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mardi 5 avril 2016

LA BELLE SEMAINE DE CINEMA DE CRITIQUE CHONCHON

Un belle semaine de cinéma.
- "In Jackson Heights" (USA) de Frederick Wiseman.
Jackson Heights est l’un des quartiers les plus cosmopolites de New York. Ses habitants viennent du monde entier et on y parle 167 langues. Ce quartier incarne à lui seul la nouvelle vague d’immigration aux États-Unis et concentre les problématiques communes aux grandes villes occidentales comme l’immigration, l’intégration et le multiculturalisme. Wiseman s’invite dans le quotidien des communautés du quartier new-yorkais, filmant leurs pratiques religieuses, politiques, sociales et culturelles, mais aussi leurs commerces et leurs lieux de réunion. Il met également en lumière l’antagonisme qui se joue au sein de ces communautés, prises entre la volonté de préserver les traditions de leur pays d’origine et la nécessité de s’adapter au mode de vie et aux valeurs des USA.
Rien à redire, c'est un chef d'oeuvre.
- "Quand on a 17 ans" (France) de André Téchiné, avec Corentin Fila, Kacey Mottet Klein, Corentin Fila, Sandrine Kiberlain, Alexis Loret, Jean Fernerod, Jean Corso...
Damien, 17 ans, fils de militaire, vit avec sa mère médecin, pendant que son père est en mission. Au lycée, il est malmené par un garçon, Tom. La violence dont Damien et Tom font preuve l'un envers l'autre va évoluer quand la mère de Damien décide de recueillir Tom sous leur toit.
André Téchiné empoigne Jacques Derrida pour déconstruire totalement son oeuvre passée, sublime son Sud-Ouest adoré comme sait le faire Alain Guiraudie, magnifie les éléments comme le font les cinéastes japonais, fait des éléments la chair et le sang , l'un, Damien, air & feu, l'autre, Thomas, terre & eau, balance tous les clichés du genre (y compris les siens passés) par-dessus bord, et touche au sublime.
Impossible, d'aller davantage dans les détails, tellement j'ai lu d'âneries pontifiantes sur ce film. Sachez qu'il est bien davantage que ce que vous en avez lu. André Téchiné confirme encore qu'il est un des plus admirables directeurs au monde.
Si Marianne - qui, dans le contexte politique actuel ose dire "il n'y a pas de faux enfants" au gamin qui a été adopté - avait été incarnée par Yolande Moreau, "LA" louve du cinéma, j'aurais qualifié le film de chef d'oeuvre.
- "Un monstre à mille têtes" (Mexique) de Rodrigo Plá, avec Jana Raluy, Sebastian Aguirre Boëda, Hugo Albores...
Dans une tentative désespérée d’obtenir le traitement qui pourrait sauver la vie de son mari, Sonia Bonet part en lutte contre sa compagnie d’assurance aussi négligente que corrompue. Elle et son fils se retrouvent alors pris dans une vertigineuse spirale de violence. Un animal blessé ne pleure pas, il mord.
Le réalisateur mexicain-uruguayen Rodrigo Plá, à qui nous devons le passionnant "La Zona, propriété privée" (2007) nous propose un nouveau "thriller dramatique" particulièrement tendu et ramassé (1H15) techniquement parfait.
Il semblerait que nous soyons devant un des rares (le seul ?) réalisateurs mexicains avec des qualités techniques de ce niveauvnos disposé à aller se prostituer aux USA, et je crains qu'à terme il n'ait à le payer très cher. Qu'il continue à nous proposer des films aussi acérés sans se dégoûter de leur aspect "social" s'arcboutant contre l'ultra-capitalisme et le dénonçant à juste titre, sans faire de spectacle pétri d'esbroufe, et sa filmographie sera reconnue de très très haute tenue.
- "Soleil de plomb" (Croatie, Serbie, Slovènie) de Dalibor Matania avec Tihana Lazovic, Goran Markovic, Nives Ivanovic...
Soleil de Plomb met en lumière trois histoires d’amour, à travers trois décennies consécutives, dans deux villages voisins des Balkans marqués par une longue histoire de haine inter-ethnique. Soleil de Plomb est un film sur la fragilité – et l’intensité – de l’amour interdit.
C'est tout simplement magnifique. Mais on peut compter sur l'acculturation de masse et le mauvais goût généralisé pour que le film passe inaperçu.
- "Good Luck Algeria" (France, Belgique) de Farid Bentoumi avec Sami Bouajila, Franck Gastambide, Chiara Mastroianni, Hélène Vincent, Bouchakor Chakor Djaltia (magnifique), Coralie Avril, Fadila Belkebla...
Sam et Stéphane, deux amis d’enfance fabriquent avec succès des skis haut de gamme jusqu’au jour où leur entreprise est menacée. Pour la sauver, ils se lancent dans un pari fou : qualifier Sam aux Jeux Olympiques pour l’Algérie, le pays de son père. Au-delà de l’exploit sportif, ce défi improbable va pousser Sam à renouer avec une partie de ses racines.
A priori, on pourrait penser qu'il va s'agir d'une énième production M6. Raté ! C'est France 3, RTBF, Les Frères Dardenne, et ça se voit. Certes, cela reste globalement une comédie, mais un peu à la façon de l'admirable "Discount" de Louis-Julien Petit emporté par Corinne Masiero : pas que.
Oui, des problèmes sociaux (le risque de la fermeture d'une PMI et le risque de licenciements qui va avec), des problèmes d'égalité (le fils et la fille pourraient ne pas avoir le même héritage), un questionnement sur les origines (pas trop lourdaud, avec un simple voyage "au bled"), etc...
Alors le film essaie à sa façon, sans faire preuve de grande originalité quant à la réalisation, de faire cohabiter plusieurs genres. Et là, il faut souligner que Farid Bentoumi ne le fait pas avec des caisses de bons sentiments, mais simplement avec douceur.
Je ne peux pas nier - et ça ne me viendrait pas à l'idée ! - que le film est porté par la grâce de Sami Bouajila dont la palette de jeu est l'une des plus large du cinéma français, soutenu par la discrète tendresse de Chiara Mastroianni qui nous offre quelques répliques particulièrement savoureuses, et enfin amicalement épaulé par ce bien étrange Franck Gastambide, comédien original qui sort des sentiers battus, en ce sens qu'il n'est pas le gros lourdingue qu'on pourrait imaginer, mêlant humour et tendresse fraternelle avec talent.
De la légèreté pas trop sucrée, de la profondeur pas trop grasse. C'est ce que je qualifierai de très bon cinéma "populaire" (je n'aime pas trop le mot), qui ne sacrifie rien à son propos pour plaire.

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