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lundi 26 mai 2025

12.90 - MON AVIS SUR LE FILM LES TRICHEURS DE MARCE CARNE (1958)


 Vu le film Les Tricheurs de Marcel Carné (1958) avec Jean Paul Belmondo Jacques Charrier Pascale Petit Andréa Parisy Laurent Terzieff Roland Lesaffre (évidement) Pierre Brice Dany Saval Jacques Marin Jacques Perrin Jean François Poron  

Bob vient juste d'apprendre qu'il a obtenu sa licence de Sciences, mais plutôt que d'aller avec ses amis ou camarades de promotion fêter leur succès commun, il préfère rester seul à se remémorer tristement certains événements personnels récents. 

Pour le jeune homme, tout a commencé avec la rencontre d'Alain qui, ayant abandonné Normale Sup, vit dans la bohème aux crochets de son entourage, fils de famille ou autres. Alain emmène Bob au Bonaparte, café de Saint-Germain-des-Prés et quartier général d'une bande de plus ou moins jeunes oisifs dont Clo et Mic. 

Bob et Mic tombent amoureux sans oser le reconnaître ou l'avouer, car la bande qu'ils fréquentent considérerait cela comme un sentiment petit-bourgeois et ridicule 

Marcel Carné, cinéaste emblématique du réalisme poétique, celui des brumes, des docks, des amours condamnées, surprend en 1958 avec Les Tricheurs. À 52 ans, il laisse les brouillards de Quai des brumes pour filmer une jeunesse dorée, désabusée, errante dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, les caves de jazz, les fêtes en appartement. Carné veut comprendre, capter l’air du temps – et il y parvient, au point de signer l’un des films les plus emblématiques d’une génération, en avance sur sa propre époque. 

C’est un Carné rajeuni, presque en embuscade, qui s’entoure de jeunes comédiens peu connus, dont certains deviendront les figures majeures de la Nouvelle Vague : Jean-Paul Belmondo (déjà fauve), Laurent Terzieff (voix blanche, regard brûlé), Pascale Petit, Jacques Charrier, ou encore Andréa Parisy. Il n’invente pas encore la révolution esthétique qui éclatera avec À bout de souffle deux ans plus tard, mais il en annonce l’élan, la désinvolture, la fragmentation douce des valeurs bourgeoises. 

Le film suit Bob (Jacques Charrier), fils d’un industriel lyonnais, monté à Paris pour préparer HEC. Mais il déserte les cours pour s’immerger dans le monde libre et flottant de Saint-Germain. Il y rencontre Alain (Laurent Terzieff), étudiant marginal, poète dandy qui vit de petites arnaques et de philosophie de comptoir, entouré d’un cercle d’amis qui refusent le travail, les règles, et jouent à aimer sans jamais s’attacher. Bob découvre aussi Michèle (Pascale Petit), jeune femme déjà lasse de tout, qui butine entre les hommes. Le film devient alors un tableau de cette "jeunesse qui ne croit plus à rien", sauf peut-être à sa liberté — fragile, fiévreuse. 

Ce qui séduit dans Les Tricheurs, c’est son mélange de classicisme formel et d’audace générationnelle. Carné ne révolutionne pas le langage cinématographique, mais il observe avec une sincérité désarmante cette nouvelle jeunesse. Il ne la juge pas, ne la fustige pas : il l’écoute. Il filme les cafés enfumés, les boîtes de jazz, les silences pleins de sens, les errances d’une jeunesse bourgeoise qui veut jouer aux pauvres et aux désespérés, tout en retournant dormir dans le confort des hôtels particuliers du 16e. 

Il y a un charme certain dans cette façon de capter l’inconfort moral d’une époque. Avant mai 68, avant même la révolte étudiante, cette génération cherche à fuir les modèles imposés. Elle triche avec la morale, avec l’amour, avec l’avenir. Elle n’est pas encore révolutionnaire, mais déjà un peu rebelle. Le titre est parfait : Les Tricheurs, ce sont ceux qui refusent de jouer le jeu social, tout en refusant aussi d’en inventer un autre. Ils flottent. 

Laurent Terzieff, silhouette longiligne et regard de braise glacée, incarne cette désinvolture absolue, ce dandysme de la désertion. Jacques Charrier est plus fade, mais sa fadeur même exprime bien ce garçon qui veut s’encanailler sans rien perdre. Quant à Pascale Petit, elle est un trait d’union entre la sensualité classique et la névrose moderne. Et Belmondo, déjà, crève l’écran dans un rôle secondaire, pure énergie, déjà ce mélange d’arrogance tendre et d’ironie rageuse. 

Le film, souvent critiqué à l’époque pour son "moralisme voilé", a gagné avec le temps une patine touchante. C’est une chronique douce-amère, jamais pontifiante, sur la difficulté d’exister sans cause, sans guerre, sans faim, sans horizon clair. La guerre est finie, l’abondance commence, mais que faire de soi dans ce monde de confort ? Boire, aimer, fuir, dormir tard, parler fort. Tricher. 

 NOTE : 12.90

FICHE TECHNIQUE


TOURNAGE

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