Vu le film Le Gaucher de Arthur Penn (1958) avec Paul Newman Lita Milan John Dehner Hurd Hatfield James Congdon Colin Keith-Johnston James Best John Dierkes Robert Anderson
William
Bonney dit Billy the Kid errant épuisé dans le désert, est recueilli
par un éleveur, J.H. Tunstall, homme juste et nourri de lectures bibliques qui
le prend en affection. Un peu plus tard cet éleveur, qui refuse l'emploi des
armes, est tué dans une embuscade par quatre notables, éleveurs rivaux qui ont
réussi à soudoyer le veule shérif Brady. Billy, qui arrive aussitôt sur les
lieux mais ne peut que constater la mort de son protecteur, décide de le
venger.
Le Gaucher (1958), premier film d’Arthur
Penn, est une relecture fascinante du mythe de Billy the Kid. Ce western
atypique s'éloigne des canons classiques du genre pour s’aventurer sur le
terrain de l’introspection psychologique, sublimée par l’approche méthodique de
l’Actors Studio. Dès les premières scènes, on perçoit une volonté de casser
l’image du bandit romantique pour révéler un Billy (interprété par Paul Newman)
profondément humain, tiraillé entre ses désirs de liberté et ses instincts
destructeurs. La relation ambiguë entre Billy et Pat Garrett, campé avec
justesse par John Dehner, n’est pas qu’un duel entre la loi et l’illégalité :
elle évoque une amitié conflictuelle, empreinte d’admiration, de trahison et
d’une tension presque palpable.
Paul Newman, dans un rôle qui aurait pu
revenir à James Dean, est absolument magnétique. Sa jeunesse, sa beauté
désarmante et son charisme animal captent chaque instant, rappelant l’intensité
de Dean dans À l’Est d’Eden. Cependant, Newman injecte sa propre
sensibilité au personnage, oscillant entre arrogance juvénile et une
vulnérabilité troublante. Son Billy the Kid est à la fois poète maudit et bête
traquée, un cocktail irrésistible qui rend sa chute tragique encore plus
poignante.
Penn, bien que bridé par le studio et
finalement écarté du montage final, imprime déjà sa marque. Il déconstruit le
western traditionnel, l’entraînant vers un réalisme cru, presque hormonal. Les
corps se heurtent, transpirent et saignent, dans une mise en scène nerveuse et
souvent magnifiée par un noir et blanc somptueux. Ce choix esthétique,
audacieux à une époque où la couleur dominait, confère au film une atmosphère
mélancolique, presque fantomatique. Les paysages désertiques, les visages
marqués et les ombres profondes prennent un relief quasi expressionniste, comme
si le destin de Billy était déjà écrit dans la poussière qu’il foule.
Malheureusement, ce film maudit,
massacré au montage par le studio, n’a pas connu le succès qu’il méritait à sa
sortie. Trop avant-gardiste, peut-être trop intime pour un public habitué aux
westerns héroïques, il est resté dans l’ombre. Pourtant, avec le recul, Le
Gaucher apparaît comme une œuvre fondatrice, annonciatrice de la modernité
du western des années 60 et 70. Penn, dès ses débuts, prouve son talent pour
sonder l’âme de ses personnages, donnant à cette histoire archétypale une
profondeur inédite. Un bijou mal-aimé, mais d’une beauté brute et indélébile.
NOTE ; 16.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Arthur Penn
- Scénario : Leslie Stevens, d'après la pièce de Gore Vidal
- Musique : Alexander Courage
- Directeur de la photographie : J. Peverell Marley
- Costumes : Marjorie Best
- Montage : Folmar Blangsted
- Pays d'origine : États-Unis
- Paul Newman (VF : Jacques Thébault) : Billy the Kid
- Lita Milan (VF : Claire Guibert) : Celsa
- John Dehner (VF : Claude Péran) : Pat Garrett
- Hurd Hatfield (VF : André Lorière) : Moultrie
- James Congdon (VF : Pierre Fromont) : Charlie Boudre
- James Best (VF : Georges Poujouly) : Tom Folliard
- Colin Keith-Johnston (VF : Gérard Ferrat) : Tunstall
- John Dierkes (VF : Pierre Morin) : McSween
- Robert Anderson (VF : Roger Rudel) : Hill
- Wally Brown (VF : Émile Duard) : Shérif Moon
- Denver Pyle (VF : Jean Violette) : Ollinger
- Paul Smith (VF : Serge Sauvion) : Bell
- Nestor Paiva (VF : Camille Guérini) : Pete Maxwell
- Joe Summer (VF : Estelle Gérard) : Mme Garrett
- Robert Foulk (VF : Robert Le Béal) : Brady
- Anne Barton (en) (VF : Jacqueline Ferrière) : Mrs. Hill
- Eve McVeagh (non créditée) : Mme McSween
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