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lundi 2 septembre 2024

15.10 - MON AVIS SUR LE FILM KINDS OF KIDNESS DE YORGOS LANTHIMOS (2024)

 


Vu le film Kinds of Kindness de Yorgos Lanthimos (2024) avec Emma Stone Jesse Plemons Margaret Qualey Hunter Schafer Joe Alwyn Willem Dafoe Hong Chau Mamoudou Athie Yorgos Setfanakos Susan Elle Krystal Alayne Chambers

 

Robert Fletcher est un homme dont tous les détails de la vie sont entièrement contrôlés par son patron Raymond. Ses repas, les vêtements qu'il doit porter chaque jour, la décoration chez lui et même le fait qu'il n'ait pas le droit d'avoir d'enfants avec sa femme sont tous des ordres qui viennent de Raymond. Un jour, Raymond ordonne à Robert de provoquer un accident avec sa voiture et de tuer un homme connu uniquement sous ses initiales "R.M.F." et qui a pleinement accepté de se faire tuer.

Après avoir échoué à sa mission, Robert rend visite à Raymond et lui avoue qu'il n'est pas capable de commettre un tel acte. Ce dernier lui rappelle sèchement que cela doit être fait. Robert reste sur sa position : Raymond lui dit alors qu'il est libre, et le renvoie chez lui.

 Yorgos Lanthimos est un réalisateur grec qui s'est forgé une réputation pour ses films singuliers, où le bizarre côtoie le quotidien avec un sens aigu du décalage. Avec "Kinds of Kindness", il pousse encore plus loin ses expérimentations esthétiques et narratives, créant une œuvre baroque, étrange et dérangeante, tout en maîtrisant à la perfection sa mise en scène. Il livre ainsi un film qui divise mais ne laisse personne indifférent.


Le premier élément marquant dans "Kinds of Kindness" est l'esthétique visuelle. Lanthimos est connu pour son sens du cadre et de la composition, et ici, il adopte une mise en scène baroque. Les décors sont souvent surchargés de détails, avec une richesse visuelle qui s’apparente à une peinture rococo, mais revisités de manière moderne. Chaque plan est étudié, chargé d’une symbolique qui interroge. Lanthimos n'a pas peur d'utiliser des angles de caméra insolites, des travellings fluides et des mouvements de caméra abrupts pour intensifier la sensation de malaise.

L'étrangeté est omniprésente dans "Kinds of Kindness". Lanthimos distille une ambiance qui met le spectateur en porte-à-faux, comme s'il assistait à un rêve éveillé où rien n'est ce qu'il semble être. Les dialogues sont souvent décalés, minimalistes, parfois délibérément absurdes, créant un effet d’aliénation. Les personnages semblent enfermés dans leurs propres réalités, incapables de se comprendre ou de se rejoindre. Cette étrangeté s'accompagne aussi de moments de violence soudaine ou de comportements déroutants qui dérangent autant qu'ils fascinent.


Sous cette apparence baroque et étrange, Lanthimos semble vouloir interroger la nature même de la bonté et de la bienveillance, comme le suggère le titre. Mais la bonté, ici, n'est jamais simple ou évidente. Elle est teintée d'une ambiguïté morale, parfois presque cruelle. Le réalisateur pousse le spectateur à remettre en question ses propres notions de bien et de mal. L’humanité, telle qu’elle est présentée dans le film, est complexe, souvent contradictoire. La gentillesse peut devenir un acte de contrôle, de manipulation, ou même de destruction, comme si Lanthimos voulait nous rappeler que nos motivations ne sont jamais purement altruistes.

Malgré l’apparente anarchie qui règne dans le film, avec ses situations déroutantes et ses personnages hors de contrôle, Lanthimos reste le maître d’orchestre. Sa mise en scène est rigoureuse, minutieusement pensée. Chaque détail semble calculé pour provoquer une réaction précise chez le spectateur. L'alternance entre moments de contemplation, éclats de violence et séquences absurdes contribue à maintenir une tension palpable tout au long du film. Cela démontre une maîtrise rare de la narration et du rythme, même si certains pourront reprocher au film une certaine froideur émotionnelle.

Dans Kinds of Kindness, Yorgos Lanthimos exploite pleinement la capacité de ses acteurs à naviguer entre le naturel et l'absurde, en leur offrant une liberté rarement vue dans le cinéma conventionnel. Comme souvent dans son travail, les performances oscillent entre le grotesque et le minimalisme, et ce contraste donne au film une énergie déstabilisante mais puissante.

Les acteurs principaux sont poussés à explorer des émotions extrêmes, tout en gardant cette froideur typique des personnages de Lanthimos. Ils doivent souvent interpréter des dialogues délibérément plats, voire absurdes, qui créent un décalage entre leurs actions et leurs paroles. Cette distanciation émotionnelle est un choix risqué, mais elle fonctionne à merveille dans l’univers que Lanthimos façonne. C'est un jeu qui pourrait paraître désincarné si l'on cherche du réalisme émotionnel, mais qui révèle des nuances fascinantes pour ceux qui embrassent l'absurdité du film.

Emma Stone, collaboratrice régulière de Yorgos Lanthimos, brille une fois de plus dans Kinds of Kindness. Sa performance incarne à la perfection la dualité recherchée par le réalisateur : une apparente douceur, presque angélique, qui cache des motivations ambivalentes et des blessures profondes. Stone maîtrise l'art de l'intériorité, passant subtilement de moments de vulnérabilité à des éclats de froideur calculée. Elle est capable de jouer sur plusieurs registres à la fois, ce qui rend son personnage fascinant et insaisissable. Son jeu est tout en retenue, mais chaque regard et chaque geste révèlent une complexité émotionnelle qui accroît la tension du film.


Jesse Plemons est parfait dans le rôle du personnage apparemment ordinaire, presque terne, mais qui dissimule des fêlures profondes et un malaise intérieur. Avec son allure débonnaire et son jeu souvent minimaliste, il incarne à merveille un individu pris dans des dilemmes moraux qu'il ne comprend pas totalement. Plemons a cette capacité unique à rendre intrigante la banalité, et sous la direction de Lanthimos, il joue avec une sobriété qui contraste avec l'étrangeté ambiante. Il est l'ancre rationnelle dans un univers baroque, tout en étant lui-même pris dans des actions qui révèlent l’absurdité de la condition humaine.

Willem Dafoe apporte à Kinds of Kindness son charisme magnétique et sa capacité à incarner des personnages inquiétants, voire perturbateurs. Il oscille entre sagesse et folie, naviguant entre moments de calme et explosions de violence émotionnelle. Dafoe excelle dans les rôles ambigus, où la frontière entre bien et mal devient floue, et c'est exactement ce que Lanthimos exploite ici. Sa présence à l’écran est électrique, et il incarne souvent un personnage qui catalyse les conflits internes des autres protagonistes. Avec son visage marqué et son jeu intense, Dafoe réussit à faire planer une ombre sur chaque scène dans laquelle il apparaît, ajoutant une tension palpable au film.

Kinds of Kindness est, comme son titre l’indique, une réflexion sur les diverses formes de la bonté humaine, mais traité avec la touche cynique et souvent dérangeante de Yorgos Lanthimos. Le réalisateur déconstruit la notion traditionnelle de la bienveillance pour en montrer les aspects ambigus, parfois toxiques. Le film explore comment la bonté peut être déformée par des motivations égoïstes, le pouvoir et l'aliénation psychologique.

La bonté, chez Lanthimos, n'est jamais purement bienveillante ; elle est souvent teintée d'intentions cachées, que ce soit pour manipuler, pour contrôler ou pour apaiser des culpabilités personnelles. Le film interroge les relations humaines à travers des actes de gentillesse qui finissent par devenir aliénants ou destructeurs. Les personnages semblent constamment piégés dans une quête de rédemption ou de validation, tout en étant incapables de réellement se comprendre ou de s’épanouir émotionnellement.

 NOTE : 15.10

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

  • Emma Stone :
    • Rita (« La mort de R.M.F. »)
    • Liz (« R.M.F. vole »)
    • Emily (« R.M.F. mange un sandwich »)
  • Jesse Plemons (VF : Damien Ferrette) :
    • Robert (« La mort de R.M.F. »)
    • Daniel (« R.M.F. vole »)
    • Andrew (« R.M.F. mange un sandwich »)
  • Willem Dafoe :
    • Raymond (« La mort de R.M.F. »)
    • George (« R.M.F. vole »)
    • Omi (« R.M.F. mange un sandwich »)
  • Margaret Qualley :
    • Vivian (« La mort de R.M.F. »)
    • Martha (« R.M.F. vole »)
    • Ruth et Rebecca, les jumelles (« R.M.F. mange un sandwich »)
  • Hong Chau :
    • Sarah (« La mort de R.M.F. »)
    • Sharon (« R.M.F. vole »)
    • Aka (« R.M.F. mange un sandwich »)
  • Joe Alwyn :
    • l’homme évaluant les objets (« La mort de R.M.F. »)
    • Jerry (« R.M.F. vole »)
    • Joseph (« R.M.F. mange un sandwich »)
  • Mamoudou Athie :
    • Will (« La mort de R.M.F. »)
    • Neil (« R.M.F. vole »)
    • l’infirmier de la morgue (« R.M.F. mange un sandwich »)
  • Hunter Schafer : Anna (« R.M.F. mange un sandwich »)
  • Yorgos Stefanakos : R.M.F.
  • Merah Benoit (VF : Coralie Thuilier) : la fille d'Emily (« R.M.F. mange un sandwich »)
  • Jerskin Fendrix (en) : le pianiste du Cheval (« La mort de R.M.F. »)

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