Avis sur le film Fario de Lucie Prost (2024) avec Finnegan Oldfield Megan Northam Florence Loiret Caille Andranic Manet Olivia Côte Camille Rutherford Léna Laurent Marie Victoria Dragus Maxence Tual et Idir Chender
Léo, jeune ingénieur
brillant et fêtard qui vit à Berlin, doit rentrer dans son village du Doubs
pour vendre les terrains agricoles de son père à une entreprise de forage de
métaux rares. Il retrouve sa mère, sa petite sœur, ses copains et son cousin,
en désaccord avec le projet de mine.
Avec Fario,
Lucie Prost livre une œuvre qui semble vouloir explorer de multiples
thématiques mais s’égare dans ses intentions. Le film suit Léo, interprété par
Finnegan Oldfield, un biologiste revenu dans son village natal pour enquêter
sur la pollution d’une rivière où les truites, les fameuses « farios », meurent
mystérieusement. Si cette intrigue de surface avait le potentiel de tisser un
récit écologique et intimiste, le résultat final apparaît confus, avec des
personnages et des arcs narratifs qui peinent à trouver leur profondeur.
Léo,
figure centrale du film, est un homme en proie à des contradictions
personnelles. Finnegan Oldfield, toujours impeccable, parvient à donner de la
nuance à ce personnage pourtant mal écrit. On sent chez Léo une tension
intérieure liée à son retour au bercail, où ses relations familiales et
sociales le confrontent à des blessures non refermées. Cependant, la
caractérisation du personnage reste floue : est-il là pour se racheter auprès
de sa communauté ou pour fuir quelque chose d’autre ? La réponse, jamais
vraiment abordée, contribue à l’impression d’incomplétude du film.
Les
relations familiales de Léo, notamment avec son cousin Augustin (très bon Andranic
Manet), forment un des fils rouges du récit. Augustin, jeune homme sensible et
complexe, est un des rares points d’ancrage émotionnels du film, porté par une
prestation juste et délicate de Manet. Cependant, l’exploration de son
homosexualité, et surtout de l’homophobie latente de Léo, est traitée de
manière trop superficielle. On frôle des thématiques intéressantes, mais elles
ne sont jamais pleinement développées. Cette dynamique fraternelle, pourtant
riche en potentiel, aurait mérité d’être approfondie pour donner au film un
véritable cœur émotionnel.
Sur le
plan écologique, le sujet de la pollution de la rivière est un autre élément
clé, mais il est abordé de manière presque anecdotique. Ce qui aurait pu être
une réflexion captivante sur l’impact environnemental et les tensions entre
modernité et traditions rurales se réduit à une toile de fond à peine
exploitée. La rivière, qui devrait être un symbole fort, reste un décor
accessoire, sans réelle portée narrative ou métaphorique.
Le
mélange de tout cela – homosexualité, pollution, sorties nocturne et retours
énigmatiques de Léo, et son manque de conviction dans son rôle de biologiste –
donne une œuvre où les intentions s’entremêlent sans jamais converger. La mise
en scène elle-même semble hésiter entre réalisme naturaliste et envolées
presque fantasmagoriques, notamment lors des sorties nocturnes de Léo. Ces
scènes intrigantes, bien que visuellement intéressantes, manquent d’un ancrage
narratif qui leur donnerait du sens.
Malgré
tout, le film n’est pas dénué de qualités. Le casting est solide : Finnegan
Oldfield, même dans un rôle mal exploité, insuffle une certaine gravité à son
personnage. Quant à Andranic Manet, il brille par une subtilité qui rappelle
ses performances dans Les Gens bien ordinaires. Visuellement, Lucie
Prost démontre une sensibilité pour les paysages et les atmosphères rurales,
avec des plans qui capturent la beauté et l’austérité des lieux. Mais ces
atouts formels ne suffisent pas à rattraper un scénario qui s’éparpille.
Fario est un film ambitieux dans ses
thèmes mais qui souffre d’un manque de direction claire. À force de vouloir
dire trop de choses, Lucie Prost ne parvient pas à approfondir ses sujets,
laissant une impression de superficialité. Dommage, car avec un tel casting et
un décor si évocateur, le film avait tout pour plonger dans des eaux plus
profondes. Un rendez-vous manqué, mais pas sans quelques éclats de talent.
NOTE : 11.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Lucie Prost
- Scénario : Lucie Prost, Nathalie Saugeon et Alain Layrac
- Musique : Pierre Desprats
- Décors : Julie Wassef
- Costumes : Elisa Ingrassia
- Photographie : Thomas Favel
- Son : Nicolas Plouhinec
- Montage : Lila Desiles
- Production : Nelson Ghrénassia et Lucie Fichot
- Sociétés de production : Yunkunkun Productions et Folle Allure Films
- Sociétés de distribution : Paname Distribution
- Finnegan Oldfield : Léo
- Megan Northam : Camille
- Florence Loiret Caille : Nelly
- Léna Laurent : Louise
- Andranic Manet : Augustin
- Idir Chender : Mehdi
- Olivia Côte : la maire
- Camille Rutherford : Elsa
- Maxence Tual : Stéphane
- Maria-Victoria Dragus : Hannah
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