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lundi 27 janvier 2025

14.10 - MON AVIS SUR LE FILM NOSFERATU DE ROBERT EGGERS (2025)

 


Vu le film Nosferatu de Robert Eggers (2025) avec Bill Skarsgard Willem Dafoe Nicholas Hoult Lily Rose Depp Emma Corin Aaron Taylor-Johnson Ralph Ineson Simon McBurney 

Des années en arrière, à la recherche de compagnie, la jeune Ellen prie pour qu'un esprit lui apporte son amour. Un esprit inconnu parlant le dace répond à sa prière et la pousse à se vouer à lui pour l'éternité. Elle accepte et est ensuite prise de violentes convulsions.

Durant l'hiver 1838, Ellen, désormais adulte, vit dans la ville de Wisborg, en Allemagne, avec son mari Thomas Hutter, un clerc de notaire. Dans l'espoir d'obtenir une bonne place chez son employeur Knock, Thomas accepte de se rendre dans les montagnes des Carpates pour aller rencontrer le comte Orlok, reclus et excentrique. Le jeune homme doit lui vendre le Schloss Grünewald, une maison seigneuriale décrépite de la ville. À l'insu de Thomas, Knock a arrangé cela dans le cadre d'un pacte occulte avec Orlok.

Nosferatu n’est pas seulement un film sur un vampire ; il est l’incarnation d’un mythe cinématographique et littéraire qui a marqué des générations. L’œuvre originale de Murnau en 1922 s’est imposée comme une allégorie terrifiante et poétique, traduisant les peurs de son époque (la peste, la mort, l’étrangeté). Reprendre un tel mythe exige de trouver un équilibre délicat entre hommage et recréation.

Eggers, avec son souci de l'authenticité historique et de l’atmosphère, semblait être le cinéaste idéal pour cette tâche. Son approche rigoureuse, notamment dans The Witch ou The Lighthouse, montre sa capacité à ancrer ses récits dans des contextes riches en détails et en symbolisme. Mais ici, cette obsession du détail visuel semble avoir pris le pas sur la puissance narrative. Le film explore bien le thème de l’étrangeté et la lente corruption d’un monde par la figure du vampire, mais il manque cette tension mythologique où Nosferatu devient une force inéluctable, un prédateur métaphysique autant qu’humain.

Le mythe reste en arrière-plan, relégué à quelques scènes tardives ou à des symboles visuels éclatants mais épars. Là où Murnau faisait de l’ombre du vampire une métaphore omniprésente de la peur et de l’oppression, Eggers semble se contenter d’une esthétique évocatrice sans plonger dans une véritable réflexion sur la terreur qu’incarne le personnage. Cela laisse le spectateur en attente d’un frisson ou d’une révélation qui ne vient jamais totalement.

Le casting est toujours un élément crucial dans les films d’Eggers, car il choisit des acteurs capables de s’immerger dans des univers singuliers. Ici, Willem Dafoe et Nicholas Hoult apportent une dimension supplémentaire à leurs personnages. Dafoe, en particulier, excelle dans son rôle mystique et inquiétant, rappelant ses performances marquantes dans des œuvres dérangeantes (The Lighthouse, The Last Temptation of Christ). Hoult, quant à lui, incarne une humanité fragile, offrant un contrepoint émotionnel face à l'inhumanité froide du comte Orlok.

Cependant, Bill Skarsgård, choisi pour incarner ce dernier, peine à imposer sa version du mythe. Son interprétation repose davantage sur une présence physique — son regard perçant, son allure élancée et fantomatique — que sur une profondeur psychologique. Alors que Max Schreck dans le film de Murnau ou Klaus Kinski dans celui d’Herzog réussissaient à incarner une terreur presque animale, Skarsgård semble trop contrôlé, trop contenu. Cette retenue prive le comte Orlok de l’intensité viscérale nécessaire pour fasciner ou terrifier.

De plus, son Nosferatu apparaît comme un vampire mélancolique mais dénué d’ambiguïté ou d'aura mythique. Il n'a ni l’horreur primitive de Schreck ni l’humanité torturée de Kinski. Eggers a peut-être voulu jouer sur une forme de sobriété, mais cela rend son vampire curieusement fade. Dans un film où le personnage principal devrait être l’épicentre du mythe, c’est un problème de taille.

Le travail d’Eggers sur Nosferatu témoigne de son admiration pour le mythe, mais son respect excessif pour l’original semble l’avoir freiné dans sa réinterprétation. Si le film regorge de beauté visuelle, il ne parvient pas à faire du comte Orlok une figure qui habite véritablement l’imaginaire du spectateur. Cela tient autant au traitement du personnage dans le scénario qu’à une direction d’acteur qui semble avoir limité Bill Skarsgård dans son interprétation.

Eggers nous laisse avec une œuvre intrigante, mais inaboutie : un bel écrin gothique, mais un mythe qui n’a pas retrouvé toute son âme. Une belle tentative néanmoins, qui prouve qu’Eggers continue d'explorer des territoires audacieux, même s'il ne touche pas toujours au sublime.

NOTE ; 14.10

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Robert Eggers
  • Scénario : Robert Eggers, d'après le scénario de Nosferatu le vampire basé sur le roman Dracula de Bram Stoker
  • Musique : Robin Carolan
  • Décors : Craig Lathrop
  • Costumes : Linda Muir
  • Photographie : Jarin Blaschke
  • Montage : Louise Ford
  • Production : Chris Columbus, Eleanor Columbus, Robert Eggers, John Graham et Jeff Robinov
    • Production déléguée : Bernard Bellew
    • Coproduction : David Minkowski et Matthew Stillman
  • Sociétés de production : 1492 PicturesFocus FeaturesStillking Films et Studio 8
  • Sociétés de distribution : Focus Features (États-Unis) ; Universal Pictures (France, Québec)

DISTRIBUTION

 

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