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vendredi 18 juillet 2025

7.90 - AVIS SUR LE FILM SOUS LA SEINE DE XAVIER GENS (2024)


 Vu le film  Sous la Seine de Xavier Gens (2024) avec Bérénice Bejo Nassim Lyes Léa Léviant Anne Marivin Anaïs Parello Inaki Lartigue Julien Jakout Timi-Joy Marbot 

 Été 2024. En pleins championnats du monde de triathlon sur la Seine, une jeune militante écologique prévient de toute urgence une scientifique qu'elle vient d'apercevoir un immense requin mako dans une rivière le menant vers Paris. Avant qu'il ne soit trop tard, cette dernière prévient un commandant de la police fluviale Il s'agit en fait d'un requin qui se reproduit par parthénogenèse : cette femelle n'a besoin d'aucun mâle pour se reproduire 

Il y avait pourtant une promesse. Un film de requin made in France, tourné dans le décor improbable mais excitant d’un Paris olympique, avec la Seine pour théâtre et des nageurs en guise d'amuse-gueules. Un réalisateur aguerri en matière de films de genre (Frontière(s), La Horde), une bande-annonce efficace, et un contexte en or : les JO de Paris 2024 approchaient, la Seine redevenait baignable — quel meilleur moment pour faire surgir un mégalodon mutant des profondeurs urbaines ? Las ! Ce qui devait être un thriller fun et bourrin, un croisement entre En eaux troubles et Yamakasi contre le Léviathan, tourne rapidement à la catastrophe. 

Dès les premières scènes, Sous la Seine échoue à poser ses enjeux. Le personnage principal, une scientifique traumatisée par la mort de son compagnon (bouffé par le requin, bien sûr), incarne la gravité d’un film qui n’a pourtant rien de sérieux à offrir. À ses côtés, Lyes Salem, impeccable de présence physique, cabotine un peu mais sauve l’honneur dans la mesure du possible. Et puis il y a cette maire de Paris, interprétée par Anne Marivin, improbable sosie fictionnel de Valérie Pécresse : brushing dur comme une visière de CRS, tailleur color-block, ton péremptoire… Le personnage, entre satire involontaire et pur foutage de gueule, incarne parfaitement l’ambiguïté du projet : est-ce qu’on se moque de nous ou pas ? 

Le gros souci, c’est que pendant trois longs quarts d’heure (voire trois longs quarts du film), rien ne fonctionne. Les effets spéciaux sont d’une indigence presque touchante, entre incrustations douteuses et requins animés comme des avatars PlayStation 2. Les dialogues, eux, hésitent entre jargon scientifique de série Z et punchlines tombant à plat. Quant à la tension, elle est absente : le film semble constamment anesthésié, comme s’il n’assumait ni son potentiel nanardesque, ni sa mission de blockbuster estival. 

Et pourtant… contre toute attente, le dernier quart d’heure remonte la pente à toute allure. Le carnage tant espéré arrive enfin, et il est si absurde qu’il en devient jouissif. Imaginez : une épreuve de natation en plein cœur de Paris, des dizaines d’athlètes musclés, huilés, concentrés… et d’un coup, le chaos. Le requin géant surgit comme un messie de l’apocalypse aquatique et transforme le bassin en soupe sanglante. Les spectateurs hurlent, les journalistes filment, et la mairie panique — en tailleur, bien sûr. On pense au Jour des morts-vivants, version fluviale. On rit. On crie. On applaudit presque. 

La fin, ouverte sur une suite improbable (des requins ailleurs dans le monde ? la Tour Eiffel engloutie ?), laisse un goût de ce que le film aurait pu être : une série B décomplexée, mordante et drôle. Mais au lieu de cela, Sous la Seine alterne entre indigence technique, dialogues patauds, symbolique écologique plaquée et personnages mal dessinés. Seuls quelques éclats surnagent, comme un radeau dans un océan de médiocrité. 

C’est un cas d’école : comment transformer un pitch en or en un navet digital ? Spielberg, avec Les Dents de la mer, n’avait pas besoin d’un million d’effets numériques — il avait le sens du timing, de la peur, du mythe. Ici, on a l’impression que personne ne sait exactement quel film on tourne. Un pamphlet écolo ? Une parodie ? Un survival ? Un gros délire à la Sharknado ? Ce flou ruine tout. 

Il reste la Seine, magnifique, ténébreuse, mal exploitée. Il reste Lyes Salem, crédible en baroudeur. Il reste Anne Marivin, qui a compris qu’on tournait une comédie. Et il reste ce dernier quart d’heure, baroque, grotesque, presque jouissif. 

Mais tout cela, pour un film qui aurait pu être l’un des grands plaisirs coupables de l’été 2024 ? Non. Trop peu. Trop tard. La foule crie, crie, crie, oui — mais pas de peur. De consternation 

NOTE : 7.90

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Xavier Gens
  • Scénario : Yannick Dahan, Xavier Gens et Maud Heywang, d'après une idée d'Édouard Duprey et Sébastien Auscher
  • Adaptation : Yael Langmann et Olivier Torres
  • Musique : Alex Cortés, Anthony d'Amario et Édouard Rigaudière[]
  • Décors : Hubert Pouille
  • Costumes : Camille Janbon
  • Photographie : Nicolas Massart[]
  • Son : Jacques Sans
  • Montage : Riwanon Le Beller
  • Production : Vincent Roget
  • Production exécutive : Fernando Victoria de Lecea (Espagne) et Daniel Delume (France)
  • Production déléguée : Vincent Roget et Bastien Sirodot (Let Me Be)
  • Production associée : Édouard Duprey (Kaly Productions) et Sébastien Auscher (Program Store)
  • Sociétés de production : Netflix (France), en coproduction avec Let Me Be (Belgique), associé avec Kaly Productions et Program Store, en association avec Umedia-Ufund (Belgique)
  • Société de distribution : Netflix
  • Budget : 19,6 millions d'euros

DISTRIBUTION

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