Vu le film Ni Chaines Ni Maitres de Simon Moutairou (2024) avec Isaka Sawadoko Camille Cottin Félix Lefebvre Benoit Magimel Vassili Schneider Marc Barbé Bass Dhem Thiandoum Anna Diakhere Swala Emati Lancelot Courcerias
Avec Ni
Chaînes Ni Maîtres, Simon Moutairou livre une œuvre essentielle qui plonge
au cœur des heures sombres de la colonisation et de l’esclavage sur l’île
Maurice. Ce film, à la fois poétique et brutal, est un véritable devoir de
mémoire, un témoignage viscéral qui éclaire une page d’histoire trop souvent
reléguée à l’ombre.
Dès les
premières images, Moutairou nous saisit par la beauté hypnotique de l’île. Les
décors naturels, magnifiquement capturés par une photographie lumineuse,
deviennent presque un personnage à part entière. Les plages immaculées, les
montagnes imposantes et la végétation luxuriante semblent à première vue
idylliques. Mais sous cette beauté trompeuse se cache une histoire d’oppression
et de souffrance, que le réalisateur explore avec une intensité saisissante.
L’intelligence
de la mise en scène réside dans sa capacité à marier ces deux dimensions :
l’éclat de l’île et l’ombre de son passé. Jamais elles ne se télescopent de
manière artificielle ; elles cohabitent, se répondent, formant un tout
indissociable. La lumière éclatante des paysages contraste avec la noirceur des
cachots, le chant des oiseaux se mêle aux cris étouffés des esclaves, créant
une expérience sensorielle immersive.
Le
scénario, centré sur Yoro (incarné avec une intensité bouleversante par Isaka
Sawadogo), un esclave en quête de liberté et de dignité, est porté par une
narration puissante et des personnages profondément humains. Yoro incarne la
résilience face à l’indicible. À ses côtés Baptiste et Honoré Larcenet, campés
respectivement par Félix Lefebvre et Vassili Schneider, offrent un contraste
fascinant : l’un incarne la brutalité aveugle, tandis que l’autre, plus
ambivalent, semble tiraillé entre l’héritage familial et une conscience qui
s’éveille. Marc Barbé, dans le rôle du cruel propriétaire terrien, donne une
performance terrifiante, personnifiant le système oppressif dans toute sa
barbarie.
Les
scènes de confrontation sont d’une force incroyable. L’une des plus marquantes
reste celle où Yoro, malgré les chaînes, soutient le regard de Baptiste dans un
silence chargé de défi. Cette tension, amplifiée par une musique minimaliste
mais poignante, reflète la puissance de la mise en scène de Moutairou : chaque
geste, chaque regard a du poids.
Mais le
film ne se contente pas de dépeindre la violence. Il met également en lumière
les moments de solidarité et d’espoir. Les chants des esclaves, résonnant dans
les champs, deviennent un cri de résistance, une affirmation de vie face à la
mort. Ces instants, où l’humanité persiste malgré tout, donnent une profondeur
et une beauté tragique à l’ensemble.
Ni
Chaînes Ni Maîtres
évite l’écueil du didactisme grâce à une réalisation énergique et un rythme
maîtrisé. Le récit alterne entre scènes d’action haletantes et moments plus
contemplatifs, offrant un équilibre parfait entre intensité dramatique et
réflexion historique.
Simon
Moutairou signe ici une œuvre majeure, qui transcende le simple récit
historique pour devenir une méditation sur la liberté, l’identité et la
mémoire. Avec des performances remarquables, une mise en scène magistrale et
une photographie sublime, ce film est un véritable coup de cœur. Un rappel
essentiel des luttes passées et un hommage à ceux qui ont souffert dans l’ombre
de l’Histoire.
Magnifique
est le mot.
NOTE : 16.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Simon Moutaïrou
- Musique : Amine Bouhafa
- Décors : David Bersanetti
- Costumes : Pierre-Jean Larroque
- Photographie : Antoine Sanier
- Son : Katia Boutin, Nicolas Bouvet-Levrard et Olivier Dandré
- Montage : Pierre Deschamps
- Production : Nicolas Dumont et Hugo Sélignac
- Coproduction : Boris Vassallo
- Production exécutive : Niven Pareemanen
- Production associée : Antoine Lafon
- Sociétés de production : Chi-Fou-Mi Productions, en coproduction avec Les Autres Films, France 2 Cinéma, Studiocanal
- Sociétés de distribution : Studiocanal (France) ; O'Brother Distribution (Belgique)3, Frenetic Films (Suisse romande)
- Budget : 7,97 millions €
- Ibrahima Mbaye : Massamba
- Camille Cottin : Madame La Victoire
- Thiandoum Anna Diakhere : Mati
- Benoît Magimel : Eugène Larcenet
- Félix Lefebvre : Honoré Larcenet
- Vassili Schneider : Baptiste
- Lancelot Courcieras : Joseph
- Swala Emati : Mame Ngessou
- Lazare Minoungou : Rado
- Marc Barbé : René Magon de La Villebague
- Bass Dhem : Barbe Blanche
- Issaka Sawadogo : Yoro
- Komi Amado : Khoulé
- Charlotte Saudrais : Ruba
- Odile Sankara : Ayadala
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