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mardi 1 septembre 2015

DHEEPAN de JACQUES AUDIARD par Critique Chonchon

"Dheepan - L'homme qui n'aimait pas la guerre"
Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, Dheepan, un ancien soldat guérillero des Tigres tamouls (Anthonythasan Jesuthasan), Yalini, une jeune femme (Kalieaswari Srinawasan) et Illayaal, une petite fille (Claudine Vinasithamby), se font passer pour une famille.
Réfugiés en France, recrutés comme gardiens par Youssouf (Marc Zinga) dans une cité sensible, apprenant comment fonctionne cette cité avec sa violence, son trafic de drogue sous la houlette de Brahim (Vincent Rottiers) et son dealer (Francl Falise); se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.
Comme pour "Un Prophète" et "De rouille et d'os", Jacques Audiard a travailler avec le très bon scénariste qu'est Thomas Bidegain, proposant un film particulièrement bien ficelé, par ailleurs originalement mis en musique par Nicolas Jaar.
Auréolé de la Palme d'Or, "Dheepan" présente évidemment la caractéristique d'être un film au pari audacieux, du fait qu'il est en tamoul, du fait aussi qu'il touche à une actualité brûlante, celle des réfugiés.
Oui mais. Il est difficile - est-il même souhaitable ? - si Jacques Audiard que l'on soit, de courir tant de lièvres à la fois. En effet, entre ce qui est de la fable familiale, ce qui est de la violence dans une cité de banlieue, ce qui retourne de la problématique des réfugiés, il y a fort à faire, et trouver un juste équilibre relève du travail d'orfèvre. À mon sens, la fable familiale l'emporte trop sur tout le reste, vidant le film de la dimension politique à laquelle il prétend.
Impossible de contester la réalisation, les cadrages (notamment les gros plans, parfois sur une main, un oeil, magnifiques), la photographie (le film est tourné est CinémaScope, et c'est magnifique), la musique… Impossible aussi de contester la force des personnage et l'interprétation des trois principaux interprètes, acteurs amateurs. Impossible enfin de contester les choix de Vincent Rottiers (toujours excellent), de Marc Zinga (série "Engrenages", puis "Qu'Allah bénisse la France" d'Ab El Malik et "Jamais de la vie" de Pierre Jolivet face à Olivier Gourmet), du jeune Franck Falise (découvert notamment dans "La fin du silence" et "La maison vide"…
Incontestablement, dès qu'il faut filmer la violence, dans son processus de maturation jusqu'à son explosion dans ce qu'elle a parfois de plus subit et de plus fulgurant, et ses abominables et meurtrières conséquences, Jacques Audiard est un maître. Pourtant, il dresse un portrait d'une cité de banlieue, sans lueur d'espoir, qui m'apparaît, d'une part exagéré, d'autre part vu maintes fois.
Au final, j'ai trouvé que Jacques Audiard, à trop vouloir en mettre dans son film, en a beaucoup perdu, laissant la part trop imposante à ce qui finalement m'intéresse le moins, la construction d'une cellule familiale harmonieuse et aimante sur la base d'une nécessité de circonstances, à savoir pour ce père, cette père et cette fille, de se construire et d'apparaître comme une famille pour être acceptés comme réfugiés, au point d'en occulter tout ce qui participe à l'insertion dans une société
Malgré mes réserves, je ne saurais dénier à "Dheepan" la Palme d'Or qu'il a reçue (la mienne allant à Apichatpong Weerasethakul et son somptueux "Cemetery of Splendour") , car il a su évoquer, certes de façon subjective, le sort de ces réfugiés, leurs espoirs, leurs souffrances, leurs espoirs. Mais je sais aussi que sur certains sujets, et le cas des réfugiés en fait partie, où il faut savoir, en quelque sorte, proposer un film en forme de "coup de poing".

Dheepan de Jacques Audiard par Critique Chonchon

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