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lundi 28 juillet 2025

2.30 - MON AVIS SUR LE FILM LES CONDES DE NORDINE SALHI ET RYAD LUC MONTEL (2025)


 Vu le Film Les Condés de Nordine Salhi et Ryad Luc Montel  (2025) avec Nordine Salhi Ichel Bougheraba Arriles Amrami Moussa Maaskri Salomé Granelli Soprano Ted Etienne Samba Sarr Kenza Fortas 

À Marseille, la Police Nationale n’y arrive plus ! Le ministre de l’Intérieur décide donc de créer une brigade de super flics avec un super salaire pour motiver le plus possible les candidats. Dès le lendemain, une file interminable de profils improbables se forme devant les commissariats de la ville. 

Parmi les postulants retenus se trouvent un menteur, un endetté, un conspirationniste, un pseudo rappeur et un raciste. Et si ces futurs Condés devenaient la meilleure chance de l’École de Police ? 

Quand on pense que Marseille a vu naître French Connection, Bac Nord ou même le plus modeste mais sincère Marius et Jeannette, on se dit qu’elle méritait mieux que Les Condés, cette parodie de comédie policière qui ne fait ni rire, ni réfléchir, ni même soupirer. C’est un film qui ressemble à une blague de fin de tournage mal digérée, une suite de scènes potaches montées bout à bout avec un vague fil rouge pour ne pas passer pour un sketch Youtube de 1h40. 

Le postulat, arraché sans vergogne à Police Academy : une nouvelle réforme policière autorise n’importe qui à intégrer la police sans condition de diplôme ni de casier judiciaire. Les « rebuts » de la société se pressent alors pour enfiler le képi, parmi eux un YouTubeur gaffeur, un ancien dealer reconverti en influenceur halal, et un fan de Jean-Claude Van Damme. Le tout encadré par une hiérarchie dépassée, caricaturée, bien entendu raciste ou hystérique selon les scènes. Autant dire que l’on patauge d’entrée dans le stéréotype. L’histoire, c’est donc ça : une école de police transformée en kermesse, des bleus incompétents qui dérapent, et une mission finale foireuse censée les révéler. 

Mais contrairement à Police Academy, qui assumait son ton absurde et satirique avec rythme, Les Condés est une véritable purge. Aucun rythme, aucun sens du timing comique, aucun travail de mise en scène — rien. Les gags sont mous, les dialogues semblent improvisés en fin de soirée, et le scénario ne fait que poser des situations en espérant que le simple fait de les montrer suffise à faire rire : un entraînement au taser qui tourne mal, une planque qui vire à la soirée chicha, un interrogatoire mené comme un sketch de stand-up raté… tout est cousu de fil blanc, sans surprise, sans nerf. 

Nordine Salhi, qui co-réalise et tient le rôle principal, recycle son personnage des Déguns en flic malgré lui, mais ce qui pouvait avoir un charme de banlieue dans une web-série de 2015 devient ici l’illustration du nivellement par le bas. Ichem Bougheraba, qui avait déjà participé au désastre des Segpa, cabotine sans vergogne, coincé entre des grimaces et des cris hors contexte. Quant à Arriles Amrani, qu’on a vu bien plus inspiré dans Sous Écrous, il est ici réduit à un rôle de sidekick gentil benêt, probablement écrit sur un coin de nappe. 

L’ensemble accumule les clichés : l’officier de police psychorigide (une parodie de commissaire façon Louis de Funès, sans la verve), la fliquette sexy mais autoritaire (toujours filmée de dos ou de bas, bien sûr), le chef de gang en survêt’ signé, les petits vieux racistes du quartier… Tout est caricaturé à la truelle, et pire encore : le film croit parfois donner dans la satire sociale. Une scène ose un parallèle entre la violence institutionnelle et les violences de quartier, sauf qu’elle est écrite et filmée avec une telle platitude qu’elle frôle l’insulte intellectuelle. 

Côté technique, c’est d’une pauvreté consternante. Les scènes d’action sont hachées, sans rythme, et les séquences de dialogue enchaînent les champs/contrechamps d’une banalité affligeante. La bande-son empile les beats stéréotypés entre deux effets sonores empruntés à une app de montage gratuite. Le montage est incohérent, la lumière absente (ou surexposée), et certains raccords donnent l’impression qu’on a changé de film en cours de route. 

Il faut aussi parler du ton général : on sent une volonté d’anti-système à la Cité de la peur, mais sans l’ironie, sans le recul, et sans le sens du cinéma. C’est un film qui confond vulgarité avec audace, imitation avec hommage, et YouTube avec comédie de cinéma. Marseille, ville de contrastes et de récits riches, est réduite ici à un décor de carte postale bruyante : les calanques, les keufs, les merguez, les vannes. 

Et que dire du casting secondaire ? Composé d’influenceurs, d’humoristes TikTok ou de pseudo-comédiens de stand-up, il donne l’impression d’un film fait pour cocher des cases, pas pour raconter quoi que ce soit. Aucun personnage n’existe au-delà de son trait forcé, aucun lien ne se construit, aucun enjeu ne semble réel. On est dans une suite de sketchs qui tournent en rond, comme si le film ne savait pas lui-même ce qu’il voulait. 

Le final, censé être spectaculaire, est une mission ratée de démantèlement de réseau de drogue dans une zone industrielle. Il aurait pu être absurde ou délirant, mais c’est filmé comme un téléfilm France 3 du dimanche après-midi, avec des dialogues ridicules ("On est pas là pour distribuer des pains au chocolat !") et une mise en scène digne d’une vidéo de caméscope. 

 
Les Condés, c’est ce que le cinéma français produit de pire quand il prend le spectateur pour un client captif et sans exigences. C’est paresseux, mal joué, vulgaire sans panache, et surtout profondément vide. Marseille, qui regorge de talents, de culture et de récits possibles, mérite un cinéma plus ambitieux, plus respectueux, plus inventif. Là, on a juste un produit. Une mauvaise comédie qui ne fait rire que ses auteurs, et encore, on n’en est pas sûr. 

Une étoile, pour la lumière naturelle de Marseille. Le reste est à jeter. 

NOTE : 2.30



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