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samedi 18 janvier 2025

16.30 - DANTON DE ANDREZEJ WAJDA (1983)

 


Vu le film Danton de Andrzej Wajda (1983) avec Gérard Depardieu Anne Alvaro Emmanuelle Debever Boguslav Linda Wojcieh Pszoniak Patrice Chereau Jacques Villeret Angela Winkler Roland Blanche Roger Planchon

Paris, dans un printemps 1794 qui semble glacé : les premiers plans montrent des sans-culottes se réchauffant près d'un brasero. Depuis septembre 1793 c'est la première partie de la Terreur, où la faction perdante, ici les moins extrémistes, sont menés à la guillotine.

Le député montagnard Danton a quitté sa retraite d'Arcis-sur-Aube et gagné Paris pour appeler à la paix et à l'arrêt de la Terreur. Populaire, appuyé par la Convention et des amis politiques qui ont de l'influence sur l'opinion (notamment le journaliste Camille Desmoulins), il défie Robespierre et le puissant Comité de salut public. Danton, présenté comme un bon vivant, est impliqué dans plusieurs affaires de corruption, dont celle de la Compagnie des Indes : mais Robespierre refuse d'abord de le mettre en accusation, craignant la colère des classes populaires qui ont porté la Révolution. C'est une entrevue avec son adversaire, véritable huis clos mettant à jour les divergences politiques et les caractères irréconciliables des deux leaders de la Révolution, qui consomme la rupture. Sur proposition de Robespierre, le Comité déclare l'arrestation de Danton et ses amis.

 

Andrzej Wajda, en adaptant Danton, ne se contente pas de revisiter une page tumultueuse de l’histoire de France : il propose un miroir tendu à la modernité, révélant les tensions éternelles entre pouvoir, idéaux et trahisons. Le film s’ouvre comme un théâtre de la décomposition révolutionnaire, où la camaraderie entre Danton et Robespierre se fissure sous le poids de leurs ambitions divergentes. Ces deux figures emblématiques, autrefois unies dans la lutte pour la liberté, incarnent désormais deux visions opposées : Danton, l’homme du peuple, pragmatique et charismatique, et Robespierre, l’incarnation inflexible d’un idéal pur et intransigeant.

Gérard Depardieu, dans le rôle-titre, livre une performance monumentale, presque gargantuesque, qui capture parfaitement l’exubérance et la vitalité de Danton. Il ne joue pas Danton : il l’incarne, le dévore, s’approprie chaque nuance de ce personnage à la fois magnétique et tragique. En face, Wojciech Pszoniak, dans la peau de Robespierre, offre une interprétation glaçante et austère, révélant les méandres psychologiques d’un homme rongé par la responsabilité et la solitude. Leur affrontement devient une véritable danse mortelle, où chaque échange de répliques est une bataille d’idéologies.

Wajda sublime ce duel en orchestrant une mise en scène à la fois grandiose et intimiste. Les décors, plongés dans des tonalités sombres et hivernales, rappellent l’ambiance oppressante d’une époque où la Révolution commence à se dévorer elle-même. Les costumes, d’une précision historique remarquable, ne sont pas seulement des accessoires : ils deviennent des symboles des forces en jeu, contrastant la simplicité presque monacale de Robespierre avec la flamboyance terrienne de Danton.

Ce qui rend le film terriblement actuel, c’est la réflexion qu’il propose sur la politique comme théâtre du pouvoir. Si autrefois la guillotine tranchait les désaccords, aujourd’hui, Internet est devenu cet outil impitoyable qui détruit les réputations et les carrières. Wajda montre à quel point la quête du pouvoir est corrosive : elle transforme les amis en ennemis, fait naître la haine là où il y avait la fraternité, et impose des choix tragiques.

Chaque personnage secondaire, de Camille Desmoulins à Saint-Just, pourrait en effet être le sujet d’un film à part entière, tant leurs trajectoires sont riches et complexes. Wajda leur offre cependant suffisamment de relief pour qu’ils contribuent au drame collectif, tout en laissant la lumière briller sur ses deux figures centrales.

En somme, Danton est un chef-d’œuvre de cinéma historique, mais aussi une parabole intemporelle. Wajda, en cinéaste européen visionnaire, prouve que les luttes de pouvoir, les trahisons idéologiques et les dilemmes moraux transcendent les époques. Et avec Depardieu en figure de proue, ce film ne se regarde pas : il se vit, comme un moment suspendu où l’histoire et l’humanité s’entrechoquent.

NOTE : 16.30

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