Vu le film Nosferatu de Robert Eggers (2025) avec Bill Skarsgard Willem Dafoe Nicholas Hoult Lily Rose Depp Emma Corin Aaron Taylor-Johnson Ralph Ineson Simon McBurney
Des années en arrière, à la recherche de compagnie,
la jeune Ellen prie
pour qu'un esprit lui apporte son amour. Un esprit inconnu parlant le dace répond à sa
prière et la pousse à se vouer à lui pour l'éternité. Elle accepte et est
ensuite prise de violentes convulsions.
Durant l'hiver 1838, Ellen, désormais
adulte, vit dans la ville de Wisborg, en Allemagne,
avec son mari Thomas Hutter,
un clerc
de notaire. Dans l'espoir d'obtenir une bonne place chez son
employeur Knock,
Thomas accepte de se rendre dans les montagnes des Carpates pour
aller rencontrer le comte Orlok,
reclus et excentrique. Le jeune homme doit lui vendre le Schloss Grünewald, une
maison seigneuriale décrépite de la ville. À l'insu de Thomas, Knock a arrangé
cela dans le cadre d'un pacte occulte avec Orlok.
Nosferatu
n’est pas seulement un film sur un vampire ; il est l’incarnation d’un mythe
cinématographique et littéraire qui a marqué des générations. L’œuvre originale
de Murnau en 1922 s’est imposée comme une allégorie terrifiante et poétique,
traduisant les peurs de son époque (la peste, la mort, l’étrangeté). Reprendre
un tel mythe exige de trouver un équilibre délicat entre hommage et recréation.
Eggers, avec son souci de l'authenticité historique
et de l’atmosphère, semblait être le cinéaste idéal pour cette tâche. Son
approche rigoureuse, notamment dans The Witch ou The Lighthouse,
montre sa capacité à ancrer ses récits dans des contextes riches en détails et
en symbolisme. Mais ici, cette obsession du détail visuel semble avoir pris le
pas sur la puissance narrative. Le film explore bien le thème de l’étrangeté et
la lente corruption d’un monde par la figure du vampire, mais il manque cette
tension mythologique où Nosferatu devient une force inéluctable, un prédateur
métaphysique autant qu’humain.
Le mythe reste en arrière-plan, relégué à quelques
scènes tardives ou à des symboles visuels éclatants mais épars. Là où Murnau
faisait de l’ombre du vampire une métaphore omniprésente de la peur et de
l’oppression, Eggers semble se contenter d’une esthétique évocatrice sans
plonger dans une véritable réflexion sur la terreur qu’incarne le personnage.
Cela laisse le spectateur en attente d’un frisson ou d’une révélation qui ne
vient jamais totalement.
Le casting est toujours un élément crucial dans les
films d’Eggers, car il choisit des acteurs capables de s’immerger dans des
univers singuliers. Ici, Willem Dafoe et Nicholas Hoult apportent une dimension
supplémentaire à leurs personnages. Dafoe, en particulier, excelle dans son
rôle mystique et inquiétant, rappelant ses performances marquantes dans des
œuvres dérangeantes (The Lighthouse, The Last Temptation of Christ).
Hoult, quant à lui, incarne une humanité fragile, offrant un contrepoint
émotionnel face à l'inhumanité froide du comte Orlok.
Cependant, Bill Skarsgård, choisi pour incarner ce
dernier, peine à imposer sa version du mythe. Son interprétation repose
davantage sur une présence physique — son regard perçant, son allure élancée et
fantomatique — que sur une profondeur psychologique. Alors que Max Schreck dans
le film de Murnau ou Klaus Kinski dans celui d’Herzog réussissaient à incarner
une terreur presque animale, Skarsgård semble trop contrôlé, trop contenu.
Cette retenue prive le comte Orlok de l’intensité viscérale nécessaire pour
fasciner ou terrifier.
De plus, son Nosferatu apparaît comme un vampire
mélancolique mais dénué d’ambiguïté ou d'aura mythique. Il n'a ni l’horreur
primitive de Schreck ni l’humanité torturée de Kinski. Eggers a peut-être voulu
jouer sur une forme de sobriété, mais cela rend son vampire curieusement fade.
Dans un film où le personnage principal devrait être l’épicentre du mythe,
c’est un problème de taille.
Le travail d’Eggers sur Nosferatu témoigne de
son admiration pour le mythe, mais son respect excessif pour l’original semble
l’avoir freiné dans sa réinterprétation. Si le film regorge de beauté visuelle,
il ne parvient pas à faire du comte Orlok une figure qui habite véritablement
l’imaginaire du spectateur. Cela tient autant au traitement du personnage dans
le scénario qu’à une direction d’acteur qui semble avoir limité Bill Skarsgård
dans son interprétation.
Eggers nous laisse avec une œuvre intrigante, mais
inaboutie : un bel écrin gothique, mais un mythe qui n’a pas retrouvé toute son
âme. Une belle tentative néanmoins, qui prouve qu’Eggers continue d'explorer
des territoires audacieux, même s'il ne touche pas toujours au sublime.
NOTE ; 14.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Robert Eggers
- Scénario : Robert Eggers, d'après le scénario de Nosferatu le vampire basé sur le roman Dracula de Bram Stoker
- Musique : Robin Carolan
- Décors : Craig Lathrop
- Costumes : Linda Muir
- Photographie : Jarin Blaschke
- Montage : Louise Ford
- Production : Chris Columbus, Eleanor Columbus, Robert Eggers, John Graham et Jeff Robinov
- Production déléguée : Bernard Bellew
- Coproduction : David Minkowski et Matthew Stillman
- Sociétés de production : 1492 Pictures, Focus Features, Stillking Films et Studio 8
- Sociétés de distribution : Focus Features (États-Unis) ; Universal Pictures (France, Québec)
- Bill Skarsgård (VF : Sacha Petronijevic) : le comte Orlock/Nosferatu
- Nicholas Hoult (VF : Jim Redler) : Thomas Hutter
- Lily-Rose Depp (VF : Elia-Carmine Robbe) : Ellen Hutter
- Aaron Taylor-Johnson (VF : Jean-Christophe Dollé) : Friedrich Harding
- Emma Corrin (VF : Barbara Probst) : Anna Harding
- Willem Dafoe (VF : Patrick Bonnel) : Pr Albin Eberhart Von Franz
- Simon McBurney (VF : Enrique Carballido) : Herr Knock
- Ralph Ineson (VF : Frédéric Norbert) : Dr Wilhelm Sievers
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