Le réalisateur de L’Homme de Marbre est décédé d’une
insuffisance pulmonaire. Hospitalisé depuis plusieurs jours, il se trouvait
dans un coma pharmacologique, a rapporté un proche de la famille sous couvert
d’anonymat, à l’AFP.
Cet artiste engagé a été pendant toute sa vie le chantre de
la difficile histoire polonaise à laquelle il a su donner une dimension
universelle, récompensée par un Oscar en 2000 pour l’ensemble de son œuvre.
Imprégné par l’expérience douloureuse de la guerre
Né le 6 mars 1926 à Suwalki, Andrzej Wajda veut suivre
l’exemple de son père, militaire de carrière, et tente, sans succès, d’entrer
en 1939 dans une école militaire, à la veille de la seconde guerre mondiale.
Pendant l’occupation nazie, il commence à suivre des cours de peinture qu’il
prolongera, après la guerre, à l’Académie des beaux-arts de Cracovie, avant
d’entrer dans la célèbre école de cinéma de Lodz.
Ses films sont imprégnés de l’expérience douloureuse de la
guerre, de la résistance polonaise contre les nazis. Son premier long-métrage
Génération (1955), un récit portant sur le sort de jeunes des faubourgs de
Varsovie pendant l’occupation, a donné naissance à la célèbre Ecole polonaise
de cinéma, courant où l’on entreprenait un débat sur l’héroïsme et le
romantisme polonais.
En 1957, Andrzej Wajda obtient à Cannes le Prix spécial du
jury pour son chef-d’œuvre sur l’insurrection de Varsovie en 1944, Kanal (Ils
aimaient la vie). « Ce fut le début de tout », avoua-t-il à l’AFP cinquante ans
plus tard. « Cela m’a permis de faire ce qui devait être mon film suivant,
Cendres et diamant (1958). Il m’a donné une position forte dans le cinéma
polonais. »
Sa Palme d’or lui évite la prison
En 1977, il présente au Festival de Cannes L’Homme de
marbre, critique de la Pologne communiste, à qui il donne une suite trois ans
plus tard dans L’Homme de fer. Le film, racontant pratiquement en temps réel
l’épopée de Solidarnosc, premier syndicat libre du monde communiste, est
récompensé par la Palme d’or à Cannes.
« Le jour de la Palme a été très important dans ma vie, bien
sûr. Mais j’étais conscient que ce prix n’était pas uniquement pour moi.
C’était aussi un prix pour le syndicat Solidarnosc. »
Andrzej Wajda a offert sa Palme d’or à un musée de Cracovie.
Elle y est exposée à côté d’autres trophées comme l’Oscar qui lui a été décerné
en 2000 pour l’ensemble de son œuvre. Alors que ses nombreux amis sont
emprisonnés lors du coup de force du général Wojciech Jaruzelski contre
Solidarnosc en décembre 1981, la Palme d’or le sauve de la prison.
Ses prises de position hostiles au régime de Jaruzelski
l’incitent à réaliser des films à l’étranger. Il tourne alors Danton (1983)
avec Gérard Depardieu, Un amour en Allemagne (1986), ou Les Possédés (1988) d’après
Dostoïevski.
Après la chute du communisme en 1989, Andrzej Wajda revient
à l’histoire avec notamment Korczak (1990), l’Anneau de crin (1993) ou La
Semaine Sainte (1995). Il adapte toujours au cinéma les grandes œuvres de la
littérature polonaise comme Pan Tadeusz, quand Napoléon traversait le Niemen
(1999) et La Vengeance (2002).
Un cinéaste aux multiples facettes
Dans Katyn, nominé à l’Oscar en 2008, il raconte l’histoire
tragique de son propre père, Jakub Wajda, qui fut l’un des 22 500 officiers polonais
massacrés par les Soviétiques en 1940, notamment à Katyn. Capitaine d’un
régiment d’infanterie de l’armée polonaise, il fut exécuté d’une balle dans la
nuque par le NKVD, la police secrète de Staline.
Le film de Wajda consacré au leader du syndicat Solidarnosc,
Lech Walesa, intitulé L’homme du peuple, est sorti en salles en 2013. Il a été
présenté lors du Festival de Venise en sélection hors compétition.
Amoureux du théâtre, Andrzej Wajda a également mis en scène
une quarantaine de pièces, dont plusieurs présentées à l’étranger, notamment en
Amérique du Sud et au Japon. Grand passionné de la culture japonaise, le
cinéaste a créé, en 1994 à Cracovie, un centre de civilisation japonaise,
Manggha. En 2002, il avait lancé sa propre école de cinéma et d’écriture de
scénarios.
Son dernier film, Powidoki (Après-image, 2016), qui a eu sa
première en septembre au Festival de Toronto et qui n’est pas encore sorti en
salle, sera le candidat polonais à l’Oscar. Wajda y raconte les dernières
années de la vie d’un peintre d’avant-garde et théoricien de l’art, Wladyslaw
Strzeminski, en lutte contre le pouvoir stalinien. Certains critiques y ont vu
une métaphore de la Pologne actuelle dirigée par les conservateurs du parti
Droit et Justice.
FILMOGRAPHIE
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