Vu le film Natacha (Presque) Hôtesse de l’Air de Noemie Saglio (2025) avec Camille Lou Vincent Dedienne Didier Bourdon Baptiste Lecaplain Isabelle Adjani Elsa Zylberstein Antoine Gouy Fabrice Lucchini Anne Charrier
Natacha rêve depuis toute petite d'être hôtesse de l'air. Alors qu'elle s'apprête à y parvenir, elle se retrouve impliquée malgré elle dans une aventure inattendue, à la poursuite des voleurs de La Joconde.
Natacha, presque hôtesse de l’air de Noémie Saglio est l’exemple même du film qui prétend décoller mais s’écrase avant d’atteindre l’altitude minimale de la comédie charmante. Adapté très librement de la bande dessinée culte de François Walthéry et de Gos — deux figures marquantes du franco-belge humoristique —, le film trahit presque systématiquement l’esprit de l’œuvre originale. Là où la BD proposait une héroïne pétillante, curieuse, pleine de ressources, insérée dans des aventures drôles et un brin sexy sans jamais tomber dans la vulgarité ou la bêtise, le long-métrage semble avoir oublié tout cela au fond d’un compartiment à bagages.
Le scénario suit vaguement Natacha (Camille Lou), une jeune femme qui rêve de devenir hôtesse de l’air mais se retrouve embarquée dans un enchaînement de mésaventures absurdes aux côtés de son colocataire gay hystérique (Vincent Dedienne) et d’une mère exubérante incarnée par Isabelle Adjani, méconnaissable, coincée dans une caricature à mi-chemin entre la cougar et la marraine foldingue. Le film tente de conjuguer empowerment féminin, humour pastel et délire grand public, mais finit par n’être ni drôle, ni pertinent, ni même divertissant, sauf peut-être pour les spectateurs les moins exigeants par un dimanche soir de fatigue.
Camille Lou, pleine de bonne volonté, fait ce qu’elle peut avec un rôle qui hésite entre la cruche courageuse et la princesse gaffeuse. Mais elle n’a ni la légèreté graphique, ni la malice incarnée par la Natacha de la BD. Là où Walthéry dessinait une héroïne gracieuse, mutine et un peu fantasque, Lou grimace, surjoue, rit, court, crie, change de tenue, tombe amoureuse, se fait larguer, revient, retombe… sans que jamais l’émotion n’affleure ou que le comique fonctionne. À force de la voir ainsi sollicitée sur tous les tons, elle s’épuise — et nous avec.
Vincent Dedienne, pourtant souvent fin sur scène, est ici enfermé dans un rôle stéréotypé à l’extrême : le meilleur ami gay de comédie romantique, version moulin à répliques creuses et bras en l’air. Il cabotine, minaude, s’agite beaucoup, mais ne dégage aucune présence cinématographique réelle. On le croirait sorti tout droit d’un téléfilm TF1, ce qui est peut-être d’ailleurs l’intention de mise en scène. Car oui, tout dans ce film — des décors aseptisés aux cadrages plats, en passant par la direction d’acteurs flottante — évoque une production télévisuelle un peu plus chère que la moyenne.
Didier Bourdon, désabusé qui en a vu d’autres, s’en sort mieux. Il fait du Bourdon, avec un flegme rassurant et quelques traits d’humour lancés avec une précision de vieux routier. Il apporte ce soupçon de vérité qui manque cruellement aux autres. Mais sa présence, loin d’élever le film, agit plutôt comme un indicateur : lorsqu’un vétéran du rire aussi rodé apparaît dans un tel projet, c’est qu’on navigue dans les eaux du nanar bon teint.
Quant à Isabelle Adjani, sa prestation reste un mystère. Pourquoi accepte-t-elle ce type de rôle où elle est réduite à une caricature d’elle-même, perruque improbable, phrases grotesques, grimaces en cascade ? Elle semble avoir été parachutée dans le film sans script, livrée à elle-même, et confond ici excentricité et parodie, énergie et agitation. Sa prestation donne parfois lieu à un rire nerveux, mais le plus souvent, on détourne les yeux par gêne.
Et pourtant, les dix premières minutes laissaient entrevoir un film léger et enlevé, presque attachant. Une sorte de comédie d’initiation aérienne, au ton acidulé. Mais très vite, les gags deviennent laborieux, les répliques tombent à plat, et l’intrigue s’effondre dans une suite de sketchs déconnectés : vol en avion saboté, stage de survie absurde, romance improvisée avec un pilote suédois aussi expressif qu’un pilote automatique. On finit par ne plus rien attendre, si ce n’est le générique de fin.
« Natacha, presque hôtesse de l’air » n’est pas seulement une trahison de la BD originale, c’est aussi un rendez-vous manqué avec le vrai potentiel comique de ses interprètes. Derrière ses airs de girl power gentil et inclusif, le film s’englue dans des codes périmés, des blagues éculées et une mise en scène sans souffle. Une comédie qui n’a pas peur du ridicule, mais qui oublie d’être drôle. On voulait voyager, on reste cloué au sol.
NOTE : 7.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Noémie Saglio[]
- Scénario : Noémie Saglio et Laurent Turner, d'après Natacha de François Walthéry et Gos[]
- Musique : Erwann Chandon
- Décors : Gladys Garot et Stanislas Reydellet
- Costumes : Isabelle Mathieu
- Photographie : Nicolas Massart
- Son : Hélène Lelardoux, Serge Rouquairol et David Rit
- Montage : Thibaut Damade
- Production : Vanessa Djian[], Émilie Pégurier et Nathalie Toulza-Madar
- Coproduction : Ardavan Safaee
- Production exécutive : Éric Jollant
- Sociétés de production : Daï Daï Films[ et TF1 Studio, en coproduction avec Logical Content Ventures, Pathé Films, Petite Panthère Productions, TF1 Films Production et Scope Pictures
- Société de distribution : Pathé Films (France, Suisse) ; Case Départ Distribution (Belgique)
- Budget : 16 millions d'euros
- Camille Lou : Natacha
- Vincent Dedienne : Walter
- Didier Bourdon : André Molrat
- Elsa Zylberstein : Colette
- Antoine Gouy : Jacques
- Isabelle Adjani : Mona Gherardini
- Fabrice Luchini : le narrateur
- Baptiste Lecaplain : Bernard Fouard-Michel, dit BFM
- Anne Charrier : Madeleine Malo, la mère de Natacha
- Philippe Vieux : Roger Malo, le père de Natacha
- Daphné Richard : Natacha, enfant
- Barbara Bolotner : Lisa
- Virgile Bramly : Capitaine Turbo
- Charles Gabriel : Claude

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