Numéro 2, Eastwood s'aventure sur les traces du mythique 12 hommes en colère, mais avec une approche bien à lui. L’histoire démarre comme un classique du drame judiciaire, avec un jury appelé à juger un homme accusé d’avoir tué sa petite amie, Kendall Cartner. La tension monte dès l’ouverture avec le personnage de Faith Killebrew, l’avocate générale incarnée avec une justesse impressionnante. Pour elle, cette affaire est cruciale, tant sur le plan professionnel que personnel. Sa détermination ajoute une dimension émotionnelle au procès, la caméra d’Eastwood captant subtilement ses regards et silences, comme pour révéler une vérité enfouie.

Mais c’est Justin Kemp, l’un des jurés, qui devient rapidement le pivot de l’intrigue. Pris d’un doute terrible – et si c’était lui, par accident, qui avait causé la mort de Kendall ? – il incarne l’ambiguïté morale qui traverse tout le film. Kemp est interprété avec une profondeur remarquable par un acteur qui, sous la direction d’Eastwood, explore les méandres de la culpabilité et de la responsabilité. Ce dilemme – se dénoncer et risquer de tout perdre ou se taire et condamner un innocent – nous happe, et le spectateur se retrouve pris dans un véritable labyrinthe éthique.

La mise en scène d’Eastwood brille ici par sa retenue. Pas de fioritures inutiles ni de démonstrations techniques superflues : tout est au service de l’histoire et des personnages. Les scènes dans la salle de délibération, notamment, sont d’une rare intensité. La lumière joue un rôle essentiel, mettant en relief les visages marqués des jurés, comme autant de reflets de leur propre culpabilité ou incertitude. L’atmosphère claustrophobique de ces séquences n’est pas sans rappeler Mystic River, autre chef-d’œuvre du maître, où les non-dits et les vérités enfouies éclataient au grand jour avec une brutalité désarmante.

Le choix du sujet n’est pas anodin. À 93 ans, Eastwood semble vouloir interroger, une dernière fois, les notions de justice, de rédemption et de responsabilité individuelle – des thèmes qui traversent toute sa filmographie, de Unforgiven à Gran Torino. Mais ici, il les aborde sous un angle encore plus intime, presque introspectif. Kemp, à bien des égards, peut être vu comme un alter ego du cinéaste, confronté à ses propres zones d’ombre et à la nécessité de faire face à ses actes, quoi qu’il en coûte.

La musique, composée avec une sobriété élégante, soutient parfaitement cette narration tendue. Elle ne submerge jamais les scènes mais accompagne avec une discrétion émouvante les moments de doute et de révélation. Le silence, aussi, est utilisé avec une efficacité redoutable, laissant aux spectateurs le temps de digérer l’intensité des dilemmes moraux posés.

Enfin, la conclusion du film est à l’image de l’œuvre tout entière : puissante, sobre et profondément humaine. Eastwood ne cherche pas à imposer une morale, laissant au spectateur le soin de tirer ses propres conclusions. Ce choix, audacieux dans un cinéma souvent friand de fins explicites, prouve encore une fois la confiance inébranlable du réalisateur en l’intelligence de son public.

Juré Numéro 2 est bien plus qu’un drame judiciaire. C’est une réflexion sur la condition humaine, servie par une mise en scène magistrale et une direction d’acteurs impeccable. Si Clint Eastwood décide de refermer le rideau après ce film, il le fait avec une élégance et une maîtrise qui resteront gravées dans l’histoire du cinéma. Un dernier tour de piste digne du "GOAT", comme on aime à le surnommer.

NOTE : 16.80

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Clint Eastwood
  • Scénario : Jonathan Abrams
  • Musique : Mark Mancina
  • Direction artistique : Gregory G. Sandoval
  • Décors : Ronald R. Reiss
  • Photographie : Yves Bélanger
  • Montage : Joel Cox et David S. Cox
  • Production : Clint Eastwood, Adam Goodman, Jessica Meier, Tim Moore, Peter Oberth et Matt Skiena
  • Sociétés de production : Dichotomy, Gotham Group (en) et Malpaso Productions
  • Société de distribution : Warner Bros.
  • Budget : 35 millions de dollars (estimation)

DISTRIBUTION

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