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mardi 29 juillet 2025

17.20 - MON AVIS SUR LE FILM ADIEU POULET DE PIERRE GRANIER DEFERRE (1975)

 


Vu le film Adieu Poulet de Pierre Granier Deferre (1975) avec avec Lino Ventura Patrick Dewaere Victor Lanoux Pierre Tornade Françoise Brion Christiane Tissot Claude Rich Claude Brosset Julien Guiomar Michel Beaune Gérard Herold Valérie Mairesse Henri Attal Michel Peyrelon Jacques Rispal Henri Lambert  

Alors que la campagne électorale bat son plein à Rouen, le commissaire Verjeat et les inspecteurs Lefèvre et Moitrier enquêtent dans une maison close : l'un des clients est mort en pleine épectase. Avant que Verjeat ne décide quel tour faire prendre à son enquête, la tenancière de la maison le prévient qu'elle connaît nombre de personnalités importantes. Le commissaire comprend que cette enquête n'ira jamais très loin. 

Il y a des films policiers qui vieillissent, d’autres qui s’érodent, et quelques-uns, rares, qui prennent avec le temps une densité presque documentaire. Adieu Poulet fait partie de cette dernière catégorie. Derrière son apparente simplicité de polar à la française se cache un portrait acide, lucide, quasi sociologique d’une époque où la politique, la justice et la police formaient un triangle aux angles aussi tranchants que poreux. Un film que l’on revoit avec le même plaisir – le mot est juste – parce qu’on sait qu’il va s’attaquer aux puissants avec hargne et humour, et qu’il le fait à travers un duo d'acteurs inoubliables. 

L’histoire, tirée du roman de Raf Vallet, s’ouvre dans une ville moyenne du nord de la France (Rouen, mais elle pourrait être n’importe quelle sous-préfecture gangrénée par les magouilles). En pleine campagne électorale, un militant est assassiné. Très vite, le nom de Pierre Lardatte (Victor Lanoux), politicien local ambitieux, surgit dans l’enquête. Le commissaire Vergeat (Lino Ventura), vieux flic droit dans ses bottes, se retrouve face à une enquête gênante que sa hiérarchie aimerait bien voir étouffée. Il est épaulé par l’inspecteur Lefèvre (Patrick Dewaere), jeune chien fou, fougueux, insolent, mais loyal. Ensemble, ils vont creuser, insister, bousculer, refuser de fermer les yeux. 

Ce qui fait la force du film, c’est d’abord cette tension permanente entre intégrité et compromission. Dans cette petite ville, tout le monde se connaît. Le juge (Claude Rich) dîne avec les notables, la police fait parfois "avec", les prostituées , les indics, les notables et les politiques se croisent dans un bal cynique où l’intérêt personnel passe avant tout. Sauf que Vergeat, lui, ne marche pas. Et c’est là qu’on jubile. 

Lino Ventura, en commissaire désabusé mais encore capable de colère froide, est parfait. Il ne surjoue jamais, il incarne. Son regard, ses silences, ses répliques cinglantes sont autant d’actes de résistance à cette société corrompue. Face à lui, Patrick Dewaere est un ouragan : il balance des vannes, il provoque, il défonce les portes. Leur duo fonctionne à merveille : c’est le choc de deux styles, deux générations, mais la même haine du pourri. 

La mise en scène de Granier-Deferre est sèche, directe, sans fioritures, mais redoutablement efficace. Il filme cette ville comme un étau, avec ses ruelles sombres, ses bureaux miteux, ses couloirs de commissariat où l’on parle à voix basse. Il ne cherche pas à styliser l’action, il préfère laisser ses acteurs et ses dialogues porter le poids du récit. Et ça fonctionne : pas une scène qui ne sonne faux, pas un mot qui ne semble écrit pour le bon plaisir du style. Tout est tendu vers la vérité de la situation. 

Le scénario n’est pas qu’une enquête : c’est une charge contre une République des copains, où les puissants veulent la paix sociale pour garder leurs prébendes, où les flics doivent se soumettre ou dégager. En cela, Adieu Poulet est presque un brûlot. On comprend ce que Boisset (L’Attentat, Un Condé) aurait pu en faire s’il avait été derrière la caméra : un film plus frontal, plus rageur. Mais là où Boisset attaque à la sulfateuse, Granier-Deferre tire à la carabine de précision. 

Autour de Ventura et Dewaere, une véritable troupe de seconds rôles en or : Victor Lanoux, formidable en politicien verreux, à l’air bonhomme mais aux méthodes de voyou ;Claude Rich, toujours grand en magistrat ricanant et infect ; Michel Peyrelon, Julien Guiomar , Pierre Tornade ou Claude Brosset… Tous apportent leur densité à cet univers où rien n’est simple. Même les "seconds couteaux" sont ciselés. 

La scène finale, sobre et sèche, laisse un goût amer. La vérité a peut-être éclaté, mais les pourris continuent de sourire dans les couloirs du pouvoir. Il n’y a pas de victoire, juste un sursaut d’honnêteté, et deux flics qui auront fait leur boulot. Jusqu’au bout. 

 
Adieu Poulet est un grand polar français. Un film sec, tendu, intelligent, porté par un duo mythique. À la fois comédie noire, charge politique et drame humain. Il respire la France des années 70, mais reste d’une actualité brûlante : les puissants protégés, la police instrumentalisée, la colère des justes étouffée. Un classique qui mérite d’être redécouvert, encore et toujours. 

NOTE : 17.20

FICHE TECHNIQUE


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