Vu le film Un Crime de Jacques Deray (1993) avec Alain Delon Manuel Blanc Sophie Broustal Maxime Leroux Francine Bergé Jean Claude Caron Amélie Prevost Jean Marie Winling Pierre Banco Jean Pierre Comart Christel Carteron
Frédéric,
jeune homme d'une vingtaine d'années, sort de prison au bout de quinze mois
après avoir été acquitté du meurtre de ses parents, M. et Mme Chapelin-Tourvel.
L'accusation ne reposait que sur le témoignage de Lucien Butard, le concierge,
qui avait vu Frédéric sortir précipitamment juste après l'heure du crime.
Un
Crime (1993),
réalisé par Jacques Deray, est un polar classique qui illustre parfaitement le
style de son réalisateur, connu pour son expertise dans le genre du film noir
et du polar. Adapté du roman Le Dérapage de Gilles Perrault, ce film
plonge le spectateur dans une atmosphère à la fois sombre et tendue, où le
crime et la manipulation s'entrelacent dans un jeu psychologique tortueux. Avec
une intrigue qui se déroule dans les paysages humides et oppressants des quais
du Rhône et sur les toits de la ville, Deray joue avec l'environnement pour
créer un cadre propice à la suspicion et à la tension.
L’intrigue
se concentre principalement sur un affrontement psychologique entre deux
personnages : l'avocat expérimenté Maître Charles Dunand, interprété par Alain
Delon, et son client Frédéric Chapelin-Tourvel, incarné par Manuel Blanc.
Delon, fidèle à son registre, campe un avocat sûr de lui, aux convictions d'acier,
qui a vu passer des affaires des plus sordides aux plus complexes. Il incarne
ici un homme charismatique, implacable et sûr de son talent. La carrière de
Dunand est jalonnée de succès, et il aborde cette nouvelle affaire avec la même
assurance. L'intrigue prend cependant une tournure inattendue lorsque Frédéric,
après avoir été innocenté grâce à son avocat, commence à semer le doute sur sa
véritable culpabilité. La relation entre les deux hommes devient alors un jeu
de dupes où les rôles du chat et de la souris sont en constante inversion.
Le jeu
du chat et de la souris est d'ailleurs l'élément central du film. Ce n'est
plus seulement une enquête criminelle, mais un affrontement psychologique où la
manipulation devient une arme aussi puissante que le crime lui-même. Frédéric,
loin d'être la victime passive qu'il semble au début, s’avère être un
personnage ambivalent, à la fois insaisissable et déroutant. Il prend un malin
plaisir à défier son propre avocat, jouant avec ses certitudes et le faisant
douter de tout. Dans ce duel, il est difficile de déterminer qui manipule qui,
et c'est là que le film prend toute sa dimension. On pourrait croire que Delon,
avec sa stature imposante et son assurance, serait le chat, mais Frédéric
renverse habilement cette dynamique, forçant son avocat à se remettre en
question, et par extension, à remettre en cause tout le système judiciaire dans
lequel il évolue.
Le personnage
de Frédéric, joué par Manuel Blanc, est fascinant. C'est un jeune homme à
la fois fragile et manipulateur, qui sait jouer sur les apparences. Blanc, qui
est rarement utilisé à sa juste valeur dans le cinéma français, est ici
formidable. Il insuffle à son personnage une ambiguïté troublante, rendant
Frédéric à la fois séduisant et inquiétant. Sa performance est tout en nuances,
et il parvient à créer un personnage qui oscille constamment entre victime et
bourreau, entre innocence et culpabilité. C’est ce double jeu qui rend
l’intrigue si captivante et qui met au défi son avocat de départager le vrai du
faux.
Le
cadre du film,
avec ses toitures et ses quais brumeux bordant le Rhône, accentue cette
atmosphère étouffante et pleine de mystère. Jacques Deray fait un excellent
usage de ces décors naturels pour renforcer la sensation de claustrophobie et
de piège qui entoure les personnages. Les scènes qui se déroulent sur les toits
ou au bord de l’eau, dans une lumière grise et froide, contribuent à cette
impression de menace imminente. Le spectateur est constamment sur le qui-vive,
anticipant que quelque chose va mal tourner, que le prochain coup sera fatal.
Deray maîtrise parfaitement ces ambiances et crée ainsi une tension presque
palpable tout au long du film.
Quant à
Delon, il est ici à son aise, en terrain connu. Habitué aux rôles de flics,
d'avocats ou d'hommes de pouvoir, il apporte à son personnage cette froideur et
cette confiance presque arrogante qui le caractérisent tant. Mais là où Delon
est particulièrement intéressant dans Un Crime, c'est dans son évolution
: au fur et à mesure que Frédéric joue avec lui, Dunand se fissure, sa carapace
d'assurance se craquelle, et il devient vulnérable. C’est une facette rarement
explorée chez Delon, et Deray réussit à la mettre en lumière de manière subtile
mais efficace.
Le film
se termine sans une véritable résolution claire, laissant au spectateur le soin
de réfléchir à ce qui s’est réellement passé et qui était véritablement
coupable. Est-ce Frédéric qui a manipulé son avocat, ou est-ce Dunand qui s’est
laissé prendre à son propre jeu ? Cette ambiguïté finale renforce le caractère
fascinant de ce duel, tout en faisant écho à la complexité des thèmes abordés
dans le film : la justice, la vérité, et la manipulation.
NOTE : 14.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Jacques Deray
- Scénario et dialogues : Jacques Deray, Jean Curtelin et Alain Delon, d'après le roman Le Dérapage de Gilles Perrault
- Photographie : Robert Fraisse
- Musique : Frédéric Botton
- Décors : Jacques Dugied
- Costume : Jean-Daniel Vuillermoz
- Durée : 83 minutes
- Alain Delon : maître Charles Dunand
- Manuel Blanc : Frédéric Chapelin-Tourvel
- Sophie Broustal : Franca Miller
- Maxime Leroux : Lucien Butard, le concierge
- Francine Bergé : l'épouse de maître Dunand
- Jean-Claude Caron : M. Chapelin-Tourvel
- Amélie Prévost : Mme Chapelin-Tourvel
- Jean-Marie Winling : l'avocat général
- Pierre Bianco : le président du tribunal
- Jean-Paul Comart : l'assistant de maître Dunand
- Christel Carteron : Bénédicte, l'assistante de maître Dunand
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