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jeudi 23 janvier 2025

16.20 - MON AVIS SUR LE FILM NI CHAINES NI MAITRES DE SIMON MOUTAIROU (2024)


 Vu le film Ni Chaines Ni Maitres de Simon Moutairou (2024) avec Isaka Sawadoko Camille Cottin Félix Lefebvre Benoit Magimel Vassili Schneider Marc Barbé Bass Dhem Thiandoum Anna Diakhere Swala Emati Lancelot Courcerias

 

Avec Ni Chaînes Ni Maîtres, Simon Moutairou livre une œuvre essentielle qui plonge au cœur des heures sombres de la colonisation et de l’esclavage sur l’île Maurice. Ce film, à la fois poétique et brutal, est un véritable devoir de mémoire, un témoignage viscéral qui éclaire une page d’histoire trop souvent reléguée à l’ombre.

Dès les premières images, Moutairou nous saisit par la beauté hypnotique de l’île. Les décors naturels, magnifiquement capturés par une photographie lumineuse, deviennent presque un personnage à part entière. Les plages immaculées, les montagnes imposantes et la végétation luxuriante semblent à première vue idylliques. Mais sous cette beauté trompeuse se cache une histoire d’oppression et de souffrance, que le réalisateur explore avec une intensité saisissante.

L’intelligence de la mise en scène réside dans sa capacité à marier ces deux dimensions : l’éclat de l’île et l’ombre de son passé. Jamais elles ne se télescopent de manière artificielle ; elles cohabitent, se répondent, formant un tout indissociable. La lumière éclatante des paysages contraste avec la noirceur des cachots, le chant des oiseaux se mêle aux cris étouffés des esclaves, créant une expérience sensorielle immersive.

Le scénario, centré sur Yoro (incarné avec une intensité bouleversante par Isaka Sawadogo), un esclave en quête de liberté et de dignité, est porté par une narration puissante et des personnages profondément humains. Yoro incarne la résilience face à l’indicible. À ses côtés  Baptiste et Honoré Larcenet, campés respectivement par Félix Lefebvre et Vassili Schneider, offrent un contraste fascinant : l’un incarne la brutalité aveugle, tandis que l’autre, plus ambivalent, semble tiraillé entre l’héritage familial et une conscience qui s’éveille. Marc Barbé, dans le rôle du cruel propriétaire terrien, donne une performance terrifiante, personnifiant le système oppressif dans toute sa barbarie.

Les scènes de confrontation sont d’une force incroyable. L’une des plus marquantes reste celle où Yoro, malgré les chaînes, soutient le regard de Baptiste dans un silence chargé de défi. Cette tension, amplifiée par une musique minimaliste mais poignante, reflète la puissance de la mise en scène de Moutairou : chaque geste, chaque regard a du poids.

Mais le film ne se contente pas de dépeindre la violence. Il met également en lumière les moments de solidarité et d’espoir. Les chants des esclaves, résonnant dans les champs, deviennent un cri de résistance, une affirmation de vie face à la mort. Ces instants, où l’humanité persiste malgré tout, donnent une profondeur et une beauté tragique à l’ensemble.

Ni Chaînes Ni Maîtres évite l’écueil du didactisme grâce à une réalisation énergique et un rythme maîtrisé. Le récit alterne entre scènes d’action haletantes et moments plus contemplatifs, offrant un équilibre parfait entre intensité dramatique et réflexion historique.

Simon Moutairou signe ici une œuvre majeure, qui transcende le simple récit historique pour devenir une méditation sur la liberté, l’identité et la mémoire. Avec des performances remarquables, une mise en scène magistrale et une photographie sublime, ce film est un véritable coup de cœur. Un rappel essentiel des luttes passées et un hommage à ceux qui ont souffert dans l’ombre de l’Histoire.

Magnifique est le mot.

NOTE : 16.20

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation et scénario : Simon Moutaïrou
  • Musique : Amine Bouhafa
  • Décors : David Bersanetti
  • Costumes : Pierre-Jean Larroque
  • Photographie : Antoine Sanier
  • Son : Katia Boutin, Nicolas Bouvet-Levrard et Olivier Dandré
  • Montage : Pierre Deschamps
  • Production : Nicolas Dumont et Hugo Sélignac
  • Coproduction : Boris Vassallo
  • Production exécutive : Niven Pareemanen
  • Production associée : Antoine Lafon
  • Sociétés de production : Chi-Fou-Mi Productions, en coproduction avec Les Autres Films, France 2 CinémaStudiocanal
  • Sociétés de distribution : Studiocanal (France) ; O'Brother Distribution (Belgique)3, Frenetic Films (Suisse romande)
  • Budget : 7,97 millions €

DISTRIBUTION

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