Pages

lundi 14 juillet 2025

13.20 - MON AVIS SUR LE FILM ICARE DE BRYAN FOGEL ET DAN COGAN (2017)


 Vu le film Documentaire  Icare de Bryan Fogel et Dan Cogan (2017)  

Le cinéaste lève le voile sur le dopage dans le sport. Une rencontre fortuite avec un scientifique russe transforme l'enquête en thriller géopolitique. Ensemble, ils exposent le plus gros scandale du sport dans l'histoire. 

En s’ouvrant comme une modeste expérience documentaire sur les effets du dopage, Icare prend très vite une tournure inattendue, haletante, presque digne d’un thriller d’espionnage. Ce n’est plus seulement une enquête sur le sport, mais un portrait des zones grises du pouvoir, de la manipulation d’État et de l’éthique à géométrie variable des grandes institutions internationales. À l’origine, Bryan Fogel, passionné de cyclisme, voulait simplement tester le système en se dopant lui-même pour un modeste contre-la-montre amateur. Il pensait tomber sur quelques failles, obtenir quelques anecdotes. Il va déclencher un séisme mondial. 

C’est en cherchant un "coach scientifique" pour l'aider à se doper tout en échappant aux contrôles qu’il tombe sur le professeur Grigory Rodtchenkov, alors directeur du laboratoire antidopage de Moscou. L’homme, fantasque, érudit, mystérieux, évoque à la fois un professeur foldingue et un roman d’espionnage. Le spectateur découvre peu à peu l’ampleur du système russe : ce n’est pas seulement un scandale de quelques sportifs isolés, mais un dopage institutionnalisé, organisé par l’État russe, avec la complicité des services secrets. Flacons remplacés, échantillons trafiqués, agents du FSB en embuscade dans les laboratoires : Icare prend des airs de film d'espionnage à la John le Carré, tout en restant solidement ancré dans le réel. 

Rodtchenkov, figure centrale du film, passe d’un complice lucide à un lanceur d’alerte en fuite, en contact permanent avec Fogel par mails cryptés, SMS codés, appels de téléphone jetables… On sent la paranoïa, la peur, mais aussi une forme de soulagement chez lui. Le film devient alors une course contre la montre pour faire sortir Rodtchenkov de Russie et le mettre en sécurité avant que le Kremlin ne mette la main sur lui. Ce dernier agit comme s’il avait encore un pied dans le monde des espions, comme s’il jouait un rôle. Est-il sincère ? Repenti ? Manipulateur ? Fogel ne tranche jamais, et c’est ce qui rend son film si captivant. 

Par-delà l’affaire russe, Icare questionne avec acuité le rôle des institutions. La Fédération Internationale d’Athlétisme, plus réactive, finit par exclure la Russie des JO de Rio et des Championnats de Londres. Mais le CIO reste d'une tiédeur coupable, en ménageant certains pays, certaines fédérations, certains enjeux politiques ou économiques. La Russie est pointée du doigt, mais d’autres pays de l’Est, voire certains États africains, restent peu inquiétés. Et la France elle-même, qui a connu ses anciens dopés devenus entraîneurs ou commentateurs médiatiques, n’est pas tout à fait blanche non plus. 

Le film dénonce aussi la manière dont certains journalistes médiatiques, au nom d’une fausse compassion ou d’un storytelling de rédemption, défendent d’anciens champions du monde dopés, préférant fermer les yeux pour des raisons d’image ou d’audience. Fogel, lui, reste droit, même quand les révélations de Rodtchenkov deviennent de plus en plus explosives. 

Icare ne prétend pas réformer le sport, ni abolir le dopage, mais il en démonte les mécanismes cyniques : la triche à grande échelle, les complicités institutionnelles, l’omerta diplomatique, la propagande d’État. Il y a quelque chose d’ironique et de glaçant à voir ce film sortir au moment des championnats du monde d’athlétisme, comme un rappel à l’ordre. 

La tension finale, lorsqu’il s’agit de faire fuir Rodtchenkov, évoque presque Le Serpent de Verneuil : les courses de passeports, les appartements sécurisés, les regards dans le dos. À la différence qu’ici, il ne s’agit pas de fiction : la Russie veut faire taire un homme qui en sait trop. Dans son exil américain, Rodtchenkov reste une figure trouble : traître, justicier ou espion repenti ? À chacun de juger. 

Mais ce qui est certain, c’est que Icare est un documentaire d’une intensité rare. Un film puissant, bien monté, tendu, rigoureux et humain, où l’on comprend que derrière les médailles brillantes se cachent souvent des arrangements plus sombres. Ce n’est pas qu’un film sur le sport : c’est un film sur le mensonge à échelle mondiale. 

Et même si, comme vous le dites justement, "ce n’est que du sport", on comprend à quel point ce "seulement" peut cacher des vérités explosives. 

NOTE : 13.20

FICHE TECHNIQUE

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire