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mercredi 6 mai 2015

JAUJA DE LISANDRO ALONSO par Critique Chonchon

Jauja
Un avant-poste reculé au fin fond de la Patagonie, en 1882, durant la prétendue «Conquête du désert», une campagne génocidaire contre la population indigène de la région. Les actes de sauvagerie se multiplient de tous côtés.
Le Capitaine Gunnar Dinesen (Viggo Mortensen) arrive du Danemark avec sa fille Ingeborg (Viiljork Malling Agger), âgée de quinze ans, afin d’occuper un poste d’ingénieur dans l’armée argentine, sous l'autoritéé du Lieutenant Pittaluga (Adrian Fondari) et de son soldat Esteban Bigliardi (Brian Patterson), ce dernier étant amoureux de Ingeborg.
Seule femme dans les environs, Ingeborg met les hommes en émoi. Elle tombe amoureuse d’un jeune soldat, et tous deux s’enfuient à la faveur de la nuit. À son réveil, le Capitaine Dinesen comprend la situation et décide de s’enfoncer dans le territoire ennemi pour retrouver le jeune couple.
Jauja est l’histoire de la quête désespérée d’un homme pour retrouver sa fille, une quête solitaire qui nous conduit dans un lieu hors du temps, que saura décrire une vielle dame tapie dans une grotte (Ghita Norby) où le passé n’est plus et l’avenir n’a aucun sens.
Il est heureux que ce genre de film de cinéma particulièrement radical dans sa forme ait encore sa petite place dans nos salles obscures. Mais il aura fallu la contribution, pour y parvenir, de l'Argentine, le Danemark, la France, le Mexique, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Brésil, et même les USA !
Nous devons "Jauja" au jeune scénariste-réalisateur-monteur argentin Lisandro Alonso, à qui l'on doit notamment "La Libertad" (2001), "Los Muertos" 2003), "Liverpool" (2008).
Le film tire son nom d'une légende. Dans la mythologie, "Jauja" (littéralement «Pays de Cocagne» ) était une terre d'abondance et de bonheur que de nombreuses personnes ont tenté de trouver, en vain.
Le film n'est pas très "accessible", en ce sens qu'il s'agit de cinéma "sensoriel" : il faut se laisser aller à "ressentir" ce que le 7è Art propose encore parfois, bien au-delà d'une histoire qui vous prend par la main et qui vous mène où il veut. Cette proposition de liberté faite au spectateur, aux antipodes d'une manipulation, est aussi troublante que salutaire.
Rares sont les réalisateurs qui sont parvenus à proposer à Viggo Mortensen des rôle à leur (dé)mesure. Le réalisateur se retrouve un peu parmi David Cronenberg ("A History of Violence", un chef d'oeuvre), Sean Penn ("Indian Runner) John Hillcoat ("La Route"), Ed Harris ("Appaloosa"), Brian de Palma, Gus Van Sant... ce qui est un hommage de ma part.
Lisandro Alonso, avec cette audace et cette liberté si rares aujourd’hui, qui nous fait redécouvrir la délicieuse sensation de se sentir perdu. Ce que détestent bien des spectateurs, toujours heureux qu'on leur dise quoi penser. Exigeant et fascinant, "Jauja" se révèle une surprenante expérience sensorielle.
Sous sa radicalité, et c’est ce qui fait de "Jauja" un si beau film, le récit se révèle tout entier dédié au partage d’une émotion limpide : la mélancolie d’être au monde et d’errer à la recherche d’un ailleurs à jamais insaisissable. Lisandro Alonso parvient à s'extraire d'une spatialité et d'une temporalité précises.
Pas de musique, mais le souffle de la respiration, les bottes qui dérapent sur les cailloux, et le vent, toujours, qui trouble le silence. La poésie est au prix de cette manière forte. Une quête aux confins de l’espace et du temps. Un "post-western" onirique, d'une exceptionnelle beauté.

CRITIQUE CHONCHON

JAUJA de LISANDRO ALONSO avec Viggo Mortensen, Adrian Fondari et Brian Patteron

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