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lundi 17 février 2025

8.90 - MON AVIS SUR LE FILM L'HISTOIRE DE SOULEYMANE DE BORIS LOJKINE (2024)


Vu le film L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine (2024) avec Abou Sangaré Nina Meurisse Younoussa Diallo Emmanuel Yovanie Alpha Doumar Sow Ghislain Mahan

Tandis qu'il pédale dans les rues de Paris pour livrer des repas, Souleymane répète son histoire. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demande d'asile, le sésame pour obtenir des papiers. Mais Souleymane n'est pas prêt.

Le film de Boris Lojkine est sans conteste un projet qui suscite une forte résonance sociale, mais la question demeure : est-ce une véritable fiction ou un documentaire déguisé ? Le parcours d'Abou Sangaré, qui joue presque sa propre vie, semble tellement ancré dans la réalité qu’il laisse peu de place à la construction dramatique propre au cinéma de fiction. On ne peut nier la sincérité du propos ni l’impact émotionnel du film, mais l’absence de véritable mise à distance rend difficile d’y voir une œuvre pleinement cinématographique.

Le film joue sur une approche naturaliste qui met en lumière la précarité des sans-papiers en France, notamment dans le secteur des livraisons à vélo. Si cette réalité est poignante, elle est aussi largement documentée dans les médias. Le cinéma doit-il simplement enregistrer ou proposer une mise en scène qui interroge le spectateur différemment ? C’est ici que L’Histoire de Souleymane peine à convaincre en tant que fiction. La frontière entre jeu et témoignage est trop mince, et Abou Sangaré, aussi sincère soit-il, donne plus l’impression de raconter son histoire que d’interpréter un rôle.

Le film, par son sujet, séduit une partie de la critique et du public qui y voit une œuvre engagée. Mais cette forme de cinéma du réel sert aussi à donner bonne conscience à ceux qui, après l’avoir applaudi, continueront à profiter du système qu’il dénonce. Bien sûr, le film est politisé et donne bonne conscience à ceux qui ajoutent des étoiles à la pelle en rentrant du ciné en Uber ou en se faisant livrer chez eux de la bonne bouffe (ou pas) par ses esclaves modernes. Le film aurait gagné à creuser davantage la mécanique d’exploitation qui profite de la détresse des sans-papiers, plutôt que de s’arrêter au constat.

Toutefois, la fin du film relève le niveau, notamment avec la scène d’interrogatoire menée par une assistante sociale incarnée par une excellente Nina Meurisse. Ce moment vient briser le récit bien rodé de Souleymane, qui récite un discours appris et façonné par ses "protecteurs". Cette séquence, plus nuancée et percutante, interroge sur la manière dont certaines causes sont récupérées et manipulées.

Quant à une potentielle nomination aux César, elle semble motivée par l’émotion et l’actualité plus que par la performance d’acteur. Abou Sangaré livre un témoignage bouleversant, mais l’exercice est plus proche du documentaire immersif que de la composition. D’ailleurs, il l’a lui-même affirmé : il ne veut pas devenir acteur mais rester mécanicien. Maintenant qu’il a obtenu un titre de séjour, espérons qu’on lui donne réellement sa chance.

NOTE : 8.90

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Boris Lojkine
  • Scénario : Delphine Agut et Boris Lojkine
  • Décors : Géraldine Stivet
  • Costumes : Marine Peyraud
  • Photographie : Tristan Galand
  • Son : Pierre Bariaud, Marc-Olivier Brullé et Charlotte Butrak
  • Montage : Xavier Sirven
  • Production : Bruno Nahon
    • Production associée : Thomas Morvan
  • Société de production : Unité, en association avec 3 SOFICA
  • Sociétés de distribution : Pyramide Distribution (France) ; K-Films Amérique (Québec)
  • Pays de production : Drapeau de la France France

DISTRIBUTION

  • Abou Sangaré : Souleymane
  • Nina Meurisse : l'officière de l'OFPRA
  • Alpha Oumar Sow : Barry
  • Emmanuel Yovanie : Emmanuel
  • Younoussa Diallo : Khalil
  • Ghislain Mahan : Ghislain
  • Mamadou Barry : Mamadou
  • Yaya Diallo : Yaya
  • Keita Diallo : Kadiatou
  • Boris Lojkine : le restaurateur

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