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mardi 27 août 2024

14.10 - MON AVIS SUR LE FILM UN CRIME DE JACQUES DERAY (1993)


Vu le film Un Crime de Jacques Deray (1993) avec Alain Delon Manuel Blanc Sophie Broustal Maxime Leroux Francine Bergé Jean Claude Caron Amélie Prevost Jean Marie Winling Pierre Banco Jean Pierre Comart Christel Carteron

Frédéric, jeune homme d'une vingtaine d'années, sort de prison au bout de quinze mois après avoir été acquitté du meurtre de ses parents, M. et Mme Chapelin-Tourvel. L'accusation ne reposait que sur le témoignage de Lucien Butard, le concierge, qui avait vu Frédéric sortir précipitamment juste après l'heure du crime.

Un Crime (1993), réalisé par Jacques Deray, est un polar classique qui illustre parfaitement le style de son réalisateur, connu pour son expertise dans le genre du film noir et du polar. Adapté du roman Le Dérapage de Gilles Perrault, ce film plonge le spectateur dans une atmosphère à la fois sombre et tendue, où le crime et la manipulation s'entrelacent dans un jeu psychologique tortueux. Avec une intrigue qui se déroule dans les paysages humides et oppressants des quais du Rhône et sur les toits de la ville, Deray joue avec l'environnement pour créer un cadre propice à la suspicion et à la tension.

L’intrigue se concentre principalement sur un affrontement psychologique entre deux personnages : l'avocat expérimenté Maître Charles Dunand, interprété par Alain Delon, et son client Frédéric Chapelin-Tourvel, incarné par Manuel Blanc. Delon, fidèle à son registre, campe un avocat sûr de lui, aux convictions d'acier, qui a vu passer des affaires des plus sordides aux plus complexes. Il incarne ici un homme charismatique, implacable et sûr de son talent. La carrière de Dunand est jalonnée de succès, et il aborde cette nouvelle affaire avec la même assurance. L'intrigue prend cependant une tournure inattendue lorsque Frédéric, après avoir été innocenté grâce à son avocat, commence à semer le doute sur sa véritable culpabilité. La relation entre les deux hommes devient alors un jeu de dupes où les rôles du chat et de la souris sont en constante inversion.

Le jeu du chat et de la souris est d'ailleurs l'élément central du film. Ce n'est plus seulement une enquête criminelle, mais un affrontement psychologique où la manipulation devient une arme aussi puissante que le crime lui-même. Frédéric, loin d'être la victime passive qu'il semble au début, s’avère être un personnage ambivalent, à la fois insaisissable et déroutant. Il prend un malin plaisir à défier son propre avocat, jouant avec ses certitudes et le faisant douter de tout. Dans ce duel, il est difficile de déterminer qui manipule qui, et c'est là que le film prend toute sa dimension. On pourrait croire que Delon, avec sa stature imposante et son assurance, serait le chat, mais Frédéric renverse habilement cette dynamique, forçant son avocat à se remettre en question, et par extension, à remettre en cause tout le système judiciaire dans lequel il évolue.

Le personnage de Frédéric, joué par Manuel Blanc, est fascinant. C'est un jeune homme à la fois fragile et manipulateur, qui sait jouer sur les apparences. Blanc, qui est rarement utilisé à sa juste valeur dans le cinéma français, est ici formidable. Il insuffle à son personnage une ambiguïté troublante, rendant Frédéric à la fois séduisant et inquiétant. Sa performance est tout en nuances, et il parvient à créer un personnage qui oscille constamment entre victime et bourreau, entre innocence et culpabilité. C’est ce double jeu qui rend l’intrigue si captivante et qui met au défi son avocat de départager le vrai du faux.

Le cadre du film, avec ses toitures et ses quais brumeux bordant le Rhône, accentue cette atmosphère étouffante et pleine de mystère. Jacques Deray fait un excellent usage de ces décors naturels pour renforcer la sensation de claustrophobie et de piège qui entoure les personnages. Les scènes qui se déroulent sur les toits ou au bord de l’eau, dans une lumière grise et froide, contribuent à cette impression de menace imminente. Le spectateur est constamment sur le qui-vive, anticipant que quelque chose va mal tourner, que le prochain coup sera fatal. Deray maîtrise parfaitement ces ambiances et crée ainsi une tension presque palpable tout au long du film.

Quant à Delon, il est ici à son aise, en terrain connu. Habitué aux rôles de flics, d'avocats ou d'hommes de pouvoir, il apporte à son personnage cette froideur et cette confiance presque arrogante qui le caractérisent tant. Mais là où Delon est particulièrement intéressant dans Un Crime, c'est dans son évolution : au fur et à mesure que Frédéric joue avec lui, Dunand se fissure, sa carapace d'assurance se craquelle, et il devient vulnérable. C’est une facette rarement explorée chez Delon, et Deray réussit à la mettre en lumière de manière subtile mais efficace.

Le film se termine sans une véritable résolution claire, laissant au spectateur le soin de réfléchir à ce qui s’est réellement passé et qui était véritablement coupable. Est-ce Frédéric qui a manipulé son avocat, ou est-ce Dunand qui s’est laissé prendre à son propre jeu ? Cette ambiguïté finale renforce le caractère fascinant de ce duel, tout en faisant écho à la complexité des thèmes abordés dans le film : la justice, la vérité, et la manipulation.

NOTE : 14.10

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