Vu le film To Be Or Not to Be de Alan Johnson (1983) avec Mel Brooks (Anne Bancroft) Christopher Lloyd Charles Durning Ronny Graham Tim Matheson Jack Riley George Wyner Estelle Reiner José Ferrer
1939. L'Europe est à la veille de la guerre. À Varsovie,
le comédien Frederick Bronski vole de succès en succès. Chaque soir, lors de
son interprétation du rôle de Hamlet, un homme, toujours le même, se lève et
quitte la salle en manifestant bruyamment sa désapprobation.
Remake du chef-d'œuvre d’Ernst Lubitsch de 1942, To Be
or Not to Be (1983) est un film où l’ombre de Mel Brooks plane sur chaque
scène, même s’il ne se trouve pas derrière la caméra, mais à la production et
dans le rôle principal. Alan Johnson, le réalisateur, semble ici canaliser
l'énergie débridée et l’humour acide de Brooks pour réinterpréter cette comédie
dramatique qui se moque du régime nazi tout en dénonçant ses atrocités. Si
l’original de Lubitsch brillait par son élégance subtile et son ironie mordante,
ce remake y ajoute une touche de folie typique de Mel Brooks, un des maîtres
incontestés de l’humour des années 70 à 90.
Le film prend place dans la Varsovie occupée, où une
troupe de théâtre dirigée par le couple Frederick et Anna Bronski (joués par
Mel Brooks et Anne Bancroft) se retrouve mêlée à une mission d'espionnage
visant à contrecarrer les plans nazis. Le scénario reste fidèle à la trame de
l'original, mais y injecte une dose de satire explosive et de gags visuels qui
portent la marque inimitable de Brooks. L’humour, ici, ne connaît aucune limite
: qu’il s’agisse d’un numéro musical décalé comme « Sweet Georgia Brown » en
version allemande ou des absurdités des dialogues nazis, le rire devient une
arme contre la barbarie.
L’interprétation de Mel Brooks est, comme toujours, un
modèle de démesure contrôlée. Il joue le comédien vaniteux et maladroit avec
une justesse comique qui frôle parfois l’autoparodie, tout en insufflant une
humanité inattendue à son personnage. Anne Bancroft, sa partenaire à l’écran et
dans la vie, est tout simplement formidable. Son charme, son intelligence et
son timing impeccable élèvent chaque scène où elle apparaît, apportant une
dimension plus nuancée et sophistiquée à cette farce explosive. Le duo forme
une alchimie parfaite, leur complicité réelle transparaissant dans les
dialogues et les situations.
Mais la grande surprise du film reste Charles Durning,
qui incarne le colonel nazi Erhardt avec un génie comique qui lui vaut une
nomination bien méritée aux Oscars. Sa prestation, oscillant entre l’absurde et
la menace réelle, est un exemple brillant de l’équilibre fragile entre rire et
gravité qui définit le ton du film. Il incarne un nazi aussi grotesque que
terrifiant, un personnage qui fait écho à la tradition burlesque de ridiculiser
les dictateurs.
Au-delà des performances, To Be or Not to Be joue
habilement sur des thèmes universels et intemporels : le pouvoir de l’art et du
théâtre comme acte de résistance, la force du collectif face à la tyrannie, et
la manière dont l’humour peut être une arme redoutable contre l’oppression.
Tout comme le film original de Lubitsch, ce remake navigue entre la légèreté de
la comédie et la gravité d’un sujet tragique, sans jamais basculer dans le
mauvais goût.
Certes, certains puristes pourraient regretter l’absence
de la subtilité légendaire de Lubitsch, remplacée ici par la bouffonnerie et
les excès typiques de Mel Brooks. Mais c’est précisément cette exubérance, ce
refus des conventions, qui rend ce remake si particulier. Là où Lubitsch visait
le sourire en coin, Brooks et Johnson visent le rire franc et bruyant, tout en
conservant l’essence satirique et critique de l’original.
To Be or Not to Be version 1983 est une
réussite audacieuse, drôle à en pleurer, mais aussi intelligente et subversive.
Mel Brooks prouve une fois de plus que l’humour peut désarmer même les sujets
les plus sombres. Et avec Anne Bancroft et Charles Durning à ses côtés, ce film
se hisse au rang des meilleures comédies du cinéma des années 80. Un hommage
vibrant à Lubitsch, mais aussi une œuvre qui se tient fièrement sur ses propres
bases.
NOTE : 15.00
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Alan Johnson
- Scénario : Ronny Graham et Thomas Meehan, d'après une histoire originale de Melchior Lengyel, Ernst Lubitsch et Edwin Justus Mayer
- Musique : John Morris
- Photographie : Gerald Hirschfeld
- Montage : Alan Balsam
- Production : Mel Brooks
- Sociétés de production : Brooksfilms & 20th Century Fox
- Société de distribution : 20th Century Fox
- Mel Brooks (VF : Jacques Fabbri) : Frederick Bronski
- Anne Bancroft (VF : Florence Giorgetti) : Anna Bronski
- Tim Matheson (VF : Pierre Arditi) : le lieutenant Andrei Sobinski
- Charles Durning (VF : Philippe Dumat) : le colonel SS Ehrardt
- José Ferrer (VF : Georges Aminel) : le professeur Siletski
- George Gaynes : Ravitch
- James Haake (VF : Jacques Ebner) : Sasha
- George Wyner : Ratovski
- Christopher Lloyd (VF : Patrick Préjean) : le capitaine SS Schultz
- Lewis J Stadlen (VF : Jean-Pierre Leroux) : Lupinsky
- Jack Riley (VF : Claude Joseph) : Dobish
- Ronny Graham : Sondheim
- Zale Kessler : Bieler
- Estelle Reiner : Gruba
- Ivor Barry (VF : Jean Berger) : le général Hobbs
- William Glover : le major Cunningham
- Earl Boen : le docteur Boyarski
- John H. Francis : l'assistant des services secrets britanniques
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