Vu le film (sur Canal Plus) One and Four de Jigme Trinley (2021) avec Jinpa, Wang Zheng Kunde Darggye Tenzin, Tsemdo
Isolé dans sa cabane perdue en pleine
montagne, un garde forestier noie sa solitude dans l’alcool en attendant la
relève lorsqu’un homme armé et blessé se réfugie chez lui, bientôt suivi par
trois autres qui se font passer pour des policiers à la recherche d’un
braconnier...
One
and Four,
thriller chinois réalisé par Jigme Trinle, est une œuvre qui intrigue autant
qu’elle frustre. Jamais sorti dans nos contrées, ce film aurait pu devenir un
trésor caché pour les amateurs de cinéma asiatique et de thrillers atypiques.
Pourtant, malgré des ambitions visuelles évidentes et une atmosphère glaciale
digne des plus grands westerns enneigés, il laisse un goût d’inachevé. Ce huis
clos se déroule au cœur des montagnes, dans une région reculée, où le froid
mordant devient presque un personnage à part entière. On sent que Jigme Trinle
a été profondément influencé par des cinéastes comme Sergio Leone et Quentin
Tarantino, notamment dans la mise en scène des tensions et des scènes
violentes. Mais là où ses modèles maîtrisent l’art de raconter une histoire,
Trinle semble s’égarer en chemin.
Le
point fort du film réside indéniablement dans sa photographie. Les paysages
enneigés, vastes et menaçants, sont magnifiquement capturés, créant une
sensation d’isolement extrême. Chaque plan semble conçu pour plonger le
spectateur dans cet environnement hostile, où le moindre faux pas peut être
fatal. Cette ambiance oppressante est renforcée par une réalisation soignée,
qui privilégie les plans larges et les jeux d’ombres et de lumières. On ressent
physiquement le froid, au point d’avoir envie de se réfugier sous une couette
en regardant ces montagnes glacées.
Cependant,
la beauté formelle du film ne suffit pas à compenser ses faiblesses narratives.
Jigme Trinle semble avoir oublié un élément fondamental : l’histoire. Certes,
il y a des scènes spectaculaires, des affrontements violents et une tension
palpable, mais le scénario reste confus et sous-développé. Les personnages,
bien qu’intrigants au premier abord, manquent de profondeur et d’arcs narratifs
clairs. On peine à comprendre leurs motivations et à s’attacher à eux, ce qui
réduit considérablement l’impact émotionnel du film.
La
structure narrative du film s’inspire des thrillers paranoïaques, où la
méfiance et le doute règnent en maître. Qui est digne de confiance ? Qui trahit
qui ? Ces questions restent constamment en suspens, mais elles finissent par
lasser plutôt que de captiver, faute de développement solide. Là où un
Tarantino excelle à jouer avec les attentes du spectateur, Trinle se contente
de les effleurer, sans véritablement les exploiter. Le film devient alors une
succession de scènes impressionnantes, certes bien réalisées, mais dépourvues
de lien fort ou de progression narrative.
Malgré
tout, il serait injuste de rejeter One and Four en bloc. Il témoigne
d’une véritable ambition de la part de Jigme Trinle, qui montre un réel talent
pour créer une atmosphère singulière. Certaines scènes, par leur intensité et
leur brutalité, rappellent les meilleurs moments de westerns modernes comme Les
Huit Salopards de Tarantino ou encore les thrillers enneigés à la Wind
River. Le réalisateur parvient à instaurer une tension constante, mais il
ne parvient jamais à lui donner une véritable résolution, laissant le
spectateur sur sa faim.
One
and Four est
une belle promesse, un film qui aurait pu marquer les esprits s’il avait su
mieux raconter son histoire. Si vous êtes amateur de thrillers visuellement
frappants et que vous aimez les ambiances glaciales et oppressantes, il vaut la
peine d’être vu. Mais ne vous attendez pas à une intrigue captivante ou à des
personnages mémorables. Ce thriller de zone 2 séduit par ses images, mais peine
à convaincre par son récit. Un bel exercice de style, mais rien de plus.
NOTE : 11.10
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire